Autrefois intégré au vécu des individus et fortement ritualisé, le deuil a progressivement disparu du regard et de la compréhension de nos sociétés qui relèguent la mort et la douleur qu’elle engendre chez ceux qui restent aux seuls domaines de l’intime et du privé.
Les différentes pressions sociales et économiques ont même raccourci sa durée « officielle », sommant en quelque sorte les endeuillés d’accomplir ce processus selon un calendrier prédéfini qui devrait être commun à tous. En l’absence de données épidémiologiques sur ses effets, on oublie souvent que si le deuil n’est pas une pathologie, il génère cependant des effets physiques et psychologiques qui peuvent avoir des conséquences très importantes sur la santé que peu de soignants savent traiter correctement. La médicalisation et l’institutionnalisation de la fin de vie étant devenue la norme en France, les décès survenus à l’hôpital sont nettement plus fréquents que ceux qui interviennent au domicile du défunt. Sur ce point, l’enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), « Les Français et le deuil », révèle que si les Français ressentent plus péniblement un décès de leur proche survenu à l’hôpital plutôt que chez lui, elle montre également que la capacité de l'institution à prendre à charge la souffrance physique d’un malade devenu incurable est un élément de réconfort non négligeable pour les familles et les proches. En revanche, l’annonce du deuil imminent ou survenu, reste « un point d’achoppement des relations entre les endeuillés et les soignants ». Ces derniers « n’étant guère enclins à endosser un rôle qui, dans certains cas, peut être considéré comme un échec médical ».
Un processus non pathologique aux conséquences parfois traumatiques
Spécialisé dans l’accompagnement des « ruptures de vie » et auteurs de nombreux ouvrages sur le deuil, le Dr Christophe Fauré (Paris), psychiatre et psychothérapeute, relève que des progrès restent à faire en France en matière de formation pour que les personnels de santé puissent mieux accompagner les personnes qui sont confrontées à un deuil. « Les personnels de santé ignorent bien souvent les phases de deuil » et échouent donc à proposer une prise en charge appropriée. « Combien d’entre eux savent que la phase d’effondrement psychologique apparaît souvent 10 à 12 mois après le décès ? », interroge-t-il. Le spécialiste lutte également contre la pensée répandue qui identifie le deuil à un processus pathologique, alors que « ce n’est assurément pas le cas » et avoue devoir souvent « arrêter le traitement par antidépresseurs prescrit, certes avec bienveillance, mais parfois dès le décès » aux patients qui s’adressent à lui. Christophe Fauré regrette que les circonstances du décès qui a entraîné le deuil ne soient que rarement prises en compte par les soignants. Il en découle souvent « une méconnaissance des séquelles post-traumatiques » qui peuvent fréquemment survenir après un accident ou un suicide et freiner le processus de cicatrisation qu’est le deuil. Il rappelle en outre que la dimension physique du deuil reste largement oubliée alors que des études montrent, par exemple, que « des phénomènes de décompensation peuvent intervenir chez les personnes à qui l’on a diagnostiqué des problèmes cardiovasculaires et qui vivent un deuil » ou que ce dernier « peut entraîner une baisse de la production de lymphocytes » ou des affections dermatologiques. Dans tous les cas, « il est fondamental que les soignants soient mieux formés au processus qu’est le deuil » pour pouvoir mieux anticiper et éventuellement traiter les effets qu’il provoque sur le corps et la psyché des individus qui le vivent.
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