Au terme d'un long travail ayant mobilisé 14 experts pour l'écrire et 20 autres pour le relire, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient de publier un nouveau guide pratique d’intervention médicale en situation d'urgence nucléaire ou radiologique. « Nous avons procédé à une refonte complète qui nous avait été fortement demandée », explique Pierre Bois, directeur général adjoint de l’ASN.
Véritable bible de plus de 200 pages et 45 fiches, le guide contient également un répertoire recensant les radionucléides, avec les risques liés à leur exposition et les traitements d'urgence pour chacun d'entre eux. Les fiches traitent de la stratégie globale de prise en charge, de l'organisation des secours, des méthodes de radioprotection, de l'utilisation d'un dosimètre, des techniques d’évaluation des doses reçues, etc.
Le guide se destine à tous les intervenants : services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), hôpitaux, agences régionales de santé (ARS), centres antipoison, Samu, Smur, pompiers, etc.
Les irradiés ne sont pas irradiants
Globalement, l'intervention d'urgence en cas d'attaque nucléaire répond à quelques principes centraux. En premier lieu : l'urgence médicochirurgicale est prioritaire sur la prise en charge de la contamination et de l'irradiation, ces dernières ayant des effets décalés dans le temps. « L'urgence médicochirurgicale et la suppléance des fonctions vitales priment sur tout le reste, résume le Pr Jean-Marc Philippe, conseiller médical auprès de la Direction générale de la santé (DGS) et du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN). En cas d'exposition collective, la priorité est de trier les victimes. »
La contamination radioactive peut être externe ou interne (par inhalation ou ingestion de matériaux radioactifs). Dans le premier cas, la décontamination se fait en déshabillant et en lavant les personnes exposées, en un ou deux temps : décontamination d’urgence, puis décontamination approfondie.
Les Sdis sont censés être autonomes en kits de déshabillage, antidotes et produits à laver les victimes. Le but est de protéger le plus vite possible les voies respiratoires pour éviter de doubler l'irradiation externe d'une irradiation interne.
Autre principe directeur de l'intervention : une urgence médicale nucléaire requiert un cadre préhospitalier spécifique avec des équipes formées et disposant d’équipements de protection individuelle adaptés. Enfin, il faut tordre le cou à une idée reçue : une fois décontaminée, une victime irradiée n'est pas elle-même irradiante.
Zones rouge, jaune et verte
Comme en cas de blessés multiples par arme à feu, la zone d'intervention des équipes de secours est divisée en trois parties : zone rouge (zone d'exclusion ou zone contaminée), zone jaune (zone contrôlée) et zone verte (zone de soutien). La zone rouge est dédiée à l'extraction, les intervenants doivent y être habillés d'un équipement de protection individuelle de première intention, protégeant contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique. Une fois la confirmation obtenue que seul le risque nucléaire est présent, un équipement de protection de deuxième intention peut être utilisé.
Le triage des victimes s'effectue au niveau du sas entre les zones rouge et jaune. Ce dernier commence par un bilan lésionnel pour discriminer les urgences relatives et les urgences absolues, suivi d'une évaluation de la contamination. Les victimes non contaminées sont directement acheminées dans les centres d'accueil des impliqués (consacrés aux victimes peu sévères), et les victimes contaminées passeront par un point de regroupement et une chaîne de décontamination (déshabillage, décontamination approfondie, contrôle, rhabillage) dans la zone jaune, avant d'être présentés au poste médical avancé en zone verte.
Le principal défi réside dans la prise en charge des victimes contaminées en situation d'extrême urgence. Celles-ci doivent bénéficier d'une prise en charge préhospitalière et d'une stabilisation des lésions avant d'être acheminées vers les centres hospitaliers de référence, capables de les prendre en charge tout en protégeant les soignants et les autres patients contre les contaminants radioactifs transportés par la victime. Cela implique une dotation en tenues de protection, y compris adaptées au bloc. Pour le personnel circulant et l’équipe d'anesthésie, est recommandée une tenue intissée de type 5-6, des surbottes et des masques FFP3 ou, à défaut, FFP2. Ces établissements disposent aussi d'une structure de décontamination approfondie.
Outre des évolutions en termes de méthode d'intervention, le nouveau guide présente de nombreuses mises à jour concernant les antidotes. « Il y a des évolutions concernant les schémas thérapeutiques ou la voie d’administration. Dans certains cas, il nous a paru nécessaire de modifier l'antidote lui-même, indique Florence Ménétrier, docteur en pharmacie au CEA. Le but est d'éviter des effets à long terme, en empêchant le radionucléide d'entrer dans l'organisme, et en augmentant son excrétion naturelle, une fois qu'il est rentré. »
Le guide va servir de base aux différents exercices pluriannuels organisés par les Sdis et les autres parties prenantes.
Plafonnement de l’intérim médical : le gouvernement doit revoir sa copie, maigre victoire pour les remplaçants
Au CHU Healthtech Connexion Day, guichets innovation et tiers lieux à l’honneur
Zones de conflit : ces hôpitaux français qui s’engagent
À l’hôpital public, le casse-tête du recrutement des médecins spécialistes