Près de 2 000 personnes ont manifesté samedi dernier à Feurs (Loire) contre la fermeture du service des urgences de l’hôpital, le 3 avril. Une décision justifiée par le directeur du CH du Forez (qui regroupe les sites de Feurs et Montbrison) par le fait que « la moitié des dix médecins des urgences de Feurs sont des intérimaires qui n’acceptent pas le plafonnement de leur rémunération imposé par la loi Rist entrée en vigueur le 3 avril ». Selon la Dr Sylvie Massacrier, ex-cheffe de service des urgences de Feurs, en arrêt maladie depuis le 5 avril, la direction a profité de la loi Rist pour entériner une fermeture prévue de longue date.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi êtes-vous en arrêt maladie ?
Dr SYLVIE MASSACRIER : Tout a démarré le 3 février dernier, quand le directeur du CH du Forez m’a congédié par téléphone. On m’a licenciée car j’étais opposée au projet médical suivant : un service d’urgences unique avec un chef unique, sur les deux sites (Feurs et Montbrison) du CH. La direction voulait mettre deux médecins H24 sur le site des urgences de Montbrison, un médecin H24 sur Feurs, un médecin H12 pour le Smur sur Feurs et une équipe paramédicale d'urgences (EPMU) la nuit. Mon orgueil de médecin en a pris un coup, car on ne fait pas dix ans d’études pour se faire damer le pion par une infirmière et une aide-soignante. D’autant plus que si un patient arrive avec des douleurs thoraciques, l’infirmière ne sait pas faire de diagnostic médical.
Puis, le 21 mars on m’a annoncé la fermeture des urgences de Feurs. Le 27 mars, on a annoncé la même chose à mon équipe paramédicale. En huit jours, il a fallu « replacer » 44 agents. Cinq se sont mis en arrêt, mais il en restait 39 à replacer. Donc, quand on a repris début avril, il y avait 15 paramédicaux sur le carreau qui n’avaient pas de travail. De mon côté, j'étais contrainte de travailler sur le site de Montbrison. C'était particulièrement difficile à vivre sur le plan psychologique, donc on m'a arrêtée. Je vais essayer de retourner au travail, mais je ne me sens pas prête pour le moment.
Pourquoi les urgences de Feurs ont-elles fermé ?
Le service des urgences aurait tout à fait pu continuer à fonctionner. Pour faire une ligne de Smur et une ligne d’urgences, il faut dix équivalents temps plein (ETP). Nous étions 5,4 ETP, et je disposais de cinq intérimaires que je fidélisais depuis longtemps. Ils avaient toujours répondu présents pour Feurs. Quand la loi Rist est entrée en vigueur, le 3 avril, deux intérimaires m’ont dit « si Feurs reste ouvert jusqu’à fin juin, on viendra travailler avec toi ». Donc cela faisait 7,4 ETP médecins. Mon planning était bouclé jusqu’à fin juin, on pouvait donc continuer à tourner. Mais la direction a dit : « On ferme Feurs, point barre ! ».
La mise en application de la loi Rist était-elle un prétexte pour fermer le service des urgences ?
J’ai en la conviction. La fermeture était annoncée depuis un certain temps. Il y a quelques années, il y avait une maternité, un service de chirurgie avec un bloc, un service de cardiologie, avec six lits de soins intensifs sur le site de Feurs. Puis, on a fermé la maternité, la chirurgie, le bloc, les soins intensifs et regroupé les deux services de médecine. Les urgences étaient dans la ligne de mire de la direction. Donc, quand la loi Rist est entrée en vigueur, la direction a sauté sur l‘occasion pour dire : « Les intérimaires ne vont plus venir à Feurs. On est obligés de fermer car il n’y aura pas assez de médecins ». On était pourtant assez nombreux pour tenir une ligne jusqu’à fin juin. Mais la direction n’a pas voulu en entendre parler… Elle a prétexté que si on avait un service d’urgences, il fallait un service d’UHCD, ce qui est complètement faux. Je connais un certain nombre d’hôpitaux où il y a un service d’urgence sans UHCD.
Quelles sont les conséquences de cette fermeture pour la population ?
Je pense qu’il va y avoir des morts en raison de l’augmentation des délais de prise en charge. Quelques jours après la fermeture des urgences, il y a eu un accouchement à Bussières (Loire). Normalement, l’équipe de Feurs met 15 à 20 minutes pour s’y rendre. En partant de Montbrison, qui est à 25 minutes de Feurs en voiture, ils ont mis 45 minutes.Si cela s’était mal passé, on aurait pu perdre le bébé et sa mère.
La situation est aussi problématique pour le Smur. Ma couverture Smur couvrait 200 000 habitants, c’est énorme. On était, par exemple, les seuls à être à moins de 30 minutes des Monts du Lyonnais. Désormais, un grand nombre de personnes sont à plus de 30 minutes de l’hôpital de Montbrison. Quant aux pompiers, dont 80 % étaient des volontaires, leur temps d’intervention va passer d’une heure à trois heures. À l'avenir, ils ne voudront sans doute plus partir trois heures car ils ne veulent pas prendre le risque de perdre leur travail.
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