Dégradation des conditions de travail, pénurie de personnel, listes de patients qui s'allongent : depuis l’été dernier, les mouvements de grève dans le secteur de la santé se multiplient au Royaume-Uni.
Lundi 13 mars, les internes en médecine ont à leur tour décidé de franchir le pas (pendant 72 heures). Alors que les rafales de vent emportaient les prospectus, les grévistes de l’hôpital St Ann, dans le Nord de Londres, s'efforçaient d’organiser leur piquet de grève. Revendication principale, la revalorisation des salaires – les « juniors doctors » estimant que leurs émoluments ont chuté, en termes réels, de plus d’un quart depuis 2008…
14 livres par heure
« 14 livres par heure, ce n’est pas un salaire juste pour les internes, avance Hannah Campling, interne en psychiatrie. En 2019, il y a eu l’annonce d’une augmentation de 8,2 % sur quatre ans mais cela ne change rien. Obtenir +2 % par an alors que l’inflation est autour de 10 %, ce n’est pas suffisant… » Même ras-le-bol chez sa consœur. « Faire grève est une décision qui a été très difficile à prendre, poursuit Michelle Sftikhar, 31 ans, interne en psychiatrie depuis sept ans. Je travaille à mi-temps, je fais 38 heures par semaine mais au final, mon mari doit payer pour que je travaille car les frais de crèches pour mes enfants sont trop élevés ! J’adore mon métier, je ne voudrais pas avoir à le quitter parce que je n’ai plus les moyens de l’exercer. »
Le NHS, le service national de santé britannique, souffre d’une pénurie gravissime de personnel soignant, qui démobilise les équipes restantes. En décembre 2022, 124 000 postes de soins secondaires étaient vacants en Angleterre. Et 5,9 % des postes médicaux (soit près de 9 000) n’étaient pas occupés. Selon le principal syndicat BMA (British Medical Association), l’Angleterre aurait besoin de 46 300 praticiens supplémentaires à temps plein pour atteindre la moyenne standard de l’OCDE… Les listes de patients en attente de traitement dépassent les sept millions de personnes.
Interrogés dans le cadre d'une étude de l’Université de Leeds, les internes expliquent qu'ils subissent au quotidien des pressions insoutenables. Outre la charge de travail et la pénurie de personnel, ils avancent le manque de soutien de la part des séniors et des conflits interpersonnels. « Ces conditions sont impossibles, on voit des internes quitter le Royaume-Uni pour aller travailler au Canada ou en Australie, alerte Hannah Campling. Certains hésitent à entrer dans la profession ce qui aggrave le manque de personnel. »
Un million d'agents bientôt augmentés
La petite équipe d'internes du piquet de grève de St Ann gardait toutefois espoir car les lignes commencent à bouger au gouvernement, d'abord au profit des paramédicaux, très mobilisés ces derniers mois.
Les infirmiers avaient entamé leur propre mouvement de grève en décembre 2022 autour de revendications similaires : hausse des salaires face à l’inflation et aggravation des conditions de travail à cause de la crise du NHS. Les ambulanciers leur avaient emboîté le pas en février. Et pour ces métiers, l'horizon se dégage un peu avec un projet d'accord pour augmenter les salaires.
Le gouvernement britannique a en effet proposé jeudi dernier une augmentation salariale générale pour plusieurs catégories d'agents. Cette proposition inclut une augmentation des rémunérations pour 2022/2023 et un accord sur les rémunérations 2023/2024, a indiqué le gouvernement, avec l'organisme en charge des salaires au sein du NHS qui comprend des syndicats. « Les deux parties considèrent que cela représente un règlement juste et raisonnable qui reconnaît le dévouement du personnel du NHS, ainsi que les pressions économiques plus larges auxquelles fait face le Royaume-Uni », précise le communiqué. Plus d'un million d'agents du NHS bénéficieront d'une augmentation de leur rémunération, a précisé le ministère de la Santé.
Concrètement, les employés concernés recevront d'abord une prime supplémentaire de 2 % sur leur rémunération de l'année fiscale en cours (avril 2022/avril 2023), qui s'ajoute à l'augmentation de 4 % initialement décidée. Ils percevront en plus un versement unique dont le montant dépendra de leur ancienneté, mais qui sera d'au moins 1 250 livres (1 425 euros). Enfin, les salaires de l'année prochaine (avril 2023/avril 2024) progresseront de 5 %. Les différents syndicats impliqués dans les négociations devaient soumettre cette proposition au vote de leurs adhérents.
Les médecins hospitaliers – et les internes – qui ont débrayé la semaine dernière et n'ont pas participé aux négociations ne sont pas inclus dans la proposition.
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