ORL

TOUT VERTIGE POSITIONNEL N’EST PAS BÉNIN

Publié le 12/09/2019
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Le diagnostic de VPPB doit être basé sur des éléments cliniques précis et concordants. Toute discordance doit remettre en cause le diagnostic et faire réaliser des investigations complémentaires : imagerie et/ou explorations vestibulaires.
Fig.2

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Crédit photo : Dr BOUCCARA

Monsieur F., âgé de 45 ans, consulte pour des vertiges et une instabilité récents. Il exerce la profession d'architecte et signale des antécédents marqués par des vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB) il y a 20 ans. À l'époque, le médecin ORL consulté lui avait précisé que ses symptômes étaient liés au « déplacement de cristaux au niveau de l'oreille interne ». Une manœuvre thérapeutique avait été réalisée et ses symptômes avaient complètement disparu, sans récidive ultérieure. L'épisode actuel a débuté il y a deux mois, sans facteur déclenchant, en particulier infectieux ou traumatique, sous la forme d'une instabilité initialement intermittente puis plus récemment permanente, accompagnée de vertiges brefs. Il a tout d'abord consulté un rééducateur vestibulaire, qui devant ces symptômes lui recommande avant toute chose un avis médical.

LES ÉLÉMENTS D’INTERROGATOIRE COMPATIBLES AVEC UN VPPB

Le VPPB est une pathologie fréquente. Il représente entre 17 et 42 % des causes de consultations motivées par un trouble de l’équilibre (1). Il est rattaché à la migration d’otoconies, se déplaçant dans l’un des trois canaux semi-circulaires, après un traumatisme parfois minime ou spontanément. Le diagnostic s'établit sur des critères précis et la détermination du canal semi-circulaire atteint. Le plus souvent, il s’agit du canal semi-circulaire postérieur : environ 90 % des cas. Les symptômes sont stéréotypés et se répètent à une fréquence variable. Ils peuvent s’accompagner de cervicalgies modérées et de signes neurovégétatifs : nausées, vomissements, pâleur, sueurs…

Les éléments d'orientation à l'interrogatoire sont les suivants :

– La présence d’une sensation rotatoire, avec illusion de mouvement avec ou sans perception visuelle d’une rotation du décor

– La durée transitoire du symptôme, généralement inférieure à une minute

– Les circonstances de survenue du vertige au décours immédiat d’un changement d’orientation de la tête

– La reproductibilité du vertige dès que le patient place sa tête dans certaines positions

– L’absence de symptôme associé, en particulier auditif.

→ Il importe de vérifier que tous ces critères sont présents avant d'évoquer le diagnostic de VPPB. Il faut par ailleurs différencier celui-ci du vertige au changement de position, pour lequel la sensation vertigineuse apparaît au cours du déplacement de la tête, et qui n'est pas lié à la même cause que le VPPB (pathologie vasculaire possible).

LES ÉLÉMENTS CLINIQUES DU DIAGNOSTIC DE VPPB

L'examen clinique est un temps essentiel, car il va en particulier montrer l'absence de signe évocateur d'une pathologie neurologique, ce d'autant qu'il s'agit d'une personne âgée.

→ Les éléments de l'examen clinique qui vont confirmer ce diagnostic sont les suivants :

– Absence de signe vestibulaire spontané : pas de déviation posturale aux tests de Romberg et Fukuda, pas de nystagmus spontané

– Absence de signe neurologique, en particulier pas de signe cérébelleux

– Mise en évidence lors de la manœuvre de Dix et Hallpike d’un nystagmus de latence brève (quelques secondes) ayant une composante double : rotatoire et verticale supérieure, de durée brève (inférieure à une minute), s’inversant au retour à la position assise, avec une possible diminution en cas de répétition de la manœuvre.

La manœuvre de Dix et Hallpike s'effectue sur un patient assis au milieu de la table d’examen, jambes pendantes, face au praticien. Celui-ci doit en permanence pouvoir observer les déplacements des globes oculaires. La manœuvre consiste à tourner de 45 degrés la tête du patient en position assise et de la basculer en arrière avec la tête en extension de 30 degrés par rapport à l’horizontale.

Cette manœuvre est spécifique au diagnostic du VPPB du canal postérieur. Elle est à différencier des manœuvres thérapeutiques, lesquelles sont réalisées secondairement une fois le diagnostic formalisé avec détermination du côté atteint. En l'absence de positivité, le diagnostic n'est pas retenu et les investigations sont poursuivies. Dans 10 % des cas, il s'agit d'arrêter VPPB du canal horizontal et très rarement du canal supérieur. Le diagnostic est alors fait par d'autres manœuvres spécifiques.

