L’indigence des programmes présidentiels « santé » est inquiétante. Cela traite plus de la réfection et de la couleur des peintures que du délabrement des fondations de l'édifice. Or, c'est dans les fondations même du système que se situent les problèmes et les solutions.
Un programme « santé » doit traiter en même temps quatre thèmes stratégiques interdépendants mais qui ont chacun plusieurs options tactiques volontiers exclusives les unes des autres.
Le premier concerne l’organisation du système de soins. Soit une structuration en réseaux thématiques avec ses médecins et paramédicaux spécialisés dans chaque thème. Soit un système où chaque type de soignant fait un peu de tout, devient interchangeable. Soit la filière de soins avec ses trois étages – étapes où chaque acteur à un champ d’intervention défini et le respecte : le soin primaire, entrée et continuité des soins sans sélection, représenté par le médecin généraliste traitant pour la partie médicale et par les paramédicaux pour la partie paramédicale ; le soin secondaire pour certaines indications, confié à la médecine spécialisée et des paramédicaux thématiques ambulatoires ; le soin tertiaire réservé à ce qui ne peut être fait en ambulatoire, confié à l’hôpital avec ses différents niveaux.
Au même titre que l’investissement sur l’école primaire et les professeurs des écoles est la condition sine qua non de l’efficience de l’enseignement secondaire et universitaire, la performance du soin primaire notamment du médecin généraliste traitant est la base de tout le reste. L’incapacité du politique à se placer au-dessus des corporatismes, des modes, d’aborder les fondamentaux aboutit au millefeuille gloubi boulga actuel et futur d’acteurs et structures de soins.
Le 2e thème stratégique est le statut du soignant. Soit un acteur totalement libre dans son contenu et économie d’activité et fonctionnant dans un marché de services au choix du patient. Soit un salarié de l'État ou de la protection sociale ou des collectivités territoriales dans le cadre d’un système public unique de soins. Soit un acteur libéral conventionné ayant mission de service public à qui le service unique public de soins délègue une partie des soins. C'est ce qui est le plus pertinent en efficacité, réactivité et humanité. Cela exige un système cohérent où chaque acteur a sa place définie, complémentaire et non concurrentielle et avec égalité du cahier des charges et des moyens pour sa mission, qu’il soit libéral conventionné ou salarié.
Le 3e thème stratégique est celui de la protection sociale. Soit liberté à chacun du choix du niveau et financement de sa protection maladie. Soit un système universel obligatoire identique pour tous dans son financement comme dans ses droits et prestations. Se pose le choix de l’étatisation de l’assurance maladie via l’impôt plutôt que par les cotisations liées au travail. Se discute la fusion régime obligatoire et complémentaire, la possession d’une mutuelle étant obligatoire pour les salariés. On y gagnerait en niveau de prise en charge, frais de gestion et cohérence des politiques sanitaires. Mais il ne faut pas faire croire à la population qu’un système universel d’assurance maladie ferait disparaître le reste à charge pour certains soins et la notion de panier de soins remboursables. D’où la persistance de l’assurance complémentaire facultative à une moindre nécessité cependant.
Le 4e thème stratégique est celui de la démocratie sanitaire. Faut-il maintenir les ARS ? Quelle compétence sanitaire des régions ? Quel rôle des partenaires sociaux ? Quelle place et qui peut prétendre représenter, les assurés sociaux, les patients ? Faut-il maintenir les URPS ou créer un parlement professionnel élu seul apte à signer au nom de la profession ? Une convention peut-elle être soumise à référendum dans la profession ? Quel financement syndical ? Quelle gestion des hôpitaux ?
Vaste programme mais au moins on pourrait parler programme !
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
La « foire à la saucisse » vraiment ?
Appendicite et antibiotiques
Revoir la durée des études de médecine
Réformer l’Internat et les hôpitaux