Il y a quelques jours de cela les médias ont mis en lumière les pratiques au sein de certains Ehpad quelque peu déconcertantes, avec l’idée d’une rationalisation « économique » des prestations. Un journaliste a enquêté de manière indépendante sur les travers concernant la gestion de ces établissements, et il a mis en évidence de nombreuses failles à ce niveau.
Les personnes âgées sont des mannes financières non négligeables pour de nombreuses sociétés privées qui essaient de tirer un bénéfice de leur dépendance et parfois de leur crédibilité. Il est en effet tentant de proposer des prestations pour ces personnes en perte d’autonomie, cela tout en retirant des avantages financiers énormes.
Il me semble tout à fait anormal que certaines anomalies concernant la gestion de groupes privés n’aient pas pu être dénoncées antérieurement. En effet, certaines administrations sont en charge de contrôler ces structures dédiées à nos aînés, et visiblement les constats alarmants du journaliste auraient dû être déjà mis au grand jour par ces fonctionnaires. Il est probable que, derrière ce type de pratique, des intérêts « supérieurs » soient certainement responsables d’une omerta.
Le plus difficile à comprendre, c’est le montant à charge des résidents de ces établissements. Il est parfois astronomique (plus de 8 000 €/mois sur Paris) avec des prestations qui ne sont pas parfois à la hauteur de la somme donnée par la personne âge ou de sa famille (elle se substitue en cas d’insolvabilité du résident).
Et les médecins, alors !
Le domaine de la santé et de la dépendance devrait bénéficier de protection vis-à-vis d’escrocs éventuels et de sociétés indélicates. Malheureusement la réalité nous démontre que cela n’est pas le cas, et la moralité n’étouffe pas certains entrepreneurs indélicats ou structures privées pour spolier des professionnels. Ces professionnels, nous ne devons pas l’oublier, se mettent au service de la population et du bien-être des patients.
Ainsi, il y a quelques années de cela, l’exécutif avait demandé aux professionnels de santé de mettre en conformité leurs cabinets ou établissements ayant la nécessité d’un accueil inconditionnel des patients handicapés. Cette directive a été plus ou moins discutée, et nombreux sont les confrères urbains qui n’ont pu se conformer à cette obligation du fait des locaux mais aussi des charges locatives excessives ne permettant pas la réalisation de tels travaux.
Surfant sur cette vague, certaines sociétés « d’aide aux professionnels de santé » ont proposé leurs services pour que les soignants puissent recevoir le précieux sésame de conformité. Cela semble tout à fait honorable au départ, mais les sommes demandées pour faire venir un architecte spécialisé dans cette fonction étaient assez rondelettes (plus de 700 €).
De plus, non contentes de s’occuper de situations nécessitant des conseils pour une adaptation, certaines sociétés n’ont pas hésité à démarcher avec une certaine agressivité les praticiens ayant des locaux pouvant accueillir des patients handicapés. C’est ainsi que ma femme (elle aussi généraliste) a reçu de nombreux appels d’établissements en charge de ce contrôle de conformité. Une d’entre elles s’est montrée assez convaincante, et malgré le fait que notre local était tout à fait aux normes pour cet accueil, l’employée au bout du fil démontrait que cela n’était pas nécessairement le cas malgré les avis favorables de la mairie (le local a été construit suivant ces normes).
Il a fallu que je prenne l’appel et que j’explique en premier lieu mes interrogations sur le bien-fondé d’une expertise pour me rendre compte que la personne au bout du fil avait pour consigne de me « vendre » son service. Après la phase d’amabilité, le discours a été plus musclé et au final les insultes de la part de mon interlocutrice ont fusé.
De tels agissements ont été condamnés au niveau ordinal, mais il me semble qu’aucune de ces entreprises n’a reçu une sanction à la hauteur du préjudice subi.
Un autre fait avait également défrayé la chronique il y a quelques années de cela ; celui de l’annuaire électronique. Pour une fois une société humaniste venait au secours des professionnels de santé en constituant un annuaire à destination des patients. Cependant, lors de la signature de participation à « cette aventure », quelques lignes en très petits caractères expliquaient que ce service était payant. Nombreux sont les confrères qui n’ont pas vu la supercherie, et ont dû débourser des sommes assez conséquentes, tout cela pour un entrefilet sur un site qui n’était jamais consulté.
Un changement nécessaire pour éviter des débordements !
Au final ces différentes situations sont quelque peu dérangeantes car elles touchent au domaine de la santé et de la dépendance. Or ce domaine devrait être sanctuarisé pour assurer une protection des différents acteurs œuvrant dans ce domaine.
Malheureusement de nombreux individus ou sociétés sans scrupule n’ont pas d’hésitations pour gagner de l’argent sur le dos de personnes qui ne devraient pas subir de tels préjudices, au nom de la morale. Pourquoi dans ces cas, des contrôles et des sanctions exemplaires ne sont pas mis sur la table de négociations par les pouvoirs publics ?
Pourquoi des contrôles ne sont-ils pas effectués plus fréquemment ? Il est triste de voir que la moralité dans de nombreux domaines est une valeur qui est devenue accessoire. Aussi à la veille des prochaines élections il est important une nouvelle fois d’insister pour que des lois bien ficelées permettent de mieux protéger patients et soignants.
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