Le ministre de la Santé Olivier Véran entame lundi 25 mai une concertation visant à élaborer le « plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières » promis pour l'hôpital par Emmanuel Macron le 25 mars. Baptisée « Ségur de la santé », cette offensive a été accueillie avec circonspection par le secteur hospitalier, sur ses gardes.
Ce futur plan est fondé sur quatre « piliers » détaillés mercredi en conseil des ministres : « revalorisation des carrières et développements des compétences et des parcours professionnels à l'hôpital et dans les EHPAD ; plan d'investissement et réforme des modèles de financement ; mise en place d'un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l'équipe et l'initiative des professionnels ; mise en place d'une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social ». Revue de détails.
Qui pilote, qui est convié ?
Soutien d'Emmanuel Macron en 2017 et première femme à diriger une grande organisation syndicale en France – la CFDT, entre 1992 et 2002 – Nicole Notat, 72 ans, a été chargée mercredi 20 mai de coordonner le « Ségur de la santé ». Elle promet d'exercer cette mission « en ayant à cœur d'organiser l'écoute réciproque et le dialogue entre l'ensemble des parties prenantes et d'aider à la construction de conclusions le plus partagées possible ».
À sa table, seront invités à participer à cette « concertation » « tous les acteurs de santé », a indiqué Olivier Véran mercredi à la sortie du conseil des ministres, sans précision.
Quel calendrier, quel méthode ?
Olivier Véran veut aller « vite et fort ». Les concertations nationales ouvertes lundi 25 mai devront aboutir à des conclusions « au plus tard à la mi-juillet […] pour apporter des réponses ajustées [et] construire un système de santé plus fort et plus résilient », a indiqué le ministre. Les premières mesures du plan seront traduites dès le prochain budget de la Sécurité sociale pour 2021, débattu à l'automne au Parlement.
Début juin, une consultation dans les territoires sera lancée parallèlement pour tirer les leçons de la crise « notamment sur ce qui a bien fonctionné ». Il est prévu dans ce cadre des sessions de partages d'expérience (ARS, collectivités) et un espace d'« expression en ligne » à destination des professionnels (ville, hôpitaux, EHPAD).
Quelles pistes pour revaloriser les carrières et développer les compétences ?
Ce premier « pilier » du « Ségur de la santé » est l'enjeu principal du plan du gouvernement, attendu au tournant par les soignants sur la revalorisation des salaires, en particulier pour les infirmières et aides-soignantes. Les syndicats réclament une hausse de 300 euros.
Le gouvernement a déjà délimité six « axes de réflexion » à décliner à partir de lundi : développement des exercices mixtes ; modernisation de la gestion de carrière et des compétences ; développement des pratiques avancées et des coopérations entre professionnels ; assouplissement de la gestion du temps de travail pour ceux qui le souhaitent ; promotion de la qualité de vie et de la santé au travail ; promotion du dialogue à l’hôpital. La question du temps de travail est déjà épidermique.
Financement : réforme de la T2A « accélérée »
Le dernier plan hospitalier d'Agnès Buzyn, présenté en novembre 2019, dégageait 150 millions d'euros d'investissement par an sur trois ans et délestait l'hôpital d'un tiers de sa dette, soit 10 milliards d'euros. Olivier Véran ne remet pas en cause ces deux mesures mais veut les amplifier. « À la suite de la crise, il apparaît que la politique d'investissement doit être repensée et renforcée », a-t-il indiqué.
Quatre « principes directeurs » ont été fixés : investissement « sur une base territoriale afin de favoriser l’émergence de vraies logiques territoriales de prise en charge des patients » ; « révision de la doctrine capacitaire [en lits, NDLR] pour prendre soin de tous les patients qui en ont besoin dans les bonnes conditions » ; inscription des investissements « dans une logique de développement durable » ; « préparation des établissements à toutes formes de risque et de crise dans une optique de résilience ».
Côté ressources, la réforme de la tarification à l'activité (T2A) sera « accélérée ». « Les nouveaux modes de rémunération, plus tournés vers la qualité de prise en charge, dans tous les secteurs (court séjour, psychiatrie, soins de suite, médecine de ville), devront être plus rapidement déployés », lit-on dans le compte rendu du conseil des ministres. La prévention aura une « plus large place » dans les modes de financement.
Moins de normes, plus d'autonomie et de souplesse ?
Les troisième et quatrième piliers de la stratégie du gouvernement se recoupent avec l'idée de favoriser les initiatives des acteurs concernés et des territoires, en jouant sur la confiance et l'autonomie et en limitant la bureaucratie. De fait, pendant la crise, la levée d'un certain nombre de règles est apparue comme « facteur essentiel de l'efficacité collective », admet l'exécutif.Le gouvernement affiche sa volonté d'une organisation du système de santé « plus souple », déchargée du « poids des contraintes normatives » grâce à un « choc de simplification », souvent promis au demeurant.
Olivier Véran entend ici pérenniser le déploiement « massif » de la télémédecine et plus largement le numérique en santé. Côté gouvernance, il souhaite « redonner du pouvoir aux hôpitaux, c’est-à-dire une plus grande autonomie et souplesse dans leur organisation, mais aussi repenser les équipes et les services de soins comme unités de fonctionnement clés de chaque établissement » .
Enfin, la réorganisation territoriale elle-même doit dépasser la problématique de l'hôpital public et mieux intégrer la médecine de ville et le médico-social. À ce titre, tous les collectifs et groupements déjà soutenus – « maisons de santé, communautés professionnelles territoriales de santé, hôpitaux de proximité, service d’accès aux soins (SAS), plans territoriaux de santé mentale et prise en charge coordonnée des malades chroniques », déployés dans le plan Ma santé 2022 devront être « renforcés ».
« La question de l’accompagnement des médecins de ville dans un métier qui évolue et va évoluer dans une situation post-Covid sera intégrée dans ce chantier », suggère Olivier Véran. Une façon de réintégrer la médecine libérale dans la boucle de ce Ségur un peu trop hospitalier ?
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