La sécurité des soins érigée en priorité

Les jalons du patron de l’AP-HP

Publié le 28/11/2013
Article réservé aux abonnés
1385651237476550_IMG_116757_HR.jpg

1385651237476550_IMG_116757_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

« L’ERREUR est humaine, perseverare diabolicum » : c’est par ces mots que Martin Hirsch, nouveau directeur de l’AP-HP, a introduit un colloque sur la sécurité des soins*. Le sujet le passionne. À l’AFSSA, il avait géré la sécurité alimentaire. Au ministère de la Santé, il a suivi la réforme de la transfusion sanguine.

Bombardé à la tête de l’AP-HP, premier CHU de France, sa première mission sera de diffuser une culture qualité et sécurité à tous les étages, dans l’administration comme en médecine. Reconnaître ses erreurs évite de les renouveler. « J’ai été le premier à faire mon droit d’inventaire sur le RSA », glisse-t-il.

Les usagers seront davantage écoutés. Ils ont l’avantage d’être « indépendants, sans être enfermés dans une technicité ». Et Martin Hirsch de promettre une application plus poussée de la loi de 2002 sur les droits des malades - pas une loi « de mode ou de circonstance », mais une loi pour « corriger les dysfonctionnements du passé ».

Mythe de l’infaillibilité.

Le nouveau patron de l’AP-HP passera son premier oral devant la CME (commission médicale d’établissement) le 10 décembre. Tiendra-t-il le même discours aux grands pontes de la médecine qu’aux usagers ? « Les patients sont moins couillons qu’on l’imagine. Le mythe de l’infaillibilité est dangereux, a-t-il lancé ce lundi. Reconnaître son erreur peut renforcer la relation plutôt que la miner : le chemin est magnifique mais étroit ».

Le chantier de la sécurité sanitaire est prioritaire. Par quel bout le prendre ? L’ancien président de la Haute autorité de santé (HAS), Laurent Degos, n’incite pas à l’optimisme béat. Dix années de certification et d’accréditation, pas plus que l’introduction du « P4P », n’ont bouleversé la donne. Des progrès sont certes constatés en anesthésie (mortalité divisée par dix), dans le champ des transfusions, des infections nosocomiales. Mais le tableau général n’est pas reluisant. « On n’a obtenu aucun résultat, rien. Est-on contre un mur ? », questionne le Pr Degos.

L’aviation civile américaine est citée en exemple. L’avion qui s’est posé sur la baie d’Hudson n’a fait aucune victime : son pilote, issu de l’armée, a désobéi aux consignes. Là serait une des clés : les protocoles, procédures et autres check-list, lorsqu’ils sont tous suivis à la lettre, endorment la vigilance et la capacité à réagir vite. Pour le Pr Degos, il y en a trop en médecine. « Aux États-Unis, une étude sur 100 hôpitaux a montré que la mortalité des patients est deux fois supérieure là où l’on suit les protocoles ».

La sécurité des soins ne progressera que si chaque maillon de la chaîne parle enfin. Sans cela, aucune chance d’identifier la cause de l’erreur. Certains pays ont mis en place le système du « no blame, no shame ». Les États-Unis protègent les professionnels qui témoignent dans le cadre d’une enquête de recherche de causes. Au Danemark, deux enquêtes étanches cheminent parallèlement. L’une pour réparer le patient, l’autre pour réparer le système. « Cela est impossible en France, or c’est un vrai sujet », regrette Laurent Degos.

* À l’occasion de la semaine de sécurité des patients, à l’initiative du ministère de la Santé

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9284