Par le Dr Pauline Arias (infectiologue, CHI Villeneuve-Saint-Georges), d’après la mise à jour 2024 des recommandations de prescription des antibiotiques du groupe de pathologie infectieuses pédiatrique (GPIP)
INTRODUCTION
Les maladies infectieuses sont en perpétuelle évolution, ce qui nécessite une mise à jour régulière des recommandations de prise en charge.
Le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) vient de publier une actualisation du guide d’antibiothérapie pédiatrique. Ont été prises en compte : l’évolution de l’épidémiologie des résistances, la meilleure connaissance des effets indésirables et de l’impact écologique des différentes classes d’antibiotiques ainsi que leur disponibilité en médecine de ville.
Cet article en deux parties résume les grands principes en antibiothérapie pédiatrique et les principales évolutions de ces recommandations pour les infections les plus courantes en médecine ambulatoire. La première partie, publiée ici, concerne les infections ORL et respiratoires basses de l’enfant. Une seconde partie, à paraître ultérieurement, traitera des infections urinaires, digestives et cutanées.
GÉNÉRALITÉS
> Principes fondamentaux
• Les antibiotiques ne doivent être prescrits que dans les indications où ils ont fait la preuve de leur efficacité.
• Pour prescrire selon la bonne indication, il est nécessaire de s’appuyer sur des tests rapides d’orientation diagnostique et/ou d’obtenir une documentation microbiologique.
• Le choix de l’antibiotique à prescrire repose sur :
– la connaissance des germes les plus fréquemment impliqués dans l’infection à traiter en probabiliste puis l’adaptation à la documentation bactériologique quand elle peut être obtenue,
– la connaissance de son impact écologique en termes de pouvoir de sélection des résistances dans les microbiotes.
• L’efficacité du traitement doit être réévaluée à 48-72 h pour décider de la durée totale ou d’une adaptation thérapeutique.
• La durée de traitement doit être la plus courte possible devant une évolution clinique rapidement favorable. Aucune antibiothérapie de plus de 8 jours ne devrait plus être prescrite sans prendre avis auprès d’un infectiologue.
• Les associations d’antibiotiques ne sont pas recommandées en pratique courante.
> Principales évolutions en termes de choix des molécules
Sur la base de l’actualisation de la liste HAS/Spilf des antibiotiques critiques de 2022, le GPIP a défini deux classes d’antibiotiques pour les enfants en ambulatoire :
– la classe 1 concerne les antibiotiques à privilégier : amoxicilline, Bactrim, macrolides à l’exception de l’azithromycine, céphalosporines de 1re génération et doxycycline,
– la classe 2 concerne les antibiotiques à éviter autant que possible, sauf situation clinique impérative : céphalosporines de 2e (céfuroxime – PO) et de 3e générations (cefpodoxime – PO –, ceftriaxone – IV/IM), amoxicilline-acide clavulanique, et azithromycine.
• La biodisponibilité des céphalosporines orales de 2e et 3e générations est médiocre (40 à 50 %). La posologie obtenue au site infecté est donc faible et leur concentration dans le tube digestif sous forme non absorbée élevée, entraînant une exposition importante à ces molécules des bactéries du microbiote intestinal et donc une pression de sélection des résistances élevée. Elles ne doivent donc être utilisées qu'en l'absence d'alternative dans des situations d’infections sans critères de gravité.
• Du fait d'une mauvaise acceptabilité du traitement, les suspensions de céfuroxime axétil ne sont plus recommandées chez l’enfant.
• Une évolution des connaissances sur la toxicité de la doxycycline autorise maintenant sa prescription chez l’enfant de moins de 6 ans dans le cadre de traitement de moins de 21 jours à une posologie ne dépassant pas 200 mg/jour.
• Du fait de l’arrêt de commercialisation de la josamycine et de la classification de l’azithromycine en antibiotique de classe 2, la clarithromycine est le seul macrolide recommandé en 1re intention ou alternative selon les indications. L’azithromycine est à réserver aux indications où elle est la seule à avoir fait la preuve de son efficacité ou en l’absence d’autre alternative.
• Le cotrimoxazole (Bactrim) n’est plus positionné en alternative pour les otites et les sinusites. Il reste en revanche une molécule alternative de choix pour les infections respiratoires basses de type bronchite persistante, urinaires et cutanées.
• La pristinamycine, ne pouvant être prescrite que chez l’enfant de plus de 6 ans et ne présentant pas d’avantage par rapport aux macrolides, n’est plus positionnée dans cette actualisation, quel que soit le site infecté.
Allergie aux pénicillines
Le choix du praticien devra tenir compte de la notion d’allergie aux antibiotiques en sachant évaluer la contre-indication réelle à la prescription, notamment concernant l’amoxicilline.
Seules les manifestations à haut risque d’allergie (choc anaphylactique, œdème facial, œdème de Quincke, œdème labial, œdème des voies aériennes, gêne respiratoire, wheezing, lésions phlycténulaires ou bulleuses, symptômes systémiques) constituent des contre-indications à l’administration d’un antibiotique.