Lors de la consultation, le patient précise d'une part l'apparition très récente de céphalées et d'autre part de troubles qu'il a du mal à décrire : flou et instabilité visuels intermittents. À l'examen, vous notez un élargissement du polygone de sustentation.

LES SYMPTÔMES DISCORDANTS AVEC LE DIAGNOSTIC DE VPPB

Pour monsieur F., la symptomatologie n'est plus caractéristique d'un VPPB. Il existe en effet des éléments discordants avec ce diagnostic : les symptômes rapportés sont dominés par une instabilité, les vertiges ne sont pas de type positionnel, et le patient signale des céphalées. La présence d'un élargissement du polygone de sustentation fait suspecter une atteinte neurologique, en particulier cérébelleuse.

→ L'examen clinique recherchera d'une part des signes cérébelleux : dysmétrie (épreuves doigt-nez), adiadococinésie… et d'autre part un nystagmus spontané de type central, horizontal apparaissant dans le regard latéral droit et gauche, et persistant à la fixation oculaire. Les données de l'examen clinique permettent de confirmer une atteinte cérébelleuse (2-3).

LES INVESTIGATIONS COMPLÉMENTAIRES

Au terme de la consultation, les éléments cliniques font suspecter une pathologie cérébelleuse (4-5).

→ Les pathologies cérébelleuses se manifestant par des vertiges et/ou des troubles de l'équilibre représentent le diagnostic différentiel principal, à côté des atteintes dites périphériques touchant l'oreille interne et les nerfs vestibulaires. En cas de début brutal, la présence d'une instabilité avec ataxie limitant la station debout et la marche doit faire suspecter un accident vasculaire cérébelleux. Et une prise en charge dans une unité neurologique spécialisée en pathologie vasculaire cérébrale doit être proposée.

→ Si les symptômes s'installent progressivement, comme dans le cas de notre patient, et si les troubles de l'équilibre s'accompagnent d'autres symptômes : céphalées, troubles visuels… une imagerie doit être réalisée rapidement. L'examen le plus pertinent est une IRM cérébrale et des rochers avec injection de produit de contraste, en l'absence de contre-indication. S'agissant de la pathologie cérébelleuse, la sensibilité diagnostique du scanner est inférieure. Dans le cas de ce patient, c'est une IRM qui a été demandée. La suspicion clinique d'une atteinte cérébelleuse étant importante, il n'est pas utile dans le cas présent de réaliser en première intention des épreuves fonctionnelles vestibulaires.

INTERPRÉTATION DES CLICHÉS IRM

Les clichés de l’IRM cérébrale et des rochers, avec injection de produit de contraste, ont mis en évidence une lésion hétérogène et kystique du lobe cérébelleux droit, avec impact au niveau du tronc cérébral. Le patient a été dirigé rapidement en neurochirurgie, le diagnostic retenu a été celui d’hémangioblastome cérébelleux, et un traitement chirurgical a été réalisé.

Bibliographie

1- Bouccara D, Rubin F, Bonfils P, Lisan Q. Vertiges et troubles de l’équilibre. Revue de médecine interne. 2018 Nov;39(11):869-874.
2- Chays A, Seidermann L. Examen du patient vertigineux adulte en consultation. EMC - Oto-rhino-laryngologie 2014; 9(3):1-21 [Article 20-199-A-10].
3- Venhovens J, Meulstee J, Verhagen WI. Acute vestibular syndrome: a critical review and diagnostic algorithm concerning the clinical differentiation of peripheral versus central aetiologies in the emergency department. J Neurol 2016; 263:2151-7.
4- Toupet M. Diagnostic pratique d'un vertige. Encyclopédie Médico Chirurgicale - Neurologie 2005:1-9 [Article 17-018-A-20].
5- Strupp M., Brandt T. Diagnosis and Treatment of Vertigo and Dizziness. Dtsch Arztebl Int. 2008; 105: 173–180.

Liens d'intérêts

Aucun

Dr Didier Bouccara et Pr Pierre Bonfils (service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital européen Georges Pompidou, hôpitaux universitaires Paris Ouest, Assistance publique – Hôpitaux de Paris, 20 rue Leblanc, 75015 Paris. E-mail : d

Source : lequotidiendumedecin.fr