Les rassemblements se suivent et se ressemblent. Ce mercredi 30 avril, plusieurs dizaines de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) se sont rassemblés à Paris, à l’initiative de l’association Ipadecc. D’abord postés près des Invalides et de l’Assemblée en début d’après-midi, ces médecins, pour la plupart originaires des pays du Maghreb, plaident pour une régularisation sur dossier plutôt que de passer un concours théorique aux modalités jugées trop opaques.
« Nous sommes reconnus compétents par nos chefs de service mais, d’un point de vue administratif, nous ne valons rien du tout », peste Razik, arrivé en France depuis l’Algérie il y a cinq ans et recalé en médecine générale à la dernière session des épreuves de vérification des connaissances (EVC) 2024. Conséquence, il enchaîne les contrats précaires entre les établissements hospitaliers de Meaux et Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne, département particulièrement touché par la désertification médicale. « Chaque fois, j’ai des renouvellements de 4 à 6 mois de contrats parce qu’ils ont besoin de moi, mais à un salaire minable », soupire-t-il. Père de famille, ce praticien ne compte pas non plus ses heures pour subvenir à ses besoins et ceux de ses enfants : « J’enchaîne les gardes pour arrondir les fins de mois. »
À côté de Razik, sa collègue Aminata Ould Amer ne mâche pas ses mots : « On est renouvelé tous les six mois avec des conventions de stage alors qu’on ne fait pas du tout des stages, on travaille comme nos confrères médecins français, si ce n’est plus », lâche cette anesthésiste qui enchaîne « 8 à 10 gardes par mois » et a été, elle aussi, recalée aux dernières EVC. « J’ai eu plus de 10 de moyenne mais on a supprimé plus de 60 % des postes annoncés en anesthésie-réanimation », rage-t-elle.
Effectivement, la dernière session du concours s’est conclue par une suppression de 20 % des 4 000 postes initialement prévus par arrêté ministériel, toutes spécialités confondues. Une situation telle que des parlementaires ont rejoint la trentaine de Padhue présents aux Invalides, non loin du Palais-Bourbon. La députée socialiste de Seine-et-Marne Céline Thiébault-Martinez a partagé son soutien : « En pleine désertification médicale, refuser les Padhue malgré les résultats, c’est aberrant ! Des postes sont vacants partout et on écarte des médecins compétents, déjà intégrés au système de santé », a-t-elle ensuite posté sur le réseau social X.
L’Insoumis Hadrien Clouet a également prêté main-forte aux Padhue : « Partout les hôpitaux, et singulièrement les urgences, tournent grâce à leur travail payé au lance-pierre. Parfois depuis dix ans. Le gouvernement les exploite pour faire des économies honteuses et nous prive de médecins ! », a-t-il ensuite écrit dans un post publié sur X. « En France, 87 % de la population vit dans un désert médical. Alors pourquoi ne pas les titulariser ? », appuie le député socialiste de Haute-Garonne Arnaud Simion, qui s’est, lui aussi, déplacé pour apporter son soutien aux quelques dizaines de Padhue présents aux Invalides.
Yannick Neuder à nouveau interrogé
La mobilisation s’est ensuite poursuivie devant le Sénat alors que le sénateur de Seine-Saint-Denis Ahmed Laouedj (RDSE) a interrogé le gouvernement sur la régularisation des Padhue : « Monsieur le ministre, vous avez promis une simplification de leur parcours, mais pourquoi attendre 2026 ? Pourquoi reporter une réforme alors que ces praticiens compétents sont disponibles immédiatement ? », a-t-il demandé alors que la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) prépare actuellement une réforme des EVC.
« Concernant les Padhue, effectivement, il ne faut pas avoir l’hypocrisie de ne pas reconnaître leur travail, ils représentent 30 à 40 % de certains de nos effectifs d’hôpitaux et ils assurent une grande partie de l’offre de soins sur le territoire, a répondu le ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui a aussi abordé la réforme des EVC qui s’opérera en deux temps. Si les connaissances seront toujours évaluées sur le plan théorique par concours, « les compétences seront mesurées localement par les médecins, chefs de service, chefs de pôle, présidents de CME, et cela dès cette année 2025 », précise-t-il. Quant à la transformation du concours en examen, exigée par plusieurs syndicats comme l’Ipadecc et SOS Padhue, le cardiologue a rappelé la nécessité de passer par la voie législative, ce qui prendra forcément plus de temps avant que cela aboutisse.
Devant le palais du Luxembourg, les Padhue refusent de se contenter d’une voie interne au concours et exigent une régularisation sur dossier sans délai. « Ça fait trois ans que j’exerce dans mon service, mes chefs sont satisfaits, témoigne Sonia*, biologiste tunisienne dans un hôpital francilien. Mais comme j’ai raté le concours, le poste qui aurait dû me revenir a été pourvu à un lauréat qui n’a jamais exercé en France et que je dois former. C’est juste aberrant ! »
*Son prénom a été changé
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