En 2010, la communauté médicale hospitalière montpelliéraine a connu le drame de la disparition de l’un des siens. Pour le Pr Michèle Maury (pédopsychiatre au CHU de Montpellier ), « l’orage émotionnel qui en est découlé dans l’instruction (souffrance, révolte, sentiment de culpabilité et mises en cause réciproques) a conduit à une mobilisation selon deux directions : mise en place d’un groupe pluridisciplinaire pour faire face aux erreurs dans les soins (dispositif EIAS) et création d’un groupe de praticiens (groupe BEAT) se préoccupant du bien-être au travail chez les médecins ; associés une sensibilisation des soignants en faveur du bien-être au travail ».
Émotions négatives
Ce programme a d'abord permis d’observer les attentes des soignants et de proposer la constitution d’un groupe de réflexion et d’action. Ce groupe a déployé, à partir de 2012, des actions autour de quatre grands thèmes principaux : donner la parole aux médecins sur le vécu de leur métier, leur proposer des dispositifs d’aide, partager les connaissances et l’expérience et soutenir les initiatives de concertation entre collègues.
La première action a été de proposer d’analyser le vécu au travail des médecins. Un total de 120 d’entre eux (dont 53 % des femmes) appartenant à 11 des 13 pôles du CHU a souhaité participer aux entretiens confraternels. Interrogés avec l’aide d’une échelle de bien être, 18 % des médecins rapportaient des chiffres compris entre 3 et 5 (échelle de 0 à 10) et 34 % entre 3 et 6. C’est chez les plus jeunes médecins que le score était le plus bas. La conciliation vie personnelle/vie professionnelle était problématique pour un quart des médecins et impossible pour un autre quart.
Les praticiens ont aussi analysé les émotions négatives ressenties à l’occasion de leur travail : colère et irritation en lien avec des difficultés de travail, le manque de temps, l’absence de reconnaissance, les obligations managériales ; impuissance quant aux liens avec l’administration ; inquiétude quant à l’avenir ; culpabilité, peur et tristesse. Ils gardent néanmoins des émotions positives liées en premier lieu au travail clinique, à la relation avec les patients et en deuxième lieu aux activités universitaires et d’enseignement.
Pour le Pr Maury, « ces actions ont eu comme principal effet de donner largement la parole aux praticiens de terrain et de recueillir leurs besoins ».
Consultation spécifique
En 2015, un partenariat a été mis en place avec la direction, ce qui a permis la création d’une consultation médicale, anonyme et gratuite, réservée aux praticiens et différente d’une consultation de psychiatrie ou de médecine du travail. Depuis sa mise en place, 72 personnes en ont bénéficié à leur propre demande. Les femmes étaient majoritaires et toutes les spécialités médicales ont été représentées (avec un peu plus d'anesthésistes et de biologistes et un très faible nombre de chirurgiens).
Dans plus de 60 % des cas, le motif principal mis en avant était une difficulté relationnelle avec un responsable médical ou un collègue de l’équipe. Le vécu douloureux exprimait un sentiment d’être agressé, méprisé, traité injustement et dans tous les cas non-reconnu. Les consultants ont, soit été suivis par le BEAT, soit été adressés à un psychiatre, soit référés à d’autres personnes du CHU (pôle, direction des affaires médicales, CME…).
Aller plus loin en intégrant les jeunes
En 2018, le dispositif a été enrichi en intégrant des PH plus jeunes. Une charte des relations en équipe médicale a été diffusée. Dans chaque pôle, un ou deux médecins correspondants du BEAT ont été désignés. Une cellule d’accompagnement des médecins (présidence de la CME, direction des affaires médicales, doyen de l’UFR médecine) permet de coordonner l’évaluation des situations et les actions en faveur des médecins en difficulté.
Pour le Pr Maury, « en 6 ans on a observé une plus grande liberté d’expression des difficultés et un engagement des jeunes praticiens dans des initiatives en faveur du bien être au travail. Mais il persiste des réels manquements à la communication interpersonnelle ou au sein des équipes, associés à un sentiment de « peur d’être méprisé… moqué » si l’on parle de ses difficultés ».
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