LE QUOTIDIEN - La CSMF a accueilli la stratégie nationale de santé avec une extrême méfiance. Pourquoi ?
DR MICHEL CHASSANG - Il y a quelques points positifs : l’engagement accru dans la prévention, des objectifs louables de meilleure coordination de la médecine de ville pour éviter les hospitalisations inutiles et favoriser le retour à domicile ou le travail en équipe. Mais dans le concret, on reste sur notre faim !
Surtout, le discours de Marisol Touraine a engendré une très vive inquiétude. Sous couvert de bonnes intentions, nous craignons une étatisation pure et simple du système de santé. Le risque, c’est de rigidifier au lieu de fluidifier.
Quels sont les sujets conflictuels ?
D’abord, il manque dans toute cette affaire...la réforme de l’hôpital ! C’est pourtant là où les gisements d’économies et de productivité doivent être recherchés. Je ne vois absolument rien. En ville en revanche, on ne peut être qu’en alerte sur le rôle croissant des ARS, la création d’opérateurs institutionnels non médicaux, le flou qui entoure la rémunération des équipes... Surtout, cette stratégie de santé définit un premier recours étriqué, qui oublie des spécialités comme la pédiatrie, la psychiatrie, la gynécologie ou l’ophtalmologie. Je me méfie toujours lorsque l’État veut réformer la médecine libérale. Cela signifie souvent mise sous tutelle. Avec cette stratégie, il y a un risque fort de construire une loi Bachelot bis.
Le tiers payant généralisé n’est-il pas une avancée ?
Pour les patients les plus démunis, le tiers payant est une nécessité absolue. On n’a pas besoin d’attendre. En revanche, la généralisation du tiers payant en ville à tous les patients est une autre affaire. Est-ce utile ? Il y a un risque inflationniste. Surtout, il y a énormément de problèmes techniques non résolus. J’affirme que les franchises sont incompatibles avec le tiers payant généralisé. Cela représente plusieurs milliards d’euros.
Demain à Lille, vous accueillez Marisol Touraine pour votre Université d’été. Quel sera votre message politique ?
Je lui dirai que nous prenons acte de sa volonté de réformer le système et de sa méthode qui nous convient. Mais je lui demanderai de répondre à nos craintes et de museler son administration pour l’empêcher de mettre le grappin sur le système de santé. La ministre doit être la garante de la médecine libérale. Marisol Touraine serait bien inspirée de construire avec la CSMF et pas exclusivement avec un syndicat proche de ses idées... Je constate que le conglomérat, appelé "front de la médecine générale", comporte certains éléments ancrés à gauche voire à l’extrême gauche. Il n’est jamais bon de mélanger syndicalisme et politique. Il ne faudra pas nous raconter des balivernes. Rien ne se fera sans les médecins et rien sans la CSMF.
Participerez-vous aux futurs forums régionaux ?
Nous y participerons mais on ne se fait pas d’illusions. Ces forums sont faits pour amuser la galerie en région, gagner du temps et laisser passer les élections municipales. Pendant ce temps, les « technos » écrivent dans notre dos des textes toxiques. Je prédis quelques surprises douloureuses au lendemain des municipales et des européennes. Les médecins ont intérêt à rester très vigilants.
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