« Moi, étudiant en santé, j’accuse » : la lettre ouverte cinglante des futurs médecins aux pouvoirs publics

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Publié le 08/12/2020

Crédit photo : GARO/PHANIE

Depuis quelques semaines, les associations des étudiants en santé (médecine, sages-femmes, kinés, pharmacie, dentaire et internes de médecine générale) ont joint leur force pour lancer la campagne #PronosticMentalEngagé, afin de tirer la sonnette d’alarme sur leur santé mentale pendant leur cursus. Ce mardi, ils publient une lettre ouverte pour enfoncer le clou sur le sujet et un rapport pour mettre sur la table des propositions pour réellement faire avancer les choses.

Maltraitance et exploitation

Dans la lettre ouverte intitulée : « Moi, étudiant en santé, j’accuse », ils reprochent en premier lieu aux pouvoirs publics le manque de moyens investis dans la formation des étudiants en santé. Cela n'est pas sans répercussion sur leur santé mentale, ajoutent-il en rappelant les chiffres inquiétants des différentes enquêtes : 27,7 % des étudiants en médecine présenteraient ainsi des signes de dépression. Ils reprochent également l’indifférence des pouvoirs publics face à la « maltraitance » subie en stage. Ils évoquent notamment la confrontation à des situations difficiles « sans y être préparé, sans y être accompagné », ce qui peut avoir des conséquences sur la santé mentale des futurs professionnels. Le manque d’effectifs leur impose également « de prendre sur leurs épaules toujours plus de responsabilités (…) auxquelles ils ne sont pas formés et qu’ils ne sont pas prêts à endosser ». Dans cette lettre ouverte, les étudiants dénoncent également les choix politiques successifs concernant le système de santé, qui lui impose aujourd’hui « d’exploiter les soignants de demain » pour fonctionner. « Je suis utilisé comme main-d’œuvre bon marché au sein d’un cadre désastreux, au mépris de la loi », écrivent-ils.
Ils accusent également les pouvoirs publics de rester sourds aux alertes répétées et de plus en plus nombreuses sur la santé mentale des étudiants. « Dispositifs d’aide et de prévention des risques psychosociaux inexistants, insuffisants, inconnus ou inaccessibles », énumèrent-ils, ajoutant que « les réponses apportées restent bien trop loin » des besoins.
Cette lettre ouverte des futurs professionnels de santé a pour objectif, de « briser le tabou » autour de la santé mentale, dire « stop à l’omerta » à l’hôpital et espérer « une prise de conscience et des réponses (…) car il en existe et ne demandent qu’à être mises en place ».

 

Mieux accompagner, former et évaluer 

Les étudiants en santé accompagnent donc cette lettre ouverte choc d’un rapport dans lequel ils viennent livrer un certain nombre de propositions pour améliorer vraiment et durablement la situation. Partant du constat que l’épuisement et le mal-être des étudiants en santé peut-être causé par une méconnaissance de la réalité de ces études avant de s’y lancer. Les associations étudiantes suggèrent notamment des interventions plus fréquentes d’étudiants et de soignants au cours de l’orientation des lycéens et des supports d’orientation qui transcrivent la réalité de ces études, les points positifs comme négatifs. L’accompagnement doit se poursuivre au cours des formations avec par exemple des entretiens pédagogiques et la mise à jour du contrat de formation à la fin de chaque phase d’internat.

Au niveau des enseignements, les étudiants demandent davantage de formations sur la santé mentale, les discriminations, la relation soignés/soignants. Ils veulent aussi sortir des enseignements en cours magistral et réclament le développement des travaux pratiques, des enseignements par simulation, de la pédagogie inversée … Ils souhaitent aussi une formation à la pédagogie de tous les professionnels amenés à les former, les encadrer. Pour leurs évaluations, une plus grande place donnée au contrôle continu, la mise en place d’évaluations formatives et un contrôle qui porte sur des compétences générales et transversales et des notions fondamentales, pourrait permettre de réduire le niveau de stress généré par les examens actuels.

Pour accompagner au mieux les étudiants pendant la formation, les associations appuient sur l’utilité des tutorats qui doivent être soutenus par les équipes des UFR et formés à accompagner les étudiants en détresse. La mise en place d’un mentorat enseignant-étudiant et le développement de la communication avec l’équipe pédagogique sont aussi des pistes à privilégier.

Valoriser les activités extrascolaires ou l’engagement étudiant dans les cursus, mieux informer sur les années de césure, faire connaître les offres sportives, culturelles proposées aux étudiants, permettrait de leur faire sortir la tête du guidon.

Par ailleurs, on parle aujourd’hui d’études de santé mais les passerelles doivent encore être améliorées entre les différentes filières, et la mutualisation de certains enseignements se faire de façon pertinente afin de privilégier l’interprofessionnalité.

Enfin dans le contexte actuel de crise sanitaire et de réforme des études médicales, les étudiants demandent une nouvelle fois à ce que la continuité pédagogique soit bien assurée pour tous et de réels moyens financiers et humains pour la mise en place des réformes.


Source : lequotidiendumedecin.fr