Les patients ruraux consomment 20 % de soins hospitaliers de moins que les urbains, faute de services et de médecins

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Publié le 14/11/2023
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Crédit photo : PHANIE

L’Association des maires ruraux de France (AMRF) publie ce début de semaine une étude éclairante sur les inégalités d’accès aux soins entre la France des campagnes et celle des villes. Si les disparités entre ces deux catégories de population sont connues, le document de l’AMRF quantifie les écarts d’hospitalisation grâce à la création d’un outil statistique spécifique, l’indice comparatif d’hospitalisation (ICH)*.

Premier enseignement, à âge et sexe égal, les habitants des zones rurales consomment 20 % de soins hospitaliers en moins que leurs concitoyens des zones urbaines. Des inégalités qui se retrouvent en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). Ce moindre accès aux soins peut même atteindre 30 % pour les séances de chimiothérapie et de dialyse.

Sans réelle surprise, ces inégalités d’accès s’expliquent principalement par l’éloignement des ruraux d’un système hospitalier essentiellement très urbain. Une réalité qui « plaide en faveur du renforcement des hôpitaux de proximité (…), ces établissements doivent jouer le rôle de porte d’entrée dans le système hospitalier », insiste l’AMRF.

 

Dans le détail, en analysant la répartition géographique de plus de 18 millions de séjours hospitaliers réalisés en France en 2021, l’étude conduite par le géographe Emmanuel Vigneron s'est aussi attachée à disséquer la consommation de soins par rapport à la moyenne nationale en fonction de la taille des territoires. À l’arrivée, toujours à âge et à sexe égal, « les habitants du rural très peu dense consomment 16 % de soins hospitaliers en moins » que la moyenne. Un ratio qui « remonte » à – 6 % pour les territoires ruraux peu denses. Tandis que, a contrario, « l’urbain intermédiaire » consomme 2 % de soins hospitaliers de plus que la moyenne nationale, contre + 5 % « dans l’urbain dense ».

 

 

L'éloignement, facteur déterminant

Et l’AMRF de rappeler le rôle déterminant de la distance dans le recours aux soins à l’hôpital, dont le corollaire avec l’éloignement des centres hospitaliers régionaux « est particulièrement criant, de même que le lien avec la rareté de médecins traitants dans les bassins de vie ruraux qui engendre une prise en charge hospitalière moindre ».

Un état de fait, pour l’activité de chirurgie (- 8 % pour les habitants des zones rurales) résumée par la formule suivante : « en somme, plus je réside loin d’un CHU, moins je suis avantagé pour me faire opérer ». Un désavantage rural qui se trouve, de plus, accentué par une autre réalité. « Qu’on le veuille ou non, les « hauts lieux » de l’hospitalisation en chirurgie sont aussi ceux de l’implantation du secteur privé lucratif », relève l’enquête.

Pour autant, l'association des maires ruraux ne se contente pas de dresser un simple constat et glisse dans son document une liste de quatre propositions « réalisables, concrètes et consensuelles » pour améliorer l'accès aux soins des populations dans les campagnes. En premier lieu vient l'amélioration des moyens proposés aux étudiants en santé pour réaliser leurs stages hors de leur lieu de formation initiale (FMI), via notamment le développement d'hébergements territoriaux ad hoc et l'octroi d'aides au transport. Contrepartie, les édiles souhaitent que la diversification des lieux de stages soit rendue obligatoire lors du cursus de FMI.

La seconde piste concerne le développement des équipes de soins coordonnées autour du patient (ESCAP), cheval de bataille de l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) et qui doit faire l'objet d'une expérimentation nationale pendant trois ans soutenue par la Cnam. Succinctement résumé, le dispositif permet à n'importe quel professionnel de santé membre de l'équipe de déclencher une coordination au cœur d'un épisode de soin. En troisième lieu vient la création, à l'échelle départementale, d'un guichet unique centralisant toutes les informations pertinentes - aides financières, accompagnement administratif, activités familiales disponibles - pour faciliter l'installation des professionnels de santé.

Enfin, le développement « de nouvelles manières de pratiques », notamment les exercices mixtes ville-hôpital en zone sous-dotées ainsi que « le partage de compétences entre professionnels de santé », vient fermer le ban de ces propositions. Reste à savoir si, même mises bout à bout, elles seront suffisantes pour convaincre davantage de médecins à venir exercer en milieu rural.

* L'étude porte sur les données du PMSI qui recueille l'ensemble des hospitalisations ayant lieu sur le territoire français à l'échelle de 6 300 secteurs géographiques. Pour chacun de ces secteurs, des ICH ont été calculés.


Source : lequotidiendumedecin.fr