Les symptômes à « bas risque » doivent clairement faire reconsidérer ce diagnostic et ne pas conduire à l’abstention thérapeutique : éruption urticarienne ou non, prurit, diarrhées, vomissements, rhinorrhée, nausées, toux, céphalées, vertiges, antécédents familiaux d’allergie à la pénicilline.
Un bilan allergologique précis doit être effectué systématiquement dans les suites d’une réaction considérée comme pouvant être une réaction allergique aux pénicillines avant d’en exclure l’utilisation. Un bilan doit être également proposé à tout patient se déclarant allergique aux pénicillines sans documentation. Le patient doit être informé de la balance bénéfice/risque que représente pour sa propre santé le fait de ne pas pouvoir être traité par la molécule de première intention en raison d’une « fausse » contre-indication.
INFECTIONS ORL
> Principes fondamentaux
• Alors que les infections ORL constituent le motif le plus fréquent de prescription d’antibiotiques chez l’enfant, seules trois indications principales justifient leur utilisation :
– l’angine aiguë streptococcique dans sa forme invasive, la scarlatine, ou chez l’enfant de plus de 3 ans avec strepto test +. Les angines non streptococciques, qu’elles soient ou non érythémato-pultacées, ainsi que les laryngites, ne doivent pas être traitées par antibiotiques,
– l’otite moyenne aiguë (OMA) purulente de l’enfant de moins de 2 ans, et de plus de 2 ans en cas d’échec d’une prise en charge symptomatique initiale ou de forme d’emblée sévère (otalgie intense, otorrhée, fièvre élevée mal tolérée). Les otites congestives et séreuses ne doivent pas être traitées par antibiotiques,
– les sinusites aiguës.
• Les infections ORL graves (mastoïdites, épiglottites, abcès rétro-pharyngés, ethmoïdites, adénites suppurées graves, laryngo-trachéo-bronchites bactériennes (dyspnée +stridor) et parotides aigues bactériennes du nouveau né) sont des urgences nécessitant une hospitalisation avec documentation avant de débuter une antibiothérapie.
• Les autres situations cliniques possibles pouvant justifier d’une antibiothérapie sont l’adénite, l’abcès dentaire et la parotidite aiguë d’allure bactérienne (pus au canal de stenon), non détaillées ici.
> Germes à couvrir
Variable selon les sites infectés, principalement le pneumocoque, le streptocoque A, Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis.
> Éléments d’orientation diagnostiques
• La prescription d’antibiotiques dans l’angine nécessite la réalisation d’un test diagnostique rapide (TDR) streptocoque A dont la sensibilité reste imparfaite (85 %). Un test négatif ne doit pas faire surseoir à un traitement antibiotique devant une scarlatine typique ou une forme clinique laissant suspecter une forme grave d’infection invasive à SGA.
• Le TDR streptocoque A peut également être utilisé pour la prise en charge des adénites cervicales et des otorrhées, même devant un examen pharyngé normal, l’utilisation de ce test s’étant montrée suffisamment sensible et spécifique pour qu’en cas de positivité, il soit possible de réduire le spectre de prescription à l’amoxicilline plutôt que l’amoxicilline-acide clavulanique.
Il peut aussi être utilisé en cas d’OMA avec otorrhée purulente. Si le TDR est positif le traitement de l’OMA est le même que pour l’angine ce qui permet de réduire la dose d’antibiotique journalière et la durée de traitement.
• L’indication à prescrire des antibiotiques pour une otite nécessite d’avoir réalisé un examen otoscopique correct. En l’absence de possibilité d’examiner l’enfant, celui-ci doit être réévalué à 48 h ou, s’il présente un critère de mauvaise tolérance, adressé aux urgences.
> Principales évolutions des modalités thérapeutiques
• L’évolution épidémiologique des résistances de l’Haemophilus influenzae et du pneumocoque permet de positionner l’amoxicilline en première intention dans toutes ces indications, y compris le syndrome otite-conjonctivite.
• En cas d’échec du traitement de 1ere intention de l’OMA (persistance/ réapparition des symptômes pendant ou moins de 72 heures après la fin du traitement avec anomalie otoscopique en faveur d’une otite moyenne aiguë purulente) chez un enfant initialement traité par amoxicilline le traitement traitement peut-être remplacé par amoxicilline-acide clavulanique ou le cefpodoxime. Si l’examen otoscopique n’est pas faisable au cabinet, l’enfant doit être adressé en service de pédiatrie. Prendre un avis infectieux pédiatrique. .
• En cas d’infection récidivante à streptocoque A malgré un traitement par amoxicilline, l’alternative de 1er choix est la céfalexine 50 mg/kg/jour en 2 prises pendant 10 jours. L’amoxicilline-acide clavulanique et l’azitromycine peuvent être également proposées. Un avis peut être demandé pour adapter la prise en charge.
