LE QUOTIDIEN : La méditation de pleine conscience connaît un emballement médiatique dans la grande presse. Vous êtes le pionnier de son application en psychiatrie en France. Après une certaine méfiance de vos pairs dans les débuts, où en est-on aujourd'hui ? Comment le regard porté par les médecins a-t-il changé ?
Dr CHRISTOPHE ANDRÉ : Les progrès ont été réguliers tout au long de ces années et, après des débuts compliqués, la situation a basculé il y a 5-6 ans. Il y a aujourd'hui une reconnaissance médicale en France.
Quand on a commencé à l'hôpital Sainte-Anne, les confrères étaient perplexes et hésitants car la méditation était associée à la religion voire au sectarisme. Pour ces raisons, on a utilisé au départ le terme d'entraînement attentionnel auprès des patients car la méditation consiste à cela, à s'entraîner à maintenir son attention sur la réalité et non sur nos peurs.
Ces réticences initiales ne m'ont pas choqué car elles étaient légitimes en un certain sens : le soin et la religion n'ont pas à fusionner, du moins pas à l'hôpital public. En réalité, la méditation utilisée dans le soin est laïque et c'est fondamental. Il n'y a pas de statuette de Bouddha ni de bâton d'encens ni de bougies, on est assis sur des chaises réglementaires d'hôpital ! Il n'y a pas d'enseignement religieux comme dans le bouddhisme tibétain ou le zen japonais. La pleine conscience, c'est une technique codifiée, simplifiée et validée à la fois par les études cliniques et la neuroimagerie.
Aujourd'hui, la plupart des psychiatres considèrent que la méditation a sa place dans le soin, au moins qu'elle est anodine et au plus qu'elle est très intéressante. Les médecins somaticiens s'y intéressent de plus en plus pour la prise en charge des pathologies chroniques et certains sont très investis.
En pratique, comment un médecin doit-il faire pour adresser un patient ? L'offre de soins suit-elle en France ?
Aujourd'hui, tous les hôpitaux universitaires proposent des consultations dédiées à la méditation en pleine conscience, et pas forcément en psychiatrie. Il n'y a pas de recensement officiel mais on peut estimer qu'il existe plusieurs centaines de praticiens en France, qu'ils soient soignants, médecins ou psychologues, ou simples instructeurs en méditation.
La solution la plus simple pour trouver un correspondant, c'est de consulter le site Internet de l'Association pour le Développement de la Mindfulness. Y sont recensés les praticiens ayant suivi le cursus. Si vraiment il s'agit d'adresser un patient, il vaut mieux choisir un médecin ou un psychologue qui saura mieux dialoguer avec un patient en difficulté.
Quelle est la place des nombreux manuels disponibles dans la prise en charge thérapeutique ?
C'est un moyen de découvrir la méditation et il existe de bons bouquins d'initiation avec un CD*. C'est un premier niveau, et qui aide beaucoup de gens. C'est aussi une façon de proposer à un patient de tester la méthode avant de se lancer dans un programme de thérapie. À un deuxième niveau, c'est un outil de complément à la participation à un programme de groupe.
Quel est le cursus pour être instructeur en méditation ?
Le cursus est en voie de codification. Il existe deux diplômes universitaires (DU) en France, le DU « Médecine Méditation et Neurosciences » à Strasbourg créé il y a 5-6 ans et le DU « Relation de soin et gestion du stress » à l'université Paris 5, plus récent.
Pour être instructeur, il faut avoir suivi un DU ou un enseignement non universitaire mais cela n'est pas suffisant. Comme pour la psychanalyse où le psychanalyste doit avoir fait une analyse lui-même, l'instructeur en méditation doit pratiquer la méditation et avoir suivi l'initiation sur 2 mois proposée aux patients.
L'enseignement doit être ensuite prolongé par des séminaires résidentiels sur 1, 2 ou 3 semaines. Ce sont des retraites où l'on médite 5-6 heures/jour. Le dernier palier consiste à animer un groupe sous la supervision d'un ancien.
Quels bénéfices pourraient tirer les médecins de la pratique personnelle de la méditation ?
Les médecins exercent un métier qui peut être stressant : méditer les aidera à ce niveau. De plus, la méditation de pleine conscience permet aux soignants en général d'améliorer leurs capacités d'écoute auprès des patients et de prévenir le burn-out.
* Méditer pour ne plus déprimer (Éditions Odile Jacob), Méditer pour ne plus stresser (Éditions Odile Jacob), Méditer jour après jour (Éditions Iconoclaste)
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