Formation des professionnels de santé : la France, un pays de fous

Publié le 16/07/2021
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En cette période de l’année, des milliers de jeunes étudiants sont déboutés de leur rêve de devenir médecin ou autre profession médicale. Certains, avec des notes supérieures à 14/20. D’autres, certes, avec des notes plus basses mais qui ont pourtant des qualités humaines qui leur permettraient d’être d’excellents médecins.

Il manque des médecins en France, tous les rapports de l’ONDPS le montre; et même si le numérus clausus a été augmenté, le nombre d’étudiants en formation est insuffisant.

Quelles sont les raisons pour organiser ce déficit ? Si c’est pour diminuer les dépenses de santé, une idée des années 1970, on a pu voir le résultat... Si, comme le disent certains, c’est à cause du manque de terrains de stage, pourquoi, comme dans toutes les autres professions non médicales, ne pas s’appuyer sur le secteur libéral ? Un chef de clinique apte à former des étudiants à l’hôpital serait-il devenu incompétent en devenant libéral ? La formation des généralistes est obligatoire chez les libéraux. Pourquoi le stage ne serait-il pas obligatoire (plutôt que possible) dans les autres spécialités ? Je n’ose croire que l’interne ne serait là que pour faire tourner le service hospitalier.

Comment les familles et les étudiants s’organisent-ils pour détourner le numerus clausus ? Tout simplement et paradoxalement, dans un pays qui se veut le champion de l’égalitarisme, en partant à l’étranger. Si vous avez les moyens, outre les frais inhérents aux études, il suffit de payer entre 5 000 et 20 000 euros de frais d’inscription par an pour suivre des études dans un pays faisant partie de la CEE. Il y a encore peu, les étudiants partaient après un échec en France. Maintenant, beaucoup partent directement après l’obtention du Bac. Pour les médecins, ils peuvent, comme pour les étudiants étrangers, passer l’ECN. Les autres professionnels viennent faire leur stage dans les cabinets libéraux en France. Ainsi, par exemple, plusieurs centaines (je confirme le nombre) d’étudiants en kinésithérapie sont en cours de formation en Catalogne espagnole et font leur stage de l’autre coté des Pyrénées. La plupart s’installera en France.

Apprentis médecins ?

Comment les pouvoirs publics s’organisent pour, eux aussi, détourner le numerus clausus ? Les ECN sont ouverts à tous les étudiants de la CEE qui pourront ainsi obtenir de droit un 3° cycle. Certains sont reçus avec 0/20 et partent le plus souvent dans des CHG périphériques. Aucun pays au monde ne valide un concours ou un examen avec un 0/20. Les Français sont-ils conscients qu’ils peuvent être soignés par ces apprentis médecins ? J’en doute. Les CHG qui les reçoivent en stage, et souvent d’ailleurs les plus en difficulté, sont obligés de leur faire une mise à niveau.

La France - qui se gargarise d’être un pays en pointe pour l’aide des pays en voie de développement - recrute des médecins étrangers hors CEE. Elle n’hésite pas à les piller de leur élite, notamment dans le milieu médical. Ainsi prés des trois quarts des étudiants quittent la Tunisie dans certaines spécialités pour exercer en France. Ils sont, pour la plupart, remarquablement formés; mais ne devrions-nous pas avoir honte ? Comment se plaindre de l’immigration incontrôlée des pays africains si la population ne peut être soignée sur place ?

La France a donc tout faux. Elle empêche des candidats brillants de pratiquer la profession dont ils rêvent. Elle pénalise ceux dont les familles n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’étranger. Elle recrute des médecins étrangers incompétents, pour certains au prétexte qu’ils sont Européens. Elle favorise la désertification médicale. Elle désorganise et pille les soignants des pays en voie de développement. Elle oblige, en organisant cette pénurie, des CHG à surpayer des mercenaires jusqu’à 1 500 euros par jour pour une activité minime. Tout cela est connu par nos décideurs mais on le cache à la population. C’est désespérant.

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Exergue : Il y a encore peu, les étudiants en médecine partaient après un échec en France. Maintenant, beaucoup partent directement après le Bac.

Dr Patrick Souteyrand, Radiologue, Castelnau-le-Lez (34)

Source : Le Quotidien du médecin