Par le Dr Jean-Claude Régi*
Le NUMERUS CLAUSUS, ce nombre fermé d’étudiants, clos, admis dans un cursus chaque année, essentiellement dans les professions de santé qui sont réglementées, a été mis en place pour les médecins voila 42 ans, en 1971.
Ce numerus clausus semble avoir été créé pour plusieurs raisons, et en premier lieu pour réglementer le nombre de professionnels diplômés qui seront donc en activité (...) et restreindre le nombre d’étudiants dans des filières comportant de nombreux stages dont la qualité pourrait être compromise par un surnombre.
Cette sélection draconienne permettrait d’assurer ainsi une capacité de travail et de mémorisation optimale pour préparer à des études longues et particulièrement difficiles.
La mise en œuvre du numerus clausus se fait par un concours qui répond à l’exigence républicaine en France d’égalité des chances. (...)
Lorsque 25 000 étudiants s’inscrivent en première année, 15 000 environ seulement passeront en seconde. Une sélection qui ne veut pas porter son nom existe donc bien.
C’est ainsi que l’idée de réguler dans chaque université en fonction des équipements hospitaliers prend naissance et paraît dès lors toutefois contestable. L’évolution de la médecine, la prise en charge des maladies font que les patients ont besoin d’être de moins en moins hospitalisés. Le progrès va ainsi, avec moins de besoin de lits d’hôpitaux et de plus en plus de prise en charge de patients en ambulatoire, essentiellement par des médecins de ville.
Un constat s’impose donc, à savoir que si l’on fixe le nombre de médecins exerçant en ville sur le nombre de lits hospitaliers, on est assuré d’aller droit dans le mur.
Les médecins exerceront essentiellement en ville là où se trouvent les besoins qui ne cesseront de croître.
En 1971, la densité médicale est de 117 médecins pour 100 000 habitants, et des experts suggèrent de l’augmenter pour atteindre 200 en 1985. En se basant sur le nombre d’étudiants d’alors, on prévoit 300 médecins pour 100 000 habitants en 1990, mais qui est en mesure de dire si ce nombre de 300 est adapté ou souhaitable ? (...)
Puisque les dépenses médicales sont prescrites par des médecins, si l’on diminue le nombre de médecins, on diminuera le niveau de dépenses. Les gestionnaires de l’assurance-maladie ont une conception simpliste de cette complexe problématique, car le nombre ne fait pas tout…
Cependant, les gestionnaires de l’assurance-maladie ne sont pas seuls à décider, ils ont un interlocuteur incontournable à savoir les syndicats médicaux avec lesquels ils sont en négociation quasi constante.
Il faut bien dire que ces interlocuteurs représentatifs de la profession ont sur cette question de la sélection des étudiants et des effectifs médicaux, à quelques exceptions près au cours des années, une attitude d’acceptation globale, trouvant qu’il y a assez de médecins comme cela et que ces jeunes constituent un danger potentiel pour la profession.
Dans ce contexte la convergence entre économistes (qui représentent les payeurs) et les médecins (représentants les dépensiers), les autres opinions ont du mal à se faire entendre.
Le numerus clausus sera donc mis en œuvre en 1971 et évoluera de 8 588 à sa création à 7 492 en 2013. Il sera progressivement abaissé par tous les gouvernements pour atteindre 3 500 dans les années 1990.
Ce n’est que récemment que l’on a pris conscience de l’absence de justification de ce rationnement planifié comportant de graves conséquences à terme. (...)
Aujourd’hui, on peut s’accorder à dire que la pertinence de ce numerus clausus peut être valablement remise en question avec l’obligation de reconnaissance des diplômes des autres pays européens, alors qu’aucun contrôle ne peut effectivement s’exercer sur la délivrance de ces diplômes.
Sa lenteur d’adaptation entraîne une alternance de périodes aux conséquences péjoratives.
L’attrait des étudiants pour des professions protégées et la sécurité qu’elles offrent est incontestable, mais pose problème notamment pour les médecins en laissant sur le carreau des étudiants avec d’excellentes notes, sans réelles solutions de rattrapage pour ces reçus/collés.
Cette sélection met en avant les qualités académiques des étudiants au détriment semble-t-il de leurs qualités humaines.
Le numerus clausus a montré son incapacité à réguler géographiquement la densité médicale, la liberté d’installation, revendication fondamentale de la profession, étant fortement défendue par les syndicats médicaux. En outre, la situation de pénurie qu’il engendre met les médecins en position de force face aux patients tout en créant des tensions sur l’épineux problème des dépassements.
Est-il vraiment nécessaire de perdurer dans une situation ou l’analyse des chiffres produits par l’Ordre des médecins met en exergue que durant les quatre dernières années, environ le tiers des nouveaux installés en France contourne un numerus clausus obsolète et par bien des côtés révoltant.
Il va falloir se poser les bonnes questions devant ce contournement massif, à savoir s’il est logique de maintenir un système qui n’a pas de valeur au plan européen. (...) Il est grand temps de s’asseoir autour d’une table et de réfléchir ensemble sur la pérennité d’un système générateur d’injustices et qui a grandement montré ses limites.
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