Pallier la pénurie médicale relève du casse-tête pour nombre d’hôpitaux. En témoigne l’exemple du CHU d’Amiens qui doit s’appuyer depuis plusieurs années sur nombre de médecins non permanents (intérimaires, contrats de type 2) qui constituent plus des deux tiers des équivalents temps plein des médecins hospitaliers. Les rémunérations de ces praticiens non-permanents ont bondi de 32 % de 2018 à 2022, avec une hausse de 5 % de leurs effectifs cette même période. Dans le même temps, constatent les rapporteurs, les effectifs des personnels médicaux permanents ont crû de seulement 2 % et leurs rémunérations de 13 %.
C’est le constat de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France qui a publié un rapport sur cet hôpital fin mars. Le défi de l’attractivité est d’autant plus fort que l’hôpital d’Amiens est l’un des CHU les plus endettés de France (510 millions d’encours fin 2023).
La Cour révèle que la part des charges médicales est plus élevée au CHU (26 %) que dans les autres établissements de sa catégorie. Elles ont augmenté de 152 à 201 millions d’euros de 2018 à 2023. Au global, les charges de personnel du CHU ont fortement progressé sur la période (+ 85 millions d’euros). Cette hausse s’est accélérée depuis 2020 sous l’effet des revalorisations salariales du Ségur de la santé.

C’est surtout en 2022, avec les difficultés de recrutement aux urgences, que le pic des embauches de médecins intérimaires a eu lieu, mais « de façon limitée et ponctuelle », modèrent les rapporteurs. L’établissement est alors confronté à la fois à un nombre élevé d’admissions et à une diminution de 39 % du personnel senior aux urgences. La Cour mentionne un courrier de la direction du CHU du 18 avril 2024 estimant le surcoût des rémunérations excédant les plafonds réglementaires à 0,74 million d’euros par an.
Ces difficultés de recrutement ne datent pas d’hier. Côté urgences, les jeunes praticiens seraient peu attirés au CHU, car les activités du Samu et du Smur, les plus prisées, y sont traditionnellement réservées aux urgentistes expérimentés, explique la direction de l’hôpital.
Rémunérations dopées pour les urgentistes
L’établissement a donc pris des mesures particulières pour remédier à cette pénurie. Au printemps 2022, outre un renfort de personnel médical non urgentiste provenant d’autres services du CHU pour assurer les deux lignes de gardes, le CHU a mis en place un « pack urgences » consistant à « recourir, chaque fois que possible, à des médecins intérimaires, à des contrats dits motifs 2, à la solidarité territoriale et à des modalités spécifiques de rémunération de la permanence des soins au service d’accueil des urgences polyvalentes adultes (Saupa) ». La principale décision a été de booster la grille de rémunération des gardes assurées des praticiens urgentistes (qui conduit à des tarifs supérieurs de 50 % par rapport au tarif réglementaire).
Ce pack « urgences » a fait l’objet de signalements de la Trésorerie départementale des Hôpitaux et de la directrice départementale des finances publiques (DDFiP) de la Somme pour demander la régularisation de cette situation, souligne la chambre régionale des comptes.

La pénurie touche aussi les médecins anesthésistes (il manque 10 ETP par rapport à l’effectif cible). Avec la carence qui touche également les infirmières de bloc, « cela ne permet pas de rouvrir l’ensemble des vacations opératoires », indique la direction du CHU.
Comme pour les urgences, le CHU a donc décidé d’instaurer un « pack anesthésistes » qui a pour objet de recruter des anesthésistes-réanimateurs et des infirmières IADE. La principale mesure a consisté ici à rémunérer en temps de travail additionnel (TTA) dès la 40e heure de travail hebdomadaire, au lieu de 48 heures initialement. Cela correspond à une augmentation maximale de 800 euros net par mois, et un intéressement collectif et individuel permettant jusqu’à 1 500 € nets de rémunération supplémentaire par mois.
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