Courrier des lecteurs

Y'a d'la joie !

Publié le 01/04/2022

« Dieu que la guerre est jolie », s’exclamait Apollinaire en voyant dans la nuit les explosions des obus allemands. Dans le drame actuel qui se joue, sans cesse il est répété que personne ne comprend ce qui se passe dans la tête de Poutine. Les avis alternent, entre la folie, ici de nature paranoïaque, ou le calcul politique d’un Machiavel moderne. 

Il est une explication qui rassemble ces deux hypothèses. Elle tient à la nature même de la complexité humaine, dont le drame est que le plaisir d’être ensemble est bien plus difficile à atteindre que la jouissance du pouvoir ou de toute autre pulsion instinctuelle. Camus pouvait dire qu’il est plus simple de mourir pour une vérité plutôt que de vivre nos contradictions. Nous y voilà en plein.

Le plaisir de vivre et d’échanger ensemble est une des choses les plus complexes que les hommes aient à apprendre. Cela passe par l’apprentissage des frustrations dans l’enfance. La toute puissance instinctuelle n’accepte de canaliser nos pulsions vers l’empathie et le désir de partage que si le plaisir de l’autre, des autres, l’emporte sur les limites ainsi proposées. 

Bref, l’amour qu’on porte à un enfant est la condition pour qu’il puisse entrer dans l’empathie et le respect de l’autre. À défaut, il s’abrite derrière un constant clivage, une perpétuelle tromperie, un déni absolu de la réalité humaine. Alors le mensonge n’est pas simplement une stratégie, mais aussi et surtout, une structure psychique. Car il est d’une part difficile à ces hommes de saisir le sens de l’empathie, et de plus et surtout, ils vont haïr ceux qu’ils voient dans un bonheur convivial qu’ils ne peuvent atteindre eux-mêmes.

Maîtrise du pouvoir et de l'autre

On comprend qu’un tel système de pensée va pousser dans la maîtrise du pouvoir et de l’autre, générant ensuite des sujets vassalisés qui n’auront alors d’autre issue que celle de leur maître, s’ils sont précocement et totalement pris dans ce type de lien. Voilà pourquoi une telle structure d’esprit est contagieuse et autoreproductible, comme on le constate dans toutes les dictatures. Dans ces pays, toutes celles et ceux qui ont du mal à vivre le complexe plaisir de l’autre se précipitent vers cette dangereuse simplification qui leur est proposée. C’est la difficile liberté et la joie de vivre des démocraties qui est visée par ces hommes qui ont entraîné leur peuple dans le choix de la toute puissance de leurs instincts, à défaut d’avoir trouvé les vrais et complexes plaisirs des relations humaines authentiques.

S’explique aussi que leur proposer des négociations en espérant qu’un contact de qualité les influence est alors précisément leur agiter le chiffon rouge qu’ils chassent dans leur jouissance du pouvoir. Ce n’est que lorsque leur système de défense s’écroule, pour diverses raisons, qu’un changement devient possible, ce qui ne se fait jamais sans dégâts. Ce n’est qu’à ce moment qu’une main tendue peut être saisie, s’il n’est pas trop tard, ce qui est souvent le cas.

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Dr Michel Lévy, psychiatre, psychanalyste Rodez (12)

Source : Le Quotidien du médecin