Effets de l’aspirine sur le risque et la sévérité des récidives précoces après accident ischémique transitoire ou accident vasculaire cérébral ischémique : analyse délai/efficacité des essais randomisés.
Rothwell PM, Algra A, Chen Z, Diener HC, Norrving B, Metha Z. Effects of aspirin on risk and severity of early recurrent stroke after transient ischaemic attack and ischaemic stroke : time-course analysis of randomised trials. Lancet. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(16)30468-8.
CONTEXTE
Le risque de récidive après un accident ischémique transitoire (AIT) ou un AVC mineur est d’environ 10 % dans la semaine qui suit l’événement (1). Pour de nombreuses raisons, la majorité des patients consulte plusieurs jours, voire plusieurs semaines après l’événement, y compris quand ils ont fait un autodiagnostic correct (2). Dans une étude récente, 50 % des récidives sont survenues entre la date de l’événement et celle du premier contact avec un professionnel de santé (3). Il est bien démontré que l’aspirine réduit le risque relatif de récidive de 13 % à long terme (4), mais son bénéfice précoce n’a jamais été établi car les essais randomisés n’étaient pas conçus pour cela.
OBJECTIF
Après un AIT ou AVC, évaluer l’efficacité de l’aspirine sur l’incidence d’une récidive précoce, et sa sévérité, selon le délai après randomisation et la nature de l’événement index à l’inclusion.
MÉTHODE
Méta-analyse sur données individuelles de tous les essais randomisés en double insu vs témoins ayant évalué l’effet de l’aspirine en prévention des récidives d’AIT ou d’ACV. Les événements index ont été classés en AIT, AVC mineur, ou AVC sévère avec handicap.
> Le critère principal de jugement était l’incidence d’un nouvel événement cardiovasculaire : AVC ischémique selon la sévérité (y compris le décès), survenant moins de 6 semaines, 6 à 12 semaines, et plus de 12 semaines après randomisation. La sévérité des AVC récurrents a été classée en légère, modérément sévère ou sévère selon le nombre de déficits neurologiques. L’analyse statistique a été faite en intention de traiter à l’aide d’un modèle à effet fixe, stratifié sur l’état neurologique à l’inclusion ou par un modèle à effet aléatoire selon l’hétérogénéité des essais. Les résultats sont présentés en hazard-ratio (HR) ou odds-ratio (OR) avec IC à 95 %.
RÉSULTATS
La recherche bibliographique a répertorié 12 essais randomisés en double insu ayant inclus 15 778 patients.
> Dans les 6 semaines après randomisation, l’aspirine a réduit le risque relatif de récurrence de l’ensemble des AVC de 58 % : HR = 0,42 ; IC95 % = 0,32-0,55, et le risque d’AVC sévère ou mortel de 71 % : HR = 0,29 ; IC95 % = 0,29-0,42. Ce bénéfice sur les AVC sévères ou mortels était encore plus important quand l’événement index était un AIT ou un AVC mineur : HR = 0,07 ; IC95 % = 0,02-0,31 dans les 2 semaines après randomisation et HR = 0,19 ; IC95 % = 0,11-0,34 dans les 6 semaines. Ce bénéfice était indépendant de l’âge, des caractéristiques des patients, de la dose d’aspirine, et de l’étiologie de l’événement index.
> Ce bénéfice était encore significatif entre 6 et 12 semaines de traitement, mais ne l’était plus après 12 semaines : OR = 0,97 ; IC95 % = 0,84-1,12. Enfin, dans une analyse poolée de 3 essais regroupant 40 531 patients atteints d’un premier AVC aigu sévère ayant reçu de l’aspirine moins de 48 heures après l’événement, la réduction du risque d’AVC ischémique récurrent à 2 semaines était plus importante chez les patients ayant le plus faible handicap à l’inclusion et optimal dès le deuxième jour de traitement : HR = 0,37 ; IC95 % = 0,24-0,57. Il n’y a pas eu d’augmentation significative des hémorragies cérébrales dans le groupe aspirine.
COMMENTAIRES
Depuis de nombreuses années, cette équipe de recherche plaide pour l’automédication immédiate par aspirine (tous les foyers en ont dans leur pharmacie familiale) en cas de signes neurologiques sensitifs ou moteurs aigus inhabituels. Cette automédication serait particulièrement pertinente en milieu rural ou dans les pays en voie de développement dans lesquels la densité médicale est faible et le délai de consultation relativement long. Ces chercheurs avaient démontré qu’une campagne d’information publique modifiait les comportements des patients en réduisant le délai entre la survenue des premiers signes d’un AVC sévère et le premier contact médical, mais il n’en était pas de même en cas d’AIT ou d’AVC mineur (3). De leur côté, les recommandations ne préconisent pas cette automédication sous prétexte que l’aspirine aggraverait un AVC hémorragique qui est la cause de moins de 5 % des AVC mineurs.
Ce travail méthodologiquement rigoureux est un pavé de plus sur le chemin de la plaidoirie des auteurs. Il montre que le bénéfice de l’aspirine sur les AVC récurrents sévères est considérable et d’autant plus important que l’événement index est mineur (réduction de 93 %) et qu’il est significatif dès les deux premières semaines de traitement.
En médecine générale, le diagnostic clinique formel d’AIT ou d’AVC mineur est difficile et la majorité des patients ne consulte pas dans un délai court. En cas de doute (y compris lors d’un entretien téléphonique), et avant confirmation radiologique du diagnostic, il y a un bénéfice considérable à conseiller de prendre une petite dose d’aspirine et aucun risque, sauf allergie connue documentée ou contre-indication formelle.
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