Les critères cliniques et modalités thérapeutiques sont résumés dans le tableau ci-dessous :
INFECTIONS RESPIRATOIRES BASSES
> Principes fondamentaux
• Les infections respiratoires basses sont le plus souvent d’origine virale et spontanément résolutives. La bronchiolite et la bronchite ne sont pas des indications à prescrire des antibiotiques.
• Seules les pneumopathies aiguës et la bronchite bactérienne persistante (voir encadré ci-dessous) relèvent de la prescription d’antibiotiques.
• Le diagnostic de pneumonie chez l’enfant repose sur l’examen clinique : fièvre et toux +/foyer auscultation et la présence d'un foyer radiologique (radio ou échographie thoracique), +/- la CRP.
• Toute suspicion de pneumopathie chez un enfant < 6 mois, et/ou présentant des symptômes d’hypoxie, cyanose péri buccale, signes de lutte respiratoire, déshydratation, pathologie respiratoire sous jacente, doit conduire à adresser l’enfant en service pédiatrique en urgence. Ne pas initier d’antibiothérapie.
• La réévaluation clinique à 48h permet d’évaluer l’efficacité du traitement instauré. L’apyrexie en 48h et la stabilité respiratoire est le meilleur indice d’évolution favorable. En cas de persistance de la fièvre >48h, si l’examen clinique est par ailleurs rassurant, discuter une infection à germes atypiques. Si examen clinique non rassurant, adresser l’enfant pour qu’une radio de thorax soit réalisée à la recherche d’une complication [épanchement (pleuropneumopathie), abcès, empyème] nécessitant une prise en charge aux urgences pédiatriques.
En cas d’adaptation du traitement pour couvrir un germe atypique, nouvelle réévaluation à J3-J4 du changement pour s’assurer de l’obtention de l’apyrexie et de la diminution de la toux.
La bronchite chronique persistante
À la frontière entre les infections respiratoires haute et basse, la bronchite bactérienne persistante se définit comme la présence d’une toux chronique grasse productive depuis plus de 4 semaines sans tendance à l’amélioration sans arguments pour un autre diagnostic. Ce diagnostic concerne principalement les enfants de moins de 5 ans gardés en crèche/collectivité.
Une radio de thorax est recommandée pour évaluer le parenchyme pulmonaire. On constatera une évolution favorable de la toux 2 à 4 semaines après l’arrêt du traitement.
Les germes impliqués sont ceux de la sphère ORL : Haemophilus, pneumocoque et Moraxella catarrhalis.
Le traitement repose sur l’amoxicilline-acide clavulanique PO 80 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8 h sans dépasser 3 g/j ou en cas de contre-indication sur le cotrimoxazole PO 30 mg/kg/j d’équivalent sulfaméthoxazole en 2 prises maximum 1,6 g/j de sulfaméthoxazole. La durée de traitement est de 14 jours pour les deux molécules. En cas de récurrence après traitement antibiotique, une radio de thorax de contrôle doit être réalisée et l’enfant adressé à un pneumopédiatre.
Germes à couvrir
• Pneumocoque et streptocoque A en 1re intention, Mycoplasma pneumoniae en fonction du tableau clinique.
La prévalence des pneumopathies et pleuropneumopathies à pneumocoque a largement diminué depuis la vaccination anti-pneumococcique. En revanche, celle de souches invasives toxinogènes de streptocoque A a connu un très fort rebond l’hiver 2022 avec la baisse des mesures barrières post-pandémie Covid-19. Par ailleurs, une augmentation inhabituelle des infections à Mycoplasma pneumoniae a été constatée récemment, touchant surtout l’enfant de plus de 3 ans.
• En cas de suspicion de pneumopathie par inhalation, il est recommandé de couvrir également la flore anaérobie de type Bacteroides.
• Tenir compte de l’actualité épidémiologique sur la coqueluche.
Éléments d’orientation diagnostique
• S’appuyer sur les tests diagnostiques grippe, Covid-19, VRS, ou coqueluche disponibles en laboratoire de ville.
Principales évolutions des modalités thérapeutiques
• Raccourcissement des durées de traitement à 5 jours en cas d’évolution rapidement favorable à 48 h, quel que soit le pathogène.
• En cas de suspicion d’infection à Mycoplasma pneumoniae, la clarithromycine est le macrolide de premier choix. La doxycycline est l’alternative de choix aux macrolides.
• En cas de coqueluche : clarithromycine 15 mg/kg/24 h, maximum 1 g/24 h, en 2 prises, pendant 7 jours (maximum 500 mg x 2). En cas d’allergie, cotrimoxazole 30 mg/kg/jour d’équivalent sulfaméthoxazole ou 6 mg/kg/jour d’équivalent triméthoprime en 2 prises chez l’enfant. L’azithromycine (20 mg/kg/jour en une seule prise sans dépasser la posologie adulte de 500 mg/jour) permet un traitement plus court de 3 jours mais doit être évitée. Le traitement antibiotique est efficace s’il est administré dans les 3 premières semaines d’évolution. Les traitements curatif et prophylactique sont identiques (molécules, posologie et durée).
Les critères cliniques et modalités thérapeutiques sont détaillés dans le tableau ci-dessous :
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC