Phlébologie

VARICES : LA PALETTE THÉRAPEUTIQUE S’AGRANDIT

Publié le 28/09/2017
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Les traitements endoveineux thermiques des incontinences symptomatiques des veines saphènes se sont imposés en 2017 comme traitement de première intention devant la chirurgie. Une hiérarchisation des options thérapeutiques devrait améliorer encore la prise en charge thérapeutique.
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L’incompétence de la grande veine saphène (GVS) - anciennement saphène interne - est la cause la plus fréquente des varices et celle de la petite veine saphène (PVS) - anciennement saphène externe - est identifiée chez 20 % des patients souffrant de varices (photo 1).

Cette pathologie, qui concerne 20 à 35 % de la population française, augmente avec l’âge, premier facteur de risque, sexe féminin, obésité, tabac, contraception œstroprogestative, grossesse, travail en position debout ou à la chaleur, hérédité représentant les autres facteurs de risque. Elle est une cause importante d’inconfort impactant la qualité de vie et un problème de santé publique. Ces varices peuvent initier des symptômes et des conséquences physiques variés, allant d’un préjudice esthétique à des troubles trophiques cutanés réversibles puis irréversibles.

L’INSUFFISANCE VEINEUSE CHRONIQUE

On distingue l’insuffisance veineuse chronique (IVC) primaire qui représente 70 % des situations rencontrées, dont l’hérédité est la principale origine, de l’IVC secondaire défini par une destruction valvulaire post-thrombotique retrouvée dans 30 % des cas.

Quoi qu’il en soit, l’IVC est à la source d’une hyperpression veineuse distale, responsable à son tour d’un reflux par dilatation de la veine et incompétence des valvules.

► Des œdèmes apparaissent, altérant les échanges tissulaires dont la conséquence ultime est l’ulcère veineux par ischémie cutanée. Au stade précédant l’ulcère s’installent des troubles trophiques tels qu’une hyperpigmentation cutanée par dépôt d’hémosidérine due à l’extravasation de globules rouges dans les tissus. Certains patients vont également développer une sclérose cutanée définissant la lipodermatosclérose (anciennement hypodermite) par fibrose des tissus graisseux.

SYMPTÔMES : DU TOUT AU RIEN

► Lourdeurs, prurit, impatience, crampes nocturnes, douleurs de jambe sont tout autant de symptômes, plus souvent rencontrés chez la femme et exacerbés par la station debout prolongée, en fin de journée nécessitant l’élévation des jambes, leurs mobilisations ou le contact avec le froid. Leur répercussion est plus ou moins importante sur les activités professionnelles et personnelles.

► Les symptômes sont à distinguer des signes cliniques bien spécifiques. Ils vont de la télangiectasie (anciennement appelée varicosités), de la veinule (veinule intradermique dilatée de moins de 3 mm), de la veine variqueuse (veine sous-cutanée de diamètre supérieur à 3 mm) aux troubles trophiques (ulcère, eczéma, atrophie blanche) en passant par l’œdème des membres inférieurs. La classification CEAP (Clinique, Étiologie, Anatomie, Physiopathologie) permet de façon objective de classer les varices selon la clinique, l’étiologie, l’anatomie et la physiopathologie.

L’ECHO-DOPPLER VEINEUX INDISPENSABLELa variabilité des symptômes et son polymorphisme clinique font de l’écho-Doppler l’examen indispensable autant diagnostique que préthérapeutique. La cartographie veineuse qui en découle sera à la base des options thérapeutiques. Grâce à ce schéma des varices ainsi qu’à la classification CEAP, les patients seront dirigés vers le meilleur traitement, adapté en fonction de chacun.
 

À RETENIR


 Faut-il traiter toutes les varices ?

On intervient qu'en cas de gêne fonctionnelle ou esthétique. Cependant quand les varices sont très dilatées (>8-9 mm) il vaut mieux les traiter, le risque de thrombose veineuse superficielle étant plus important.

 Quel est le meilleur traitement des varices ?

Aujourd’hui, on peut proposer un traitement « à la carte » en fonction du diamètre de la veine, de l’âge du patient, de la possibilité ou non d’un arrêt de travail, d’un lymphœdème (qui risque d’être majoré par la chirurgie), d’un traitement anticoagulant qui limitera la sclérothérapie mais ne nécessitera pas d’interruption par exemple avec le laser endoveineux. Afin que le patient puisse donner un vrai consentement éclairé le médecin ou le chirurgien vasculaire doit pouvoir lui expliquer toutes les techniques.

 Est-ce que les varices « reviennent » ?

Le risque de récidive peut augmenter au fil des ans après le traitement primitif, même bien effectué. Un contrôle régulier (au moins annuel) est donc indispensable. La sclérothérapie sous guidage échographique prend alors toute sa place. 

LES TECHNIQUES THÉRAPEUTIQUES

C’est en termes de thérapeutique que les progrès ces dernières années ont été fulgurants. De la compression (anciennement contention) au traitement chirurgical radical, l’alternative il y a quelques années se limitait à la sclérothérapie liquide des varices visibles. Aujourd’hui de nouvelles techniques dites d’ablation endoveineuse se sont développées et les résultats sont plutôt encourageants.

L’ablation endoveineuse : techniques multiples, résultat unique !

On parle d’ « ablation endoveineuse » lorsqu'on détruit la veine de l’intérieur sans nécessité de la retirer par voie chirurgicale.

Sont inscrits dans cette option thérapeutique trois types de techniques : la radiofréquence (RF), le laser endoveineux (LEV) et l’échosclérose à la mousse (ESM).

La RF et le LEV, dits techniques thermiques, se sont développés dans les années 2000 et ont progressivement envahi le devant de la scène supplantant la chirurgie à ciel ouvert. Ce sont aujourd’hui les techniques de première intention dans le traitement du reflux ostio-tronculaire de la grande veine saphène (GVS) et de la petite veine saphène (PVS) selon les recommandations de nombreuses sociétés savantes.

L’ablation endoveineuse thermique : brûler la veine de l’intérieur.

Le stripping, la phlébectomie arrachent la veine. La RF et le LEV, principales techniques d’ablation thermique endoveineuse utilisées en Europe chauffent la paroi vasculaire créant une occlusion de la veine puis une inflammation qui va ensuite l’atrophier progressivement. À terme, la veine va disparaître sans avoir besoin de l’enlever physiquement. L’intervention effectuée par un médecin vasculaire ou un chirurgien, se fait par ponction de la veine au niveau de la jambe pour y introduire la sonde (Photo 2). Une anesthésie locale autour de la veine est ensuite réalisée afin de protéger les tissus environnants de la chaleur produite par la sonde et « endormir » localement la zone traitée. On parle de « tumescence » (mélange de xylocaïne et de sérum physiologique) (Photos 3-4). Cette tumescence permet également de spasmer la veine en réduisant son calibre permettant un meilleur contact de la sonde avec les parois de la veine et améliorant de ce fait l’efficacité du traitement.

Interventions simples, effectuées sous anesthésie locale, ces techniques sont indiquées en cas de reflux tronculaire de la GVS ainsi que de la PVS. La disparition de la veine est complète et définitive dans plus de 90 % des cas. Avantages prouvés dans les études comparant la chirurgie à ces techniques : peu de douleurs post-interventionnelles, reprise des activités normales dès le lendemain, pas d’hospitalisation, pas d’anesthésie générale.

► Aucun geste n’est un petit geste en médecine, les complications existent même si, généralement, le traitement est bien toléré. La principale complication reste la thrombose veineuse profonde de la veine fémorale ou de la veine poplitée dans la continuité de la veine traitée. Mais cette complication est rare. Tout au plus 1 % des cas. De la même façon, une thrombose veineuse superficielle peut survenir sur les varices laissées en place et ne sera traitée que si cette dernière est symptomatique par antalgiques simples. Lors de la procédure, les nerfs (nerf saphène et nerf sural) accompagnant les deux principales veines superficielles - respectivement GVS et PVS - peuvent être « endommagés », entraînant des troubles sensitifs  le plus souvent minimes et peu fréquents (fourmillements, hypoesthésie), rarement importants (douleurs neuropathiques). Ces troubles, survenant parfois de façon un peu différée, régressent le plus souvent en quelques semaines à quelques mois pour disparaître totalement.

► D’autres complications restent possibles, quasiment systématiques à type d’ecchymoses sur le trajet de la veine traitée. Il y a rarement d’infection. Des pigmentations brunâtres (matting) surtout si la veine est très superficielle ou des brûlures cutanées sont rarement décrites et généralement évitées par la tumescence mettant la veine à distance de la peau.

Les critères permettant d’analyser l’efficacité de ces techniques par rapport à la chirurgie notamment sont très aléatoires. En effet, certains se fixent sur l’occlusion du tronc saphène traité, d’autres sur l’absence de veine refluante cliniquement ou en écho-Doppler, d’autres encore analysent l’amélioration fonctionnelle, esthétique, clinique selon la classification objective CEAP ou selon la qualité de vie. Les études sont donc pour la plupart hétérogènes et leur analyse critique en devient complexe. Néanmoins, quelques essais ont permis de conclure sur certains points. Concernant la GVS, la RF comparée à la chirurgie (stripping/crossectomie) permet une occlusion du tronc saphène pathologique dans 82 à 90 % des cas à 5 ans (9 essais contrôlés randomisés, plus d’une centaine d’études observationnelles). De la même façon, le LEV permet une occlusion anatomique identique à la RF (17 essais contrôlés randomisés, plus de 150 études observationnelles). Néanmoins, le taux de récidive variqueuse reste significatif jusqu’à 27,4 % à 5 ans pour la RF. Ces récidives ayant lieu sur un trajet anatomique différent. On parlera de varices récidivantes.

Concernant la PVS, le taux d’occlusion est souvent de 90 % pour le LEV (versus 20 à 67 % pour la chirurgie). Les études insistent sur le risque de complication neurologique significativement inférieur pour le LEV (moins de 5 %) par rapport à la chirurgie (aux alentours de 25 %).  Lorsque l’on compare l’efficacité du LEV et de la RF, les résultats sont comparables à 5 ans.

Bien souvent, il peut être proposé de traiter les petites veines tributaires des troncs principaux inesthétiques et variqueuses dans un même temps nécessitant alors un geste de phlébectomie apportant ainsi un résultat esthétique immédiat. Certains auteurs recommandent d’attendre 3 à 6 mois après une ablation endoveineuse thermique pour évaluer l’intérêt d’un traitement complémentaire si besoin.

Les meilleurs résultats restent inhérents à une bonne indication. Ainsi, il faut savoir respecter certaines contre-indications telles que des veines tortueuses dans lesquelles les guides/sondes auront du mal à passer, mais aussi une taille minimale de la veine pathologique.

Les patients sous anti-coagulant ou anti-agrégant plaquettaire peuvent relever de ce type d’intervention sans avoir besoin d’arrêter leur traitement. Il en va de même pour les patients obèses évitant des incisions dans des zones peu accessibles ou à risque d’infection ainsi que pour les patients âgés refusant une anesthésie générale.

L’écho-sclérose à la mousse

Cette technique consiste à injecter un agent détergent sous forme de mousse dans une veine sous contrôle échographique. Le guidage échographique remonte aux années 1985 mais l’utilisation de mousse a fait son apparition plus tardivement vers 1995. La combinaison des deux a permis l’essor fulgurant de l’échosclérose à la mousse (ESM) (Photo 5).

► L’efficacité du sclérosant sous forme de mousse (mélange d’air stérile et d’agent sclérosant) en fait une technique recommandée par rapport à

 l’injection de liquide dans toutes les situations et même pour les veines réticulaires et télangiectasies. Une des limites serait pour quelques auteurs le trop grand diamètre de certaines veines (supérieur à 6 mm) avec des taux de recanalisation plus élevés qu’avec les techniques thermiques. En revanche, aucune limite de taille inférieure contre-indique actuellement son utilisation. Ainsi, l’ESM est devenue la technique la plus polyvalente parmi toutes les méthodes de traitement des varices. Aujourd’hui encore, elle est une pratique fréquente en France, en nombre d’actes très largement au-dessus de la chirurgie et de l’ablation thermique.L’ESM est une méthode efficace, peu chère, mais nécessitant des injections régulières.

Finalement, les sociétés savantes recommandent son utilisation en deuxième intention après l’ablation thermique si celle-ci n’est pas indiquée ou disponible et en cas de récidive variqueuse avec des résultats satisfaisants pour une technique peu contraignante.
 

La prise en charge par l’Assurance maladie


En 2017, seul l’acte de RF est remboursé par la Sécurité sociale. Le LEV n’est, quant à lui, pas pris en charge mais l’avis favorable de la HAS doit rendre cet acte remboursé fin 2017.

