Les D-Dimères sont le produit de la dégradation des caillots, plus précisément de la fibrine. Ils peuvent être dosés en se servant d'anticorps spécifiques. Un taux élevé dans le sang traduit donc une activation de la coagulation.
QUE SIGNIFIE UNE AUGMENTATION ?
Une augmentation du taux sanguin des D-Dimères signe un état d’hypercoagulabilité, état retrouvé dans de nombreuses pathologies comme les affections inflammatoires, les cancers, la fibrillation atriale, les pathologies hépatiques ou rénales, un traumatisme… Également après une chirurgie ou lors d’une grossesse.
→ Le dosage des D-Dimères est utile dans deux situations :
– La Coagulopathie IntraVasculaire Disséminée (CIVD) où le taux élevé de D-Dimères entre dans la définition.
– Le dépistage des maladies thromboemboliques telles que l’embolie pulmonaire (EP) et la thrombose veineuse profonde (TVP).
Il a également été décrit que la persistance d'un taux élevé 3 ou 4 semaines après traitement d’une TVP est un indicateur de risque de récidive. Mais à ce jour aucune société ne recommande cette pratique ni ne conseille l’allongement de la durée du traitement si le taux est élevé.
MALADIE THROMBOEMBOLIQUE, QUELLE EST LA NORME ?
En France le seuil pathologique est fixé à 500 ng/mL pour le test « D-Dimères ELISA rapide ».
→ À ce seuil et avant 50 ans, sa sensibilité est de 98 % et sa spécificité de 40 % pour la recherche d’une EP. Ces valeurs sont respectivement de 97 et 61 % pour les thromboses veineuses profondes.
→ Il s’agit donc d’un test très sensible : en cas d’EP, la probabilité que le test soit positif est de 98 %. Ainsi un test négatif permet d’éliminer la pathologie sans examen complémentaire (avec quelques réserves détaillées ci-dessous).
→ Mais le test est également très peu spécifique : ainsi sur 100 patients indemnes de maladie thromboembolique, 40 auront des D-Dimères élevés. Le dosage n’a donc aucun intérêt en dehors d’un contexte évocateur.
→ La spécificité du test diminuant avec l’âge, le seuil standard n’a plus d’intérêt pour réduire le recours aux examens complémentaires. Ainsi, après 75 ans, le diagnostic d’EP n’est écarté que dans 6,4 % des cas avec des D-Dimères < 500ng/mL.
→ Un nouveau seuil, simple et adapté à l’âge, a donc été proposé et validé. Il permet d’écarter 29,7 % des EP sans examen complémentaire, et surtout, sans augmentation des faux négatifs.
Au-delà de 50 ans : seuil de D-Dimères = âge x 10.
Les patients à risque thromboembolique
Les facteurs de risque de thrombose sont répartis en trois groupes décrits dans la triade de Virchow :
• La stase sanguine par altération du retour veineux : compression extrinsèque, immobilité (plâtre, chirurgie, hémiplégie), les voyages en avion (en particulier les longs trajets), obésité, insuffisance cardiaque.
• Les altérations de la paroi : chirurgie, traumatisme, antécédent de TVP…
• Les troubles de la coagulation : les maladies inflammatoires, le cancer, la thrombophilie (génétique ou acquise).
Chez la femme, on retient la grossesse, la contraception œstroprogestative qui multiplie le risque par quatre et bien plus en cas d’intoxication tabagique.
QUID DES FAUX NÉGATIFS
Nous avons tous entendu parler de patients aux D-Dimères normaux à qui on diagnostique finalement une maladie thromboembolique. Alors quid des faux négatifs ?
→ La valeur prédictive négative (VPN) est la probabilité de ne pas avoir d’EP ou TVP en cas de test négatif. Plus elle est élevée et plus le risque de faux négatif est faible. Cette VPN est fonction de la prévalence (nombre de malades) dans le groupe testé.
