« Cela a été fastidieux. Les premiers obstacles ont surgi dès le début de l'installation puisque deux consœurs ont fait valoir une clause de non-concurrence présente dans mon contrat, et à laquelle je n'avais pas prêté beaucoup attention », raconte la Dr Marine Hélène, médecin généraliste de 35 ans, et titulaire d’un DIU en gynécologie.
Originaire de Yerres, la jeune médecin avait toujours souhaité fonder son cabinet dans sa ville natale. Après avoir effectué pendant sept ans des remplacements auprès de médecins de la ville, elle décide, début 2021, d’y installer son cabinet. Mais deux médecins invoquent une clause de non-concurrence, alors même que la commune est dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP).
Cette clause impose à un médecin d’attendre deux ans avant une possible installation. Lorsque la Dr Marine Hélène apprend que des consœurs jouent de cette clause, elle ne cache pas sa surprise, et cela d’autant plus qu’elle les avait déjà remplacées. Elle décide donc de prendre son mal en patience. « Échaudée » par cette expérience, elle décide désormais de demander aux médecins qu’elle remplace de retirer cette clause. Elle constate d’ailleurs que cette condition n’a pas posé de problème à ces autres confrères. Aujourd’hui, elle déplore un « manque de chance ». De fait, cette clause est très rarement utilisée, qui plus est dans les zones médicalement sous-dotées. Les médecins concernés qui s’étaient opposés à l’installation de la jeune praticienne n’ont pas pu être contactés.
Un projet « colossal et fastidieux »
Après cette péripétie, la médecin a pu relancer son projet qui comprend l’acquisition de son local. « On doit, explique-t-elle, débuter le projet sans savoir au préalable si l’on bénéficiera des aides. C’est extrêmement compliqué et stressant. Il faut remplir une série de conditions. Les aides sont calculées au prorata du montant du bien tout en étant plafonnées. Enfin, pour en bénéficier, il est nécessaire que la demande émane de deux médecins au moins. Moi, quand je me suis lancée, j’étais seule. Heureusement, j’ai eu la chance de rallier deux confrères à mon entreprise. »
Cela a nécessité un investissement de 410 000 € pour un local de 110 m², auquel s’ajoutent 250 000 € de travaux. Elle reconnaît que ce sont les aides qui ont, in fine, rendu le projet viable. L’ARS lui a versé 250 000 €, la région 190 000 €, la Sécurité sociale 50 000 €, et le Val-de-Yerres 100 000 €. Enfin, l’URPS médecins libéraux d’Île-de-France propose un accompagnement : elle « fournit le catalogue des banques à contacter, des architectes habitués aux cabinets médicaux. Elle aide aussi à remplir les dossiers, ainsi qu'une assistance à chaque étape de l'installation ». Malgré tout, une installation demeure un travail « colossal et fastidieux », souligne la praticienne.
Les inquiétudes d'une jeune praticienne sur la régulation
« Avec un peu de recul, mon avis sur la régulation de l’installation est réservé. Cela pourrait avoir du sens si le territoire bénéficiait d’un excès de médecins. Or près de 90 % des territoires sont sous-dotés en médecins. Seuls les 10 % restants sont dits surdotés, et ce n’est pas pour autant que les patients y obtiennent facilement un rendez-vous. À mon avis, le problème est tout au plus contourné, mais loin d’être résolu », constate l’omnipraticienne sur la proposition de loi transpartisane menée par Guillaume Garot au sujet de la régulation de l’installation des médecins.
Son analyse de la situation s’appuie sur son expérience professionnelle mais aussi sur sa pratique en tant que maître de stage depuis un an et demi, à raison d’un étudiant différent tous les trois mois, la Dr Marine Hélène a pu remarquer que, parmi les étudiants de deuxième cycle n’ayant pas encore choisi leur spécialité, seuls deux voire trois sont intéressés par le libéral, mais uniquement sous forme d’exercice mixte.
La jeune praticienne redoute les effets des futurs départs à la retraite qui, au vu de la pyramide des âges, seront en nombre conséquent. « La médecine libérale, et la médecine générale en particulier, est déjà très peu attractive. Peu de jeunes médecins envisagent un exercice libéral exclusif, encore moins en médecine générale. Si des mesures punitives plutôt qu’attractives s’y ajoutent, la situation ne s’améliorera pas », conclut-elle.
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