LE QUOTIDIEN : Internes et enseignants attendent depuis des mois les textes manquants sur les modalités de la quatrième année d’internat de médecine générale, qui doit s’appliquer à partir de novembre 2026. Pouvez-vous les rassurer sur le calendrier ?
YANNICK NEUDER : Je suis arrivé un 24 décembre 2024… Cela fait donc 144 jours que je travaille avec mes équipes pour assurer la sortie de ces textes attendus depuis plusieurs années, afin de rassurer tout le monde, et surtout les étudiants ! Je comprends parfaitement l’inquiétude des futurs « quatrième année » qui seront docteurs juniors de médecine générale en novembre 2026, et aussi celle des maîtres de stage. Il nous faut répondre à ces inquiétudes et aujourd’hui, je suis en mesure de vous garantir la parution des principaux textes réglementaires avant le 14 juillet. Il y aura aussi besoin d’une mesure législative qui pourra être dans le PLFSS 2026.
Excluez-vous définitivement tout report de cette réforme ?
Oui ! Je ne veux pas ajouter de l’incertitude pour toute une promotion d’étudiants qui a suffisamment attendu de savoir comment allait se passer la fin de leurs études ! Certains me l’ont dit, cette attente leur est insupportable. Un report ne serait ni juste pour les étudiants ni souhaitable pour notre système de santé qui attend des jeunes médecins mieux formés à leur future activité professionnelle.
On aura donc la première promo de 3 700 docteurs juniors de médecine générale en novembre 2026. Après une période d’instabilité politique - quatre ministres en 2024 ! - je fais en sorte que tout soit opérationnel. Mais je ne suis pas seulement le ministre qui met en œuvre cette réforme… Je veux aussi être le ministre des professionnels, celui qui replace le rôle du médecin généraliste actuel et futur au cœur de l’organisation des soins et du suivi du patient. Je veux que cette 4e année soit celle qui permette à cette génération de devenir les médecins traitants de demain.
“On aura donc la première promo de 3 700 docteurs juniors de médecine générale en novembre 2026
Justement, pouvez-vous garantir que ces futurs docteurs juniors de médecine générale ne seront pas forcés de réaliser leur stage à l’hôpital, faute de terrains de stage ambulatoires ?
Ce serait renier tout l’esprit de cette réforme ! La quatrième année d’internat de médecine générale sera bien une année professionnalisante pour la nouvelle génération. Il est hors de question, faute de terrains de stage en nombre suffisant, d’envoyer les futurs docteurs juniors de médecine générale à l’hôpital. Au contraire, je fais tout pour les en sortir ! Je veux même aller plus loin en développant ces stages en médecine de ville dès le deuxième cycle, dans les maisons de santé universitaires ou les centres de santé par exemple. Ils y apprendront, dès le début des études, l’exercice en coopération avec l’ensemble des professions de santé.
Le recensement de l’ensemble des terrains de stage a commencé, au niveau des cabinets libéraux, des MSP, des centres de santé, sous l’égide des ARS. Ces lieux de stage seront disponibles pour accueillir les 3 700 docteurs juniors/an dans les régions, avec une juste répartition territoriale. Même si le défi logistique est grand, je le redis : mon objectif n’est pas de faire des constats de carence pour mettre ces jeunes dans les services hospitaliers. Mais je tiens aussi à rappeler qu’il en va aussi de la responsabilité des enseignants et des médecins installés, ils sont essentiels pour la formation de nos jeunes.
Devront-ils aller prioritairement faire leur stage en zone sous-dense ?
Je l’ai dit, je ne crois pas à la coercition à l’installation portée notamment par la PPL Garot que j’ai combattue à l’Assemblée nationale. Remettre la formation au cœur des territoires, c’est tout l’enjeu du pacte de lutte contre les déserts médicaux. Donc oui, il y aura effectivement de fortes incitations à aller en zone fragile, en zone d’intervention prioritaire (ZIP). Le travail de cartographie est en cours. On reste dans une année de professionnalisation, qui nécessite un maître de stage, une supervision, une logistique aussi pour bien accueillir les docteurs juniors.
“Il est hors de question, faute de terrains de stage en nombre suffisant, d’envoyer les futurs docteurs juniors de médecine générale à l’hôpital
Un des points durs concernait la rémunération des docteurs juniors de médecine générale. Quels sont vos arbitrages ?
Nous avons eu une longue phase de concertation, notamment avec les syndicats d’internes et d’étudiants. Pour le docteur junior, il y aura une part fixe de 2 375 euros brut, complétée par une part variable. Si vous êtes dans une ZIP, soit 37 % du territoire national, il y aura un bonus de 1 000 euros. Et en fonction du nombre de patients pris en charge, il sera possible de bénéficier jusqu’à 500 euros supplémentaires.
Enfin, il y a la participation à la PDSA, valorisée à hauteur de 1 560 euros en moyenne.
Au total, on pourra arriver à 4 500 euros net par mois.
Les docteurs juniors devront-ils obligatoirement participer à la permanence des soins ?
