Le gouvernement est en train d’amputer la France d’une jambe. Il a peut-être raison, et désobéir à ses consignes serait la pire attitude. Le problème, c’est que pendant qu’il scie la jambe droite de la France, le gouvernement néglige de préserver la gauche.
Je ne parle pas des énormes erreurs du passé, des mensonges sur les masques, même s’il était criminel de ne pas expliquer : « on a mal géré, on n’a pas de masques, mais couvrez-vous avec un foulard ou un masque de fortune ». Je ne vais pas expliquer à quel point c’est une honte que Monsieur Macron ne se soit toujours pas excusé d’avoir dit qu’il n’y avait jamais eu de pénurie de masques pour les soignants alors que tant de soignants — dont 200 médecins de ville — en sont morts. Pire, certains ont contaminé leurs proches qui sont morts. Ces soignants applaudis hier, mais que le gouvernement maltraite aujourd’hui, alors que les mensonges et l’incompétence ont tué la confiance et engraissé le complotisme.
Défaut d’information
Vous trouverez des médecins qui approuveront le gouvernement sans voir ses fautes. En voici un exemple insupportable : alors que le virus est porté par l’air, aucune consigne n’a été donnée pour ouvrir les fenêtres dans les transports en commun et on n’a pas d’ingénieur spécialiste de la mécanique des fluides dans le conseil scientifique ! Des tonnes de spots sont diffusées pour les gestes barrières, le port du masque obligatoire, mais deux tiers de ceux qui portent le masque ne font pas suivre la courbure autour du nez : 20 % de fuites. Il faut expliquer comment mettre le masque !
Face à ce Président et à son gouvernement, que font les médias ? Un seul rappelle à 20h tous les soirs les erreurs actuelles mortelles. Les autres cultivent encore l’hystérisation des débats. Ce gouvernement fait ce qu’aucun chirurgien n’a jamais osé : il nous coupe la jambe en gardant ses yeux bandés ! Parce que depuis le début, il n’a rien mis en place pour que les chercheurs disposent de données épidémiologiques. On n’a même pas proposé aux personnes contaminées de répondre à des questions simples pour savoir comment on se contamine : quelle est la part des contaminations par contact, si on ne se touche pas le visage ? Quelle est la différence d’efficacité entre les différents masques ? Et quand il fait froid, avec la condensation, est-ce raisonnable d’arriver dans le métro bondé avec un masque mouillé ? Les obligations actuelles, édictées par des idiots champions du monde, supposent que les gens sont stupides.
Et encore : quel risque dans un wagon de métro ? De TGV ? Quel impact si on peut ôter son masque pour manger ? Quel risque quand on se parle sans masque à 50 cm dans la rue ? Ôter son masque pour manger seul n’est pas dangereux. Mais à 6 ? Et si chacun des 6 mange avec 5 nouvelles personnes chaque jour ? Dans un restaurant correct (distanciation, aération, bruit ambiant), est-ce dangereux d’y manger si c’est avec les gens qui vivent avec vous ? Et dans un théâtre, un cinéma ? Un couple qui s’embrasse tous les jours, si l’un contamine l’autre, ce dernier fait-il une forme moins grave parce qu’il aura été contaminé au tout début, lorsque le malade n’émet encore que peu de virus ? Et beaucoup d’autres questions !
Le Président et son gouvernement n’informent pas leur patient, la France, c’est-à-dire nous. Mais si un médecin donnait comme seule explication : « C’est grave, donc je suis en train de vous couper la jambe », non seulement il ne respecterait pas la Loi, mais ce serait un salaud. Avant, on doit des explications au patient, lui avoir exposé les autres stratégies possibles, les avantages et inconvénients de chacune, les évolutions prévisibles.
Quid des études qu’il aurait fallu faire ?
Et puis, il y a aussi toutes les études que le gouvernement aurait dû lancer. L’approvisionnement en vaccins est bloquant. Peut-on identifier des sous-groupes chez lesquels une seule injection apporte 90 % de protection ? Par exemple, ceux qui font une forte réaction à cette première injection. On fait des millions de PCR pour savoir si les gens sont contagieux, mais des malades restent positifs 5 semaines après le début alors qu’ils ont développé des anticorps. Leur PCR détecte en fait des fragments de virus et non un virus contaminant. Ces PCR se négativent après un lavage des fosses nasales. Qu’attend-on pour tester si un lavage des fosses nasales la veille de la PCR augmente sa spécificité ? Moins de faux positifs, c’est moins de contacts, donc moins de gens qui doivent arrêter de travailler et s’isoler inutilement, donc beaucoup plus de moyens pour isoler lorsque c’est nécessaire. Se moucher et tousser volontairement en rentrant chez soi est-il protecteur ? Mettre des bougies entre nous pour manger face à face, est-ce protecteur ? Peut-on faire des pièges électrostatiques avec des feuilles en plastique ? Le risque de contaminer papy et mamie est-il réduit si, en plus de la distanciation, on met un ventilateur entre eux et nous ?
Quant aux études pour vérifier si les lieux de culture sont dangereux ou si on les tue pour rien, on les attend toujours. Et si le risque est confirmé, persiste-t-il sous certaines conditions : adaptation de la ventilation, des WC (cuvettes à vortex comme depuis des années au Canada), portes qui s’ouvrent sans les mains ? Rien n’est fait alors qu’il y a urgence. Et c’est pareil pour les restaurants !
Il est grand temps de nommer un ministre de l’épidémie, n’œuvrant que pour en sortir, une personne qui soit ancrée dans la vraie vie, celle des difficultés, des soucis, mais aussi celle de l’intelligence, du sens pratique, du sens critique, et de la cohérence, une personne voulant sauver les Français puis retourner à son travail et dont la carrière doit être indépendante des politiques. Un ministre ayant une vraie empathie, telle qu’il ne tuera pas des milliers d’acteurs de notre vie économique et sociale sans mettre sur la table toutes les possibilités qu’il aura envisagées.
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