• Ceci explique pourquoi aujourd’hui encore certains patients hésitent et se tournent plus facilement vers d’autres solutions dont l’ESM lorsque cela reste possible.

• En revanche, ces actes d’ablation endoveineuse thermique génèrent un GHM dans le cadre d’une hospitalisation de jour. L’ablation de veine saphène par LEV est complètement prise en charge par l’Assurance Maladie dans un établissement public. En secteur privé, l’acte médical reste à la charge du patient.

Et la chirurgie ?

Le « gold standard » pour le traitement des veines saphènes a longtemps été la chirurgie dite conventionnelle, comprenant « crossectomie » et stripping.

À long terme, les études ne retrouvent pas ou peu de différence significative entre l’ablation thermique et la chirurgie. Mais, à court terme, la diminution de la durée des arrêts de travail (0 à 2 jours versus 3 semaines), la diminution des douleurs post-opératoires, l’absence d’anesthésie générale et d’hospitalisation est clairement en faveur du traitement par ablation thermique. Les complications de la chirurgie sont sensiblement identiques à l’ablation thermique endoveineuse, à savoir, thrombose veineuse profonde, infection du site opératoire, hématome, douleurs, troubles sensitifs, manifestations allergiques.

► Concernant les troubles sensitifs,  peu d’études nous renseignent sur le taux de paresthésies après chirurgie de la PVS. Il est estimé à 28 % dans certaines études. Lors du traitement de cette dernière par ablation laser, la moyenne est estimée à 4 % (15 études spécifiques retrouvant des taux de paresthésies allant de 1,6 % à 11 %).

Néanmoins, il reste quelques indications à la chirurgie par crossectomie/stripping comme les veines sinueuses non accessibles à un traitement par ablation thermique en utilisant idéalement, et selon les nouvelles recommandations, une anesthésie par tumescence.

CONCLUSION

Aujourd’hui, la prise en charge de l’insuffisance veineuse chronique s’améliore, se précise, se « technicise » grâce à une volonté grandissante des différents professionnels  autant dans la recherche, dans la prise en charge diagnostique et, surtout, dans la prise en charge thérapeutique. Les traitements endoveineux thermiques des incontinences symptomatiques de la GVS (RF, LEV) et de la PVS (LEV) se sont imposés en 2017 comme traitement de première intention devant la chirurgie de crossectomie/stripping. Une hiérarchisation des différentes options thérapeutiques devrait, dans les prochaines années, améliorer encore la prise en charge thérapeutique.

Malgré tout, l’hérédité rendant les veines « fragiles », l’évolution durant toute la vie avec l’apparition de nouvelles varices ou de récidive reste possible et même probable. Les traitements thermiques sont efficaces mais ne peuvent empêcher la survenue au fil du temps d’éventuelles nouvelles varices. Un suivi régulier est donc conseillé car la récidive dans la maladie variqueuse est fréquente.

 

Références

1-Miserey G. LMV, 38, mars 2017.
2-Ultrasons et phlébologie, SFP, Editions Phlébologiques Françaises-Paris
3-Perrin M, Maleti O, Lugli M. EMC Traitement endovasculaires des varices des membres inférieurs. Techniques et résultats. Chirurgie vasculaire, février 2017.
4- Davis HQ, Popplewell M, Darvall K, Bate G, Bradbury AW. A review of randomised controlled trials comparing ultrasound-guided foam sclerotherapy with endothermal ablation for the treatment of great saphenous varicose veins. Phlebology, 31(4) :234-40, 2016.
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8- Wittens C, Davies AH et al. Management of chronic venous disease. Clinical practice guidelines of the European Society for ESVS. Eur J Vasc Endovasc Surg (2015) 49, 678e737.
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13- Patel S, Surowiec S. Venous insuffisiancy. Venous Insuffisiency-StatPearls-NCBI Bookshelf. Avril 2017

 

Liens d'interêt

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt en rapport avec ce texte.

Dr Jean-Juc Gérard (médecin vasculaire, Paris, service de Médecine vasculaire, CHU Henri-Mondor, Créteil), Dr Charlotte Mouly ( service de Médecine vasculaire, CHU Henri-Mondor, Créteil).

Source : Le Généraliste: 2807