« On le connaît bien, Olivier Véran. »
D'une même voix, les cinq grandes centrales syndicales de praticiens hospitaliers (PH) synthétisent l'espoir incarné par le nouveau ministre de la Santé.
Les contacts ont été pris dès son arrivée. Ce soir, Avenir hospitalier, CMH, CPH, INPH et SNAM-HP sont conviés à la table du neurologue grenoblois pour un dîner informel. Objectif : reprendre le dialogue interrompu par le départ d'Agnès Buzyn à la conquête de Paris. Alors que l'hôpital public traverse depuis un an une crise sans précédent, cinq dossiers prioritaires – lancés par Buzyn – sont en jachère : renforcement de l'attractivité de l'entrée dans la carrière, exercice territorial, diversification des activités des PH, statut unique de praticien contractuel, dialogue social médical.
Vieux routier de 39 ans
Sur tous ces chantiers, les hospitaliers doivent composer avec un interlocuteur d'un bois différent de l'hématologue PU-PH de Necker (AP-HP). Rompu à l'exercice politique depuis son parachutage dans l'Hémicycle en 2012 (il était alors suppléant de Geneviève Fioraso, entrée au gouvernement), le Dr Olivier Véran, vieux routier de 39 ans, s'est appliqué à donner des gages immédiats d'attention à la communauté hospitalière.
Trois jours seulement après la passation des pouvoirs, le nouveau ministre a choisi de recevoir – avant les syndicats de PH – quatre médecins chefs démissionnaires membres du CIH, collectif lanceur d'alerte sur la dégradation des conditions de travail à l'hôpital. Hors agenda officiel, cette rencontre a donné lieu 24 heures plus tard à un communiqué détaillé dressant le compte rendu de la réunion et la liste des décisions : plusieurs mesures déjà prévues par le plan hôpital de novembre 2019 (primes, réinvestissement de 150 millions d'euros, reprise partielle de dette) mais aussi le lancement d'une « étude » sur le niveau de rémunération des soignants et des médecins, une « enquête nationale ouverte à tous les hospitaliers et des débats dans les territoires » pour mieux identifier les besoins sans oublier une initiative pour combattre la pénurie paramédicale. « Fin avril, des propositions seront faites afin que toute absence prévisible de professionnel paramédical de plus de 48 heures soit remplacée », a promis Olivier Véran, songeant en particulier aux congés maternité.
Sans être satisfait sur ses revendications « de mesures d'urgence » (augmentation générale des salaires, hausse de l'ONDAM, ouverture de lits), le CIH a pris acte d'une « discussion plutôt constructive ». « Il y a quand même un changement de ton », a même reconnu le Pr Xavier Mariette (AP-HP) au sortir de l'entretien.
Un des leurs
Sans présumer de l'avenir, les syndicats de praticiens hospitaliers voient plutôt d'un bon œil l'arrivée aux affaires d'un des leurs (« Un PH et non une PU-PH »), dont ils louent volontiers le « dynamisme » et la connaissance de dossiers techniques – l'ex-député est auteur de rapports remarqués sur l'intérim médical et la tarification à l'activité.
Sur la méthode, les petites attentions du nouveau locataire de Ségur, qui a appelé les chefs de file hospitaliers un à un, font mouche. « Olivier Véran m'a montré sa volonté de travailler avec nous, salue le Dr Rachel Bocher (INPH). Depuis trois ans, j'avais perdu l'habitude de la reconnaissance de notre existence ». « Sa méthode d'action est tout à fait différente de celle d'Agnès Buzyn, veut croire aussi Jacques Trévidic (APH). Voilà quelqu'un qui est décidé à mettre tout son poids politique dans l'exercice. Il parle sans fard de recrutement, de revalorisation salariale. On ne sait pas s'il est ouvert à toutes nos demandes, mais il n'est fermé à rien ! » « On s'est renseigné, indique le Dr Norbert Skurnik (CMH). C'est un collègue neurologue de qualité qui a dirigé des travaux en commission des affaires sociales de l'Assemblée dans de très bonnes conditions. »
Pourtant, l'ambition affichée du ministre sème parfois le doute sur sa capacité à emporter rapidement des arbitrages. « Je reste un peu interloqué par son sens des priorités, se demande le Dr Renaud Péquignot (Avenir hospitalier). Il nous sert du coronavirus à tous les étages pour quatre patients. Et nous, on va se reprendre six mois dans la vue avec ses enquêtes sur le mal-être et la rémunération à l'hôpital ». Un choix également jugé « étonnant » par le Dr Emanuel Loeb (Jeunes médecins), dont l'inimitié avec le nouveau ministre remonte à leur engagement syndical commun. « On a déjà plein de rapports sur l'hôpital, objecte le psychiatre. Si Olivier Véran commence son demi-mandat comme ça, ça ne laisse pas supposer d'une capacité d'action énorme. »
Plus tempéré, le Pr Sadek Beloucif (SNAM-HP) appelle à la patience : « C'est vrai, on connaît bien le député Véran, mais pas encore le ministre et encore moins sa politique. Attendons la mise en œuvre ».
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