Le Quotidien du Médecin a, dans un de ces derniers numéros (vendredi 6 mai 2022), mis en lumière la problématique des urgences en France. Le personnel est épuisé par le flux ininterrompu et important de patients qui pourraient être pris en charge en ville. Cette situation a déjà maintes fois été dénoncée et malheureusement pas réellement prise en compte par les politiques.
Mme Buzyn, alors ministre de la Santé, avait proposé un financement pour humaniser les locaux des urgences. L’enveloppe budgétaire avait pour but de refaire les peintures et revoir le matériel de ces unités. En aucune manière n’avait été discuté des conditions de travail. M. Veran qui lui a succédé a centré son effort sur la Covid, et de ce fait n’a également pas pris en compte le problème des urgences.
Un député issu du rang des professionnels de santé a proposé une solution simple : le renvoi des patients reçus au sein des urgences hospitalières, et ayant des problèmes gérables par un généraliste vers un cabinet libéral. Cette idée aurait pu être discutée avant qu’une loi soit votée dans ce sens. Les politiques, et syndicalistes oublient que la surcharge de travail ne concerne pas uniquement les urgences, mais aussi les libéraux.
De nombreux généralistes ont pris leur retraite, et dans bien des cas, aucune relève n’est assurée pour effectuer un suivi des patients. Certains confrères sont au bord de la crise de nerfs car ils n’arrivent que très difficilement à boucler des journées de plus de 10 heures.
Dans ce contexte, il est quelque peu inconvenant que le Dr Prudhomme (AMUF) mette sur le tapis la nécessité d’un rétropédalage pour que les généralistes en exercice soient contraints de participer à la permanence des soins. Doit-on obliger les généralistes, qui travaillent déjà plus de 50 heures par semaine, à augmenter leur présence, cela alors qu’un grand nombre est actuellement éreinté ?
L’argument financier n’est pas recevable car le burn-out est bien plus important à gérer que son portefeuille, et ce d’autant plus qu’au bout du compte travailler plus, c’est surtout alimenter les caisses de l’État. De plus, je ne pense pas que les quelques rares secteurs de garde non pourvus soient à l’origine d’une saturation des urgences.
Des généralistes boucs émissaires
Le problème doit être recherché auprès de consultants de ces services. Ils sont souvent âgés, et deviennent dépendants sans que cet événement ne soucie les enfants qui ont leur petite vie et reportent sans remords la prise en charge des aïeuls aux professionnels de santé. Dans ce contexte le médecin généraliste n’a pas le pouvoir de rajeunir les patients, ni d’assurer un maintien à domicile avec les risques associés.
Une autre solution va être prochainement mise en place : le SAS (Service d’Accès aux Soins). Une plateforme connectée avec les patients va permettre de trouver pour le malade présentant une pathologie aiguë, un médecin disponible pour réaliser des soins urgents, mais ne nécessitant pas d’hospitalisation. Une nouvelle fois, quels sont les médecins qui vont accepter ce dispositif, cela alors que leurs journées sont déjà très ou plutôt trop remplies ? De quelle manière les généralistes vont-ils accepter de consulter des patients alors qu’ils sont, dans la majorité des cas, sur rendez-vous ?
En fait, nous nous rendons compte que le bouc émissaire responsable de la saturation des urgences hospitalières est vite trouvé : le médecin généraliste. Or, aucun responsable hospitalier ne s’est penché sur la raison qui pousse les patients à ne pas aller voir leur médecin dans le cas d’une pathologie gérable en ville. La cause est simple : pénurie de professionnels de santé, et dans certains cas refus de prise en charge des nouveaux patients car la salle d’attente des médecins de famille est pleine.
Aussi, avant de prendre des mesures inadéquates il est impératif de mieux connaître les raisons à l’origine de la faillite de notre système de santé, et agir en conséquence.
Trouver des responsables est facile (surtout s’il s’agit de médecins libéraux) mais se pencher sur les vraies raisons de cette pénurie cela devient impossible car on ne remet jamais en question les errances de la politique du gouvernement qui a précédé la prise de fonction de l’actuel président. Avoir un comportement culpabilisateur vis-à-vis de professionnels qui donnent, pour un grand nombre, des soins de qualité et ne lésinent pas sur leurs horaires, n’est pas juste. Cette attitude risque d’être contre-productive et conduire certains généralistes à « quitter le navire ».
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