Courrier des lecteurs

Quelles solutions pour sauver notre système de santé et l'hôpital ?

Publié le 06/05/2022

Deux ans après le début de la crise sanitaire, les Français ont une perception plutôt positive de la situation du système de santé : 68 % la considèrent bonne. Le même pourcentage considère que celle de l’hôpital est mauvaise. Ce sentiment s’explique par la bonne qualité des soins, financièrement accessibles au plus grand nombre. L’extension des déserts et la crise hospitalière les préoccupent mais ils n’en ont pas saisi l'ampleur. En effet plus de cinq millions de Français n'ont plus accès, sauf urgence, à un médecin.

Depuis plus 20 ans, j’ai analysé l’évolution dramatique de notre système de soins. À chaque réforme, ce fut pire : une destruction organisée et orchestrée par les administrations de l'État et les lois santé successives. Il faut même se demander si ce n’était pas volontaire par un cynisme scandaleux pour résoudre le déficit des caisses de sécurité sociale et des retraites…

L'incurie des mesures, bien avant l'année 2020, a entraîné la multiplication des grèves et des manifestations tout au long de 2019. Malgré la saturation des urgences et la surcharge hivernale des réanimations, rien n'a été fait.

La pandémie a fait exploser le système, entraînant des centaines de milliers de déprogrammations. On déprogramme à nouveau la chirurgie depuis l'automne 2021, faute de personnels. Beaucoup de blocs sont fermés alors qu'il y a un million d'actes à reprogrammer. Il faudra au moins deux ans pour rattraper le retard. Comment résoudre cette équation ? Tel est le redoutable défi des candidats.

Il faut poser cette question taboue : ne faut-il pas revenir en arrière vers la formation et l'excellence pour sauver tout le système ? Il y a 20 ans, à l’époque où la santé en France était au premier rang de l’OCDE, notre système de soins était performant. Pourquoi ? Le responsable à l’hôpital c’était le chef de service : le patron. Ce passé devrait inspirer nos réformateurs pour sauver le système.

Comment marchait notre système de soins à cette époque ? Pourquoi a-t-il été sacrifié ? Parce que l’État ne veut pas que l’on s’oppose à sa politique. J’en ai été le spectateur, puis la victime avec la politique de fermeture de nombreuses cliniques privées. Première étape de la destruction de la médecine libérale.

Ce n'est pas ceux qui ont participé à la destruction du système qui pourraient le reconstruire. Il faut redonner toute sa place à la médecine de la ville et réformer l’hôpital. Et si on revenait tout simplement en arrière quand nous étions n°1 en mariant la qualité et la compétence apprises par le compagnonnage avec moins d’administration et plus de soignants.

Les fondations sont à reconstruire

Il faut d’abord repenser totalement les études de médecine. La réforme de la PACES ne résoudra rien. A l'ehure de l'IA, avons-nous besoin d’amasser autant de connaissances théoriques pendant le portail santé de trois ans ? Le numerus clausus supprimé à l’entrée des études est maintenu pour l'entrée en 2e année. Il faudrait 20 000 étudiants en formation pour résorber dans 10 ans les déserts. Le numerus clausus est également trop sévère dans certaines spécialités après le 2e cycle. Ainsi il faudrait former plus de réanimateurs alors que le nombre de postes d’internes pour la réanimation ne remplace que les départs à la retraite. Il faut développer la formation vers le care, le soin et identifier les vocations vers les spécialités cliniques et techniques.

Les concours permettaient un accès précoce à cette formation élitiste grâce à des stages de grande qualité. Ils ne peuvent pas être accessibles à tous.

Priorité à la simplification de la gouvernance

Le mammouth administratif devra maigrir pour dégager les économies nécessaires et libérer les énergies. Ce n’est pas l’orientation choisie. Les chefs de service ne doivent plus dépendre des pôles ou de la direction. Il faut les libérer pour qu’ils puissent s’occuper des malades et de leurs étudiants. (...)

Pourquoi y a-t-il tant d’agences coûteuses et d'administrations qui paralysent le système ? Nos politiques ne semblent pas capables de prendre les bonnes décisions. 

L’hôpital ne pourra être sauvé que par des mesures fortes. Avec 50 milliards de dettes et des dépenses qui augmentent chaque année de 4 %, une révolution s’impose. L’autonomie et la complémentarité des hôpitaux en découlent. La régionalisation des structures administratives avec les GHT et des ARS qui les coiffent est inutile et coûteuse. Des accords directs entre établissements seraient plus souples et moins onéreux.

La revalorisation des carrières et la suppression des 35 heures en sont le complément : Cela réglerait les pénuries de personnels soignants, permettrait une réelle revalorisation des salaires et d’augmenter de 10 % le temps consacré aux soins. Ce serait source d’économies majeures et de plus de sécurité.

Déçus et fatigués, les soignants, envoyés au combat sans protection lors de la première vague, se dressaient déjà contre les décisions insuffisantes du Ségur. Des plaintes déposées contre certains ministres sont en cours. Les administrateurs des hôpitaux devraient être couverts de honte car ils n’ont pas réagi pour se préparer aux rebonds de l’épidémie et les personnels manquent cruellement. Les suspensions des non vaccinés et les démissions paralysent le système hospitalier. Lassés par la pensée unique, technocratique et administrative, les soignants savent comment entrer en guerre contre elle si de nouvelles mesures radicales ne sont pas prises rapidement.

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Exergue : Les administrateurs des hôpitaux devraient être couverts de honte car ils n’ont pas réagi pour se préparer aux rebonds de l’épidémie

Dr Bernard Kron membre de l'Académie de chirurgie

Source : Le Quotidien du médecin