DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À DALLAS
« Nous avons analysé les compositions des équipes médicales entrant au bloc. Nous avons ainsi gagné en efficacité tout en améliorant le temps d’opération jusqu’à 17% ! » A la manière de l’entraîneur d’une équipe de football, le Pr Nicholas Marko, directeur du service neurochirurgie oncologie au Geisinger Health System (un groupement de cliniques américain) a testé méthodiquement plusieurs associations de chirurgiens, infirmières, anesthésistes… L’objectif de ce croisement de données est que l’équipe de service au bloc soit la meilleure possible pour le patient au regard de divers critères : rapidité, expérience, taux de non-réadmission après opération, complexité de l’intervention. « Ces 17 % d’efficacité, c’est 17 % de temps disponible en plus pour l’hôpital, se félicitele chirurgien américain, qui vient de présenter ses résultats à Dallas, lors de la convention de Teradata, société spécialisée dans le traitement en masse des données (activité baptisée Big Data). Nos opérations durent en moyenne 250 minutes. Ce sont environ 42 minutes qui peuvent être occupées à d’autres tâches au bénéfice des patients ».
Repérage des patients.
Le service du Pr Marko a tiré ces conclusions deux ans après la mise en place d’un outil d’analyse fine des données au sein d’un groupement clinique (44 établissements) qui traite 2,6 millions de patients par an. Avant que le secteur de la santé ne s’intéresse au Big Data, ce sont les banques et les compagnies d’assurance qui ont montré la voie.
La réforme santé de Barack Obama pousse les hôpitaux à regarder de très près ce nouvel outil. Elle prévoit que dès le 1er janvier, les 25 % d’hôpitaux les moins performants en terme de réadmission des patients seront moins remboursés par l’assurance-maladie américaine. « Le Big Data nous permet de voir dans quel secteur nous devons nous améliorer. C’est un outil qui nous aide à repérer en temps réel les disciplines ou les "types" de patients sur lesquels nous devons nous montrer plus vigilants et faire davantage de prévention », illustre Éric Ries, l’analyste programmeur d’Aurora Health Care, un réseau d’hôpitaux dans le Wisconsin et l’Illinois (1400 médecins et chirurgiens salariés).
Dérapages.
En France, les établissements de santé regardent le Big Data avec une extrême prudence. « Il n’y a pas encore de priorités fixées sur ce sujet », affirme Reda Gomery, responsable des opérations business intelligence au sein de la société de conseil Keyrus, qui compte l’AP-HP et les Hospices civils de Lyon parmi ses clients. Le frein serait principalement psychologique. La crainte de fuites de données sur les patients, malgré leur anonymisation, est patente dans l’Hexagone. « Cela prendra un peu de temps mais la France y viendra », veut croire Patrice Bouëxel, directeur du nouveau pôle santé de Teradata France. « Le retour sur investissement est d’environ 1 pour 10 », affirme David Wiggin, responsable mondial santé pour Teradata.
Le sujet de l’accès et de l’utilisation de milliards de données dans le champ de la santé reste sensible. « Le risque, c’est l’usage qui peut être fait de l’analyse des données, concède le Pr Marko. Imaginez qu’une activité plombe les statistiques de l’hôpital. Sa direction et les médecins, payés à la performance, pourraient être tentés de plus prendre en charge les patients souffrant de cette pathologie. Ce sont les plus pauvres qui en pâtiraient. Le Big Data est une aide à la décision mais il ne remplace pas l’avis médical. »
L’usage des données liées à la santé peut également servir à la personnalisation du soin. « À chaque anniversaire du patient, nous lui envoyons une carte lui indiquant les prochains rendez-vous, affirme Mike Berger, chargé des analyses de données dans un hôpital. Quand un malade aurait dû nous rendre visite, nous l’appelons ou lui envoyons un SMS, afin de le prévenir. Ces visites préventives ont pour but d’éviter les complications. C’est bénéfique pour le patient, les statistiques de l’hôpital et l’assurance-maladie. »
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