LE QUOTIDIEN - Dans quelles conditions avez-vous rencontré le ministre roumain des Affaires étrangères ?
GWENEGAN BUI - Titus Corlatean est venu début juin devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour faire un point sur les échanges entre nos deux pays. J’en ai profité pour lui demander s’il était en mesure d’évaluer le nombre de médecins qui quittent chaque année son pays. Il estime ce chiffre à 4 000 départs par an, si bien que les Roumains commencent à avoir des problèmes de déserts médicaux ! Les pays qui accueillent ces médecins délocalisent en Roumanie leurs propres déserts, et pillent ce pays en lui transférant la charge financière de la formation de ces praticiens. Le ministre roumain évalue la formation de chacun d’entre eux à 200 000 euros... Multiplié par 4 000 médecins qui partent chaque année, cela fait un total annuel de 800 millions d’euros dépensés par la Roumanie en pure perte.
La Roumanie envisage-t-elle de prendre des mesures pour enrayer cet exode ?
Titus Corlatean juge que le seul moyen d’empêcher ces départs serait de relever le niveau de vie des médecins roumains de façon à les dissuader de quitter le territoire national.
Que peut-on faire en France pour régler le problème des déserts médicaux ?
Notre ministre de la Santé a mis en place, voilà bientôt un an, son pacte territoire-santé, qui comprend un dispositif d’incitations diverses. On va laisser passer une deuxième année pour voir les résultats concrets. Mais pour le moment, ce n’est pas très probant. Il n’y aura pas de troisième année.
Si au bout de ces deux ans, il n’y a toujours pas de résultat, la question de la régulation de l’installation des médecins va revenir sur le devant de la scène puisqu’on régule déjà l’installation des pharmaciens, des infirmiers et des notaires...
Différentes options existent. Il y a le déconventionnement dans certaines zones. On peut aussi décider, pour chaque promotion, quels sont les secteurs où les jeunes médecins peuvent s’installer et ceux où ils ne peuvent pas. Il y a également les concours régionaux au plus près des besoins, etc. Les gouvernements successifs ont privilégié l’incitation parce que les syndicats de médecins poussent en ce sens. Mais il y a un déni de la part de ces syndicats...
On vous sent très dubitatif sur l’effet de ce pacte territoire santé
…
Je regarde ce que ça donne dans ma région et je ne vois venir aucune révolution copernicienne. On a mis en place une série de dispositifs financiers et des exonérations de cotisations sociales. Ces avantages s’accumulent depuis des années sans produire de changement. Résultat, on installe dans nos territoires ruraux des médecins roumains.
Les sénateurs Fichet (PS) et Maurey (UDI) ont rédigé un sombre rapport sur les déserts médicaux. Vous situez-vous dans la ligne autoritaire qu’ils préconisent ?
Tout à fait, cette question est aujourd’hui transpartisane. Ce rapport donne des pistes sur une question qui devient un problème de santé publique. La situation roumaine doit être un électrochoc, on ne peut pas continuer à cacher la poussière sous le tapis. Nous tenons aujourd’hui en France parce que d’autres pays font des efforts à notre place. C’est un peu "encore cinq minutes, Monsieur le bourreau".
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