Épuisement, sentiment d’abandon, insécurité juridique

Après les généralistes, les internes cibles du burnout

Publié le 15/03/2012
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Crédit photo : PHANIE

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S’IL TOUCHE toutes les professions, le burnout avoue une préférence pour les métiers de la santé où l’engagement humain et l’empathie sont des valeurs cardinales. Les médecins en exercice - en particulier libéraux - sont donc dans la ligne de mire, comme l’ont montré de nombreux travaux depuis quelques années mais - fait nouveau - les jeunes praticiens en formation ne sont pas épargnés. C’est du moins ce que montre la thèse (1) de Valériane Komly et Antoine Le Tourneur sur le burnout des internes en médecine générale, soutenue fin 2011 sous la direction du Dr Éric Galam, médecin généraliste et expert reconnu du sujet (lire ci-dessous).

Épuisement émotionnel, perte d’accomplissement personnel, tendance à la dépersonnalisation (cynisme) : le phénomène est bien caractérisé. Or, un interne en médecine générale sur deux (46,5 %) se dit menacé par le burnout, selon ce vaste travail de recherche qui a exploité plus de 4 000 questionnaires. Un score assez proche du vécu des généralistes libéraux qui sont 60 % à ressentir ce risque de burnout, selon une précédente étude menée en 2007 par l’Union régionale des médecins libéraux (URML) d’Ile-de-France.

L’erreur médicale, épée de Damoclès.

Les raisons de cette insécurité professionnelle ne sont pas tant liées au travail médical qu’aux conditions d’exercice. Toujours selon cette thèse, plus de 78 % des internes s’estiment peu ou pas du tout reconnus à leur juste valeur dans leur cursus, spécialement par leur « senior » (responsable de stage) pour un tiers d’entre eux (34,7 %). Ils sont également un tiers à constater « fréquemment », voire « tous les jours » le « ras-le-bol » des médecins hospitaliers et 31 % à être sujets « souvent » voire « tous les jours » à l’insomnie et aux rêves liés au travail.

À ce sentiment d’abandon s’associe la peur de passer « à côté ». Plus d’un interne sur deux craint « souvent » de faire une erreur médicale, spécialement les moins de 25 ans (58,3 %). Cette crainte s’accompagne pour les professionnels de santé d’une insécurité juridique : l’an dernier, une enquête IPSOS pour la Haute autorité de santé (HAS) a montré que sept généralistes sur dix éprouvent une crainte des tribunaux en cas d’erreur médicale. Lorsque le mal est fait, 64 % ressentent une culpabilité qui les pousse à cacher la réalité plutôt qu’à en parler.

Ce cocktail empoisonné favorise l’apparition du burnout avec des conséquences alarmantes ou tragiques. Toujours selon la thèse précitée, 36,6 % des étudiants en médecine générale admettent que si c’était à refaire, ils ne repasseraient pas le PCEM1. Pis : 6,1 % reconnaissent avoir eu des idées suicidaires au cours des douze derniers mois. Les risques de mettre fin à leurs jours sont 2,37 fois plus importants pour les médecins que pour le reste de la population, insiste le Dr Galam.

(1) Etude nationale réalisée par auto questionnaire distribué à 6 309 internes en médecine générale de 23 facultés présents aux choix de poste de mars-avril 2011. 4050 questionnaires ont été exploités, soit un taux de réponse de 64,2 %.

 ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9099