Il existe des scores de probabilité cliniques permettant avec quelques items de séparer les patients en 3 groupes de prévalences différentes : faible, intermédiaire et importante (tableau 1).
→ La VPN de ce test est excellente si on l’utilise dans une population à prévalence faible ou intermédiaire d’EP ou TVP (99 %). Mais elle diminue lorsque la prévalence augmente (seulement 89 % dans le groupe probable) et de fait, le nombre de faux positif augmente.
→ Ainsi, lorsqu’une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire est suspectée chez un patient avec risque a priori faible ou intermédiaire sur la base d’un score clinique validé, un test D-Dimères négatif suffit à exclure la pathologie.
→ Pour le groupe à haute probabilité, le risque de faux négatif est trop élevé et des examens confirmatifs (doppler, scanner, scintigraphie) doivent être réalisés en première intention. Le dosage des D-Dimères ne doit pas être réalisé.
Néanmoins, les scores cliniques restent des aides et ne sauraient se substituer au bon sens et au jugement clinique.
→ De façon rassurante, il a été observé que la plupart des EP non identifiées par une augmentation du seuil des D-Dimères > 1 000 ng/mL étaient des EP sous-segmentaires pour lesquelles l’intérêt d’un traitement est incertain.
QUE DISENT LES RECOMMANDATIONS ?Les sociétés savantes de cardiologie, pneumologie et médecine vasculaire proposent toutes un algorithme basé sur les scores de Wells ou Genève revisité (voir fig. 1 et tab. 2). La prise en charge est la même que ce soit pour la TVP ou l’EP.
Les groupes à probabilité faible et intermédiaire bénéficient d’un dosage de D-Dimères (hors grossesse, cancer ou autre situation perturbant les résultats) qui, en cas de négativité, permet de se dispenser d’examens complémentaires.
Le groupe à forte probabilité aura d’emblée les examens complémentaires appropriés (Doppler pour la TVP, scintigraphie ou angioscanner pour l’EP).
À noter tout de même que le dosage de D-Dimères à visée de tri n’est pas envisageable dans le cas d’une suspicion d’EP grave (défaillance hémodynamique). Les scores de probabilité clinique et de gravité ne sont pas les mêmes.

QUAND NE PAS FAIRE LE DOSAGE ?
→ Le dosage des D-Dimères est inutile lorsqu’il existe une autre cause d’augmentation de son taux : inflammation, cancer, grossesse… Dans ces cas, il est positif et non discriminant.
→ Il est également inutile lorsqu’il n’y a aucun argument en faveur d’une pathologie thromboembolique : le risque de faux positif est élevé (40 %) débouchant sur des examens complémentaires inutiles.
→ Il est dangereux de le prescrire quand le risque de faux négatif est élevé, ou risqué si le score de probabilité clinique ou de gravité est élevé.
CONCLUSION
Le dosage, dans un cadre adapté, permet d’éviter un certain nombre d’examens complémentaires avec un avantage en termes de coût, de temps, d’irradiation et toxicité à l’iode. Tout en rappelant que les scores et les guidelines ne peuvent remplacer le jugement clinique.
À l’inverse, mal prescrit, il entraînera la prescription d’examens inutiles.
Bibliographie
1- Wells P, Anderson D, Rodger M et al. Evaluation of D-dimer in the diagnosis of suspected deep-vein thrombosis: randomised controlled trial. N Engl J Med 2003;349:1227-35.
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3- Righini M et al. Age-adjusted D-dimer cutoff levels to rule out pulmonary embolism: the ADJUST-PE study. JAMA. 2014 Mar 19;311(11):1117-24. doi: 10.1001/jama.2014.2135.
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5- Kline JA, Hogg MM et al. D-dimer threshold increase with pretest probability unlikely for pulmonary embolism to decrease unnecessary computerized tomographic pulmonary angiography.
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Liens d'intérêts
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