Solidarité, tension, manque de matériel… Un livre publié cet été fait état du ressenti de 24 internes projetés au printemps dernier dans une crise sanitaire sans précédent.
Les jeunes pousses se sont livrées sur leur quotidien à l'hôpital entre le 17 mars et 25 avril. Dès la mi-mars, l'angoisse prend racine dans les services qui se préparent à accueillir un afflux de patients. « Personne n'a de consignes claires, se souvient Dina, interne en médecine générale. On était tous angoissés d'aller bosser lundi [J-1 avant le confinement NDLR]. En arrivant au boulot, j'ai retrouvé l'hôpital très bien préparé : des vigiles à toutes les issues, une tente de triage à l'entrée. » À Marseille, Alexandre, interne en anesthésie-réanimation, abonde dans ce sens. « On fait des nouveaux tableaux de gardes afin de s'organiser au mieux pour l'arrivée massive des patients en réa. Ça va être une épreuve mais je nous sens à la hauteur », note-t-il.
Les jeunes décrivent cette sensation d'être proche d'un grand chamboulement. Les services sont réorganisés, certains n'accueillent presque plus de patients. Les équipes tournent en sous-régime. « C'est une ambiance particulière, au creux de la vague. Et pourtant on sait que ça arrive », explique Lucien, en anesthésie-réanimation à Angers. Certains se dégagent même du temps pour eux. « L'épidémie progressait comme un feu de forêt et moi, je me retrouvais avec du temps libre, à bouquiner pendant des heures au self-service », ironise Lucas, interne au CHU de Nancy en stage d'infectiologie.
Chefs « désemparés »
La tension monte pourtant de jour en jour. « Tout dans cette situation est inédit. Pour les internes, c'est une forme d'angoisse particulière de sentir nos chefs aussi désemparés que nous », témoigne Maxime, en gynéco-obstétrique à Nancy. « Éthiquement, ils n'ont pas été préparés à faire des choix aussi terribles que trier les patients. » Le manque de matériel à l'hôpital comme en ville est un autre élément de stress souvent cité par les juniors. « Nous vivons encore dans la crainte de la pénurie totale, que ce soit en termes de respirateurs, de médicaments et surtout de lits disponibles. Chaque semaine, on se débrouille pour l'éviter mais la situation actuelle fait que nous sommes plus que jamais subordonnés à l'imprévu », commente Bill, en anesthésie-réanimation dans le Grand Est.
Néanmoins, plusieurs témoignages donnent du baume au cœur. Au milieu de la pagaille générale, les jeunes se sont sentis soudés avec leurs pairs et soutenus par leurs chefs. « Si je devais résumer cette expérience avec un seul mot, sans hésiter je dirais "solidarités". Tous les médecins réquisitionnés ont accouru avec détermination et envie d'en découdre. On perçoit tous les jours à l'hôpital un sentiment de mobilisation, tout le monde met la main à la pâte sans rechigner », conclut Thibaut, interne en médecine physique et réadaptation en Martinique.
*Paroles d'internes, eds. Carrière, 184 pages, 17 euros
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