Le ministère de la Santé a remis au Parlement un premier bilan du fonctionnement des hôtels hospitaliers, prise en charge alternative à l'hospitalisation conventionnelle et de jour, déployée à la faveur d'une expérimentation votée dans le budget Sécu 2015.
Lancés dans 41 hôpitaux et cliniques (carte) depuis seulement trois ans, ces hébergements non médicalisés à proximité des établissements de santé – leur vrai nom – proposés sur prescription médicale reposent sur trois principes : un reste à charge zéro pour le patient ; aucune perte de recette pour l'établissement ; pas de charge supplémentaire pour la Sécu, voire des économies de transports et de lits.
Mais faute de modèle économique incitatif, les premiers retours d'expérience – en vue d'une généralisation – compliquent l'ambition d'Olivier Véran, qui a prévu dans son Ségur de la santé d'en implanter sur tout le territoire dès 2021...
3 200 transports économisés
À ce stade, 28 hôpitaux et cliniques « testeurs » ont fait remonter leurs impressions.
Premier constat : les hôtels hospitaliers s'adressent en majorité aux patients pris en charge sur de courtes périodes (hospitalisation de jour, chirurgie ambulatoire, sortie d'hospitalisation, ante et post-partum immédiat), pour des séances et des bilans itératifs (radiothérapies, chimiothérapies, rhumatologie, dermatologie). L'âge moyen des personnes hébergées s'établit entre 50 et 65 ans. 2018 enregistre 7 767 séjours et 17 505 nuitées (soit seulement 30 % des objectifs initiaux).
La distance moyenne entre l'hôtel et le domicile des patients dépasse le plus souvent 50 km. La clinique Pasteur (Toulouse), le centre mutualiste de Kerpape (près de Lorient), l'hôpital de Paimpol et le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon) ont poussé l'analyse. En 2018, ils ont à eux quatre « économisé » près de 227 000 km et 3 265 transports sanitaires aux patients et, par ricochet, à la Sécu.
D'autres structures se félicitent aussi des avantages collatéraux. Le CHU de Tours voit le dispositif des hôtels hospitaliers comme « un élément d'attractivité vis-à-vis de la patientèle » et « un levier de souplesse sur la gestion et l'organisation des capacités d'accueil ». Le CHU de Montpellier constate « une diminution de la DMS, de libération de nuitées d'hospitalisation et d'amélioration des prises en charge ».
Explosion des coûts
Certes, pour les patients, le taux de satisfaction dépasse 90 %. Mais comme souvent, le bât blesse sur le modèle économique. Le tarif de la nuitée varie de 30 euros à 110 euros selon le type d'hébergement (hôtel privé commercial, structure intra-hospitalière ou associative), soit jusqu'à dix fois moins cher qu'une nuit en hospitalisation complète. Mais 52 % des hôpitaux et cliniques en assument l'intégralité de la charge, 32 % demandent une contribution aux patients équivalente au forfait journalier hospitalier (20 euros) et 14 % ont « bricolé » une prise en charge hybride incluant fonds propres, subventions de la Sécu et tarifications en chambre particulière auprès des mutuelles.
Cette fragilité économique freine le déploiement et menace même la pérennité de projets salués par la grande majorité des usagers. Si la dotation du fonds d'intervention régional (FIR, 25 000 euros par établissement et par an) permet de financer le lancement et la montée en charge, les coûts prennent rapidement le pas sur les recettes dès lors que l'activité progresse...
Par exemple, un hôpital comme le CHU de Reims qui était toujours dans sa phase de démarrage en 2018 enregistrait 25 000 de recettes (FIR, donc) pour 24 645 euros de dépenses (équipe projet, communication, services techniques, nuitées et transport). Mais le centre lyonnais de lutte contre le cancer Léon Bérard, établissement « tête de pont » de l'expérimentation, présentait la même année déjà 71 000 euros de dépenses (dont 26 000 euros pour l'hôtellerie et 30 000 euros pour les frais de personnel). Une équation complexe.
Transformations structurelles
Certains hôpitaux s'en sortent en « embarquant des gains plus indirects liés à des changements organisationnels », comme le CHU de Montpellier qui a pu libérer un lit. Vieux routier des hôtels hospitaliers (qu'il expérimente depuis les années 90), le centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy (Villejuif) parvient à faire des économies sur ses charges (restauration, énergie et blanchisserie).
Pour le ministère, ce sont précisément ces transformations structurelles poussées jusqu'à un « effet seuil » qui « doivent pouvoir prendre le relais [des subventions] pour soutenir l'équilibre du modèle économique ». Pas sûr que les établissements, essoufflés par la crise sanitaire, aient envie de se lancer l'an prochain dans ce casse-tête comptable.
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