Non, la permanence des soins ambulatoire ne sera pas obligatoire. Après, je compte sur l’implication des futurs médecins dans la PDSA, que ce soit pour contribuer à la régulation libérale, au centre 15 par exemple, ou bien assurer des astreintes ou des gardes en maisons médicales.
Avez-vous écarté toute rétrocession d’honoraires entre docteur junior et maître de stage ?
Je veux tordre le cou à cette idée qu’il serait sain d’avoir des échanges d’argent entre un interne et son maître de stage. Il n’y aura donc pas de rétrocession d’honoraires. Et pour le patient, rien ne changera, il paiera sa consultation, en tiers payant.
Mais on conserve quand même un système de rémunération mixte, en quelque sorte, avec une part variable à l’activité, tout en ayant une forte incitation à exercer dans les zones sous-denses et à participer à la PDSA. L’ensemble est cohérent.
“Le corps médical doit comprendre de son côté que le monde a changé
Pour les maîtres de stage universitaires (MSU), quelle sera la rémunération et les incitations ?
Pour les MSU, ce sera schématiquement 3 000 euros par mois, en plus de la facturation des consultations. Là aussi, on prévoit un socle forfaitaire de base de 1 800 euros environ, qui comprend à la fois l’accueil et l’accompagnement pédagogique. S’y ajoutent, en ZIP, une prime de 800 euros et par ailleurs une prime de supervision pour la PDSA de 400 euros.
Mais les enseignants expliquent que ce n’est pas à la hauteur des charges de cabinet pour accueillir le docteur junior… Pensez-vous être assez incitatif pour recruter des MSU ?
J’ai entendu tout cela mais franchement, 3 000 euros par mois en zone fragile dans le contexte français actuel, et au vu de la situation économique, reste une somme importante, y compris par rapport à d’autres corps de métier qui font du compagnonnage. Ce sont ainsi près de 36 000 euros d’honoraires supplémentaires par an pour le maître de stage qui accompagne le docteur junior sur sa dernière année, ce qui est loin d’être négligeable !
Et je dis attention aux médecins : je vois se développer le « docteur bashing » de la part des Français, qui ne trouvent pas de généraliste. J’entends le puissant cri d’alarme des élus locaux et les évolutions du Parlement. En tant que ministre de la Santé, je dois expliquer que ce ne sont pas les médecins qui sont responsables de 30 années d’errance dans la formation. Mais le corps médical doit comprendre de son côté que le monde a changé.
“Les remontées locales me font penser qu’on arrivera à encadrer tous les jeunes qui arrivent
Pouvez-vous assurer qu’il y aura assez de maîtres de stage pour lancer cette réforme en novembre 2026 ?
On a déjà environ14 000 maîtres de stage qui accueillent et forment déjà des internes plus jeunes, d’autres vont s’engager, les remontées locales me font penser qu’on arrivera à encadrer tous les jeunes qui arrivent. Je le redis, nous avons besoin de tous pour mener à bien cette réforme, et je suis certain que chacun saura prendre ses responsabilités et que nous y parviendrons. Rendez-vous le 2 novembre 2026. Je précise que j’ai mis en place un comité de suivi avec toutes les parties pour trouver de l’efficacité et de la justice.
Quelle est l’articulation entre cette réforme et le pacte de lutte du gouvernement contre les déserts médicaux ? Que pensez-vous de l’adoption de la proposition de loi Garot par l’Assemblée ?
Cette réforme de la 4e année s’inscrit dans un contexte et un continuum. Le généraliste n’exercera plus tout seul, 75 heures par semaine, sans compter les gardes et des visites. Mais il travaillera de plus en plus souvent avec d’autres professionnels, des assistants médicaux, des collaborateurs, des internes et justement des docteurs juniors.
Contre les déserts médicaux, je veux mobiliser rapidement plusieurs solutions, en confiance, sans décourager la profession. C’est pourquoi je reste résolument contre la proposition de loi Garot qui propose de la coercition à l’installation, un remède bien pire que le mal. J’espère que cette réforme ne verra jamais le jour. Je n’ai pas dévié. Et chacun sait pouvoir compter sur mon engagement.
“On est en train de cartographier les zones rouges, il y en aura environ 150 pour commencer
La proposition de loi Mouiller de la droite sénatoriale est-elle moins clivante ?
Elle est plus équilibrée, c’est pourquoi j’y ai introduit le principe de « solidarité territoriale obligatoire » que veut mettre en place le gouvernement avec jusqu’à deux jours par mois pour soutenir les zones les plus fragiles. On est en train de cartographier les « zones rouges », je peux vous dire qu’il y en aura environ 150 pour commencer. Ce sera une obligation collective de résultat pour les médecins, avec des consultations d’un côté et, en cas de refus, des pénalités. C’est un pacte de confiance.
J’ajoute que mi-juin, nous allons supprimer le numerus apertus, avec ma proposition de loi sur la territorialisation et la formation au Sénat. On va aussi tout faire pour rapatrier nos étudiants partis étudier la médecine dans d’autres pays de l’Union européenne.
Je lance un appel : si on ne fait rien maintenant, on aura des mesures de régulation à l’installation dans quelques mois et ce sera dramatique avec des médecins qui se découragent ou qui déplaqueront. Il est temps d’agir.
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