Le numerus clausus a-t-il encore un sens ? Les pouvoirs publics se posent ouvertement la question.
La limitation drastique du nombre de professionnels de santé autorisés à poursuivre leurs études (en médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie...), instaurée en 1971, est de plus en plus décriée. Elle est accusée par de nombreux acteurs du monde de la santé d’être obsolète. Surtout, ce quota, présenté hier comme un chiffre magique, ne permet plus de contrôler précisément le nombre de professionnels qui exerceront sur le territoire, rendant toute planification médicale aléatoire.
Pléthore, pénurie : difficile de savoir...
L’Ordre des médecins a rappelé la réalité du contournement dans son dernier atlas de la démographie médicale. Près d’un quart des nouveaux médecins inscrits au tableau l’an dernier (1 728 sur 6 940 ) étaient titulaires d’un diplôme étranger (Roumanie, Algérie, Italie, Espagne...).
Par ailleurs, de plus en plus d’étudiants (français pour la plupart) se forment à l’étranger et reviennent directement passer les épreuves classantes nationales (ECN) en France, où ils obtiennent de toute façon un rang de classement pour l’internat. Ils étaient 258 cette année contre 202 l’an dernier. Cette évolution s’explique en partie par une directive européenne, qui a autorisé la reconnaissance automatique des diplômes des professions de santé au sein de l’Union.
Cette situation entretient la confusion. Au point que la France, qui devait manquer de médecins à l’orée des années 2020, pourrait au contraire connaître la pléthore, met en garde l’Ordre. « Toutes les projections que nous avions faites pour les années 2015 à 2025 ne se vérifient pas », explique au « Quotidien » le Pr Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS).
Le sujet préoccupe les pouvoirs publics. D’autant que la commission européenne, dans une récente recommandation, a mis en cause le « principe du numerus clausus auquel est soumis l’accès à de nombreuses professions de santé ». Selon elle, ce verrou « entrave l’accès aux services et pourrait être réexaminé sans mettre en péril la qualité et la sécurité ».
« Le système est complètement dérégulé » (un doyen)
Le numerus clausus est bousculé jusque dans l’Hexagone. Deux établissements d’enseignement privés (CLESI) proposent à Toulon et à Béziers des cursus en odontologie et kinésithérapie qui contournent depuis deux ans les quotas de formation.
Dès lors, faut-il réviser l’accès aux études de santé ? Les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur s’apprêtent à ouvrir le débat. Ils projettent d’organiser des assises d’ici à la fin de l’année sur le sujet. La question a été à l’ordre du jour d’une réunion avec les représentants des doyens, de l’Ordre et des présidents d’université. « La régulation des nombres ne remplit pas ses objectifs, confie un doyen. Le système est complètement dérégulé. Il est nécessaire d’encadrer la PACES et l’entrée dans le 3e cycle. »
La création d’une régulation à l’échelle européenne est évoquée, qui pourrait être facilitée par l’accession des études de santé au schéma du LMD (licence, master, doctorat). Pour autant, la création d’une licence santé, avec un tronc d’enseignement commun à plusieurs professions de santé, ne fait pas l’unanimité chez les étudiants et les doyens.
Contourné de toutes parts, le numerus clausus reste en même temps accusé de sélectionner brutalement, et sur de mauvais critères, les futurs médecins soumis à un bachotage intensif (7 492 reçus en 2e année de médecine sur 58 000 inscrits en PACES en 2014). « On peut reprocher la brutalité du concours et la somme de connaissances à ingurgiter dans un temps très bref, constate le Pr Jean-Pierre Vinel, président de la conférence des doyens. Peut-être ne faut-il plus sélectionner en fonction du nombre d’étudiants à garder mais en fonction d’objectifs pédagogiques prédéfinis ».
Christophe Gattuso
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