Peu nombreux mais déterminés, une trentaine de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) et leurs proches ont protesté mercredi 29 novembre sous les fenêtres du ministère de la Santé. En cause : leur statut précaire et la menace qui pèse sur leur contrat de travail, qui pourraient ne pas être renouvelés après le 31 décembre 2023. 2 700 à 3 000 médecins sont concernés.
Alors que la loi immigration fait la une de l'actualité, ces praticiens, sans qui un grand nombre de services hospitaliers ne peuvent tourner, s'inquiètent aussi d'un éventuel non-renouvellement de leur titre de séjour avec reconduite à la frontière.
Tandis qu'une délégation était reçue par les équipes d'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, plusieurs médecins ont raconté au Quotidien les raisons de leur colère. Malika, Algérienne et Française, est généraliste et addictologue. Elle exerce sur quatre sites en psychiatrie dans l'Eure-et-Loir. Responsable de service à temps plein, elle forme même des internes. Mais sa formation théorique en gériatrie et psychiatrie ne suffit pas aux yeux de son ministère. Elle doit donc passer des épreuves de vérification des connaissances (EVC) dans ces deux spécialités. Quand elle a demandé comment se former, elle n'a jamais obtenu de réponse.
« Pour mon niveau de responsabilité, je suis sous-payée, regrette-t-elle. Cette incertitude administrative nous mine. Notre tutelle n'a pas conscience de tout notre travail sur le terrain. La qualité de la médecine française se dégrade, alors qu'elle a été une des meilleures du monde et un modèle pour les pays francophones. »
Aucune visibilité
Belkacem, pédopsychiatre, la cinquantaine, exerce depuis 2019 en tant que praticien attaché dans le Val d'Oise, dans deux centres médico-psychologiques situés à Louvres et Fosses. Il travaillait avant cette période en Algérie en libéral. Il est médecin responsable du pôle de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Gonesse. Comme beaucoup, le praticien dénonce son statut précaire alors qu'il a des responsabilités importantes au sein de son établissement.
Idem pour Eniola, jeune albanaise, neurologue au GHU neurosciences de Sainte Anne. En France, son parcours se limite à trois ans et demi de travail en tant que faisant fonction d'interne (FFI), dont deux à Mulhouse. La médecin fait la différence entre le traitement de l'administration et celui de ses confrères français « J'ai été très bien accueillie par mon service, se souvient-elle. En tant que praticiens, nous sommes tous très bien intégrés dans le système de santé. J'ai choisi de rester ici, mais je n'ai aucune visibilité sur la suite, sur mon avenir. »
Quant à Ali, algérien, il exerce au service de biochimie de la Pitié Salpêtrière depuis 2021 : « Les EVC sont un examen très sélectif. Nous avons eu quatre postes pour 100 candidats. Pourquoi nous oblige-t-on à passer ce concours alors que nous travaillons déjà en France, que nous sommes intégrés ? Il nous faut une solution pour régulariser nos situations. »
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