Leurs effets seraient "limités et très coûteux". Dans son rapport 2017 sur le financement de la Sécu, la Cour des comptes n'y va pas de main morte avec les dispositifs de modération des dépassements d'honoraires imaginés par le précédent gouvernement depuis 2012. Et de rallumer une controverse déjà ancienne sur le Contrat d'accès aux soins (CAS) - mis en place en 2013 puis remplacé depuis le 1er janvier dernier par l'Optam et l'Optam-CO afin d'inciter les médecins de secteur 2 à modérer leurs tarifs - n'aurait pas eu, selon elle, l'effet attendu.
"L'assurance maladie a développé tardivement des incitations financières qui ont favorisé un léger repli du taux moyen de dépassements d'honoraires des spécialistes de secteur 2", analyse Didier Migaud. Le premier président de l'institution ajoute que dans le même temps, "les possibilités d'accès au secteur 2 ont été élargies pour les spécialistes de secteur 1". Résultat, malgré un investissement conséquent de l'Assurance maladie pour ces incitations financières (183 millions d'euros en 2015), la proportion de médecins de secteur 2 autorisés à pratiquer des dépassements n'a pas infléchi, passant de 39,2 % en 2006 à 44,3 % en 2015. Et si le repli du taux de dépassement des spécialistes de secteur 2 est passé de 54,6 % en 2012 à 51,4 % en 2015, cet enrayement n'est pas suffisant pour la Cour des comptes. De même, moins d'un quart des spécialistes, "appartenant essentiellement aux spécialités aux dépassements les moins élevés" ont souscrit au CAS en 2015.
Le dispositif a pourtant un coût élevé. Un peu trop aux yeux des magistrats financiers. "L'assurance maladie ne dépense pas moins de 10 euros de fonds publics en incitations financières pour éviter 1 euro supplémentaire de dépassements d'honoraires conventionnels", tacle la Cour avec sévérité. Dans ce contexte, la juridiction préconise de "ralentir la hausse des dépenses", d'autant que la Convention 2016 "a prévu 438 millions d'euros de dépenses supplémentaires de revalorisations d'actes en faveur des spécialistes".
L'idée d'un conventionnement sélectif des médecins spécialistes est même évoquée pour enrayer ce poste de dépense. "Dans les zones surdotées, seuls des spécialistes de secteur 1 devraient pouvoir s'installer afin de permettre d'y recréer une offre de soins financièrement abordable", poursuit Didier Migaud.
Colère des syndicats
Cette demande d'efforts sur les dépenses de médecine libérale n'est certainement pas du goût des syndicats polycatégoriels, qui ont très vite réagi aux conclusions du rapport de la Cour des comptes. Estimant la médecine libérale "prise pour cible", la CSMF s'interroge : "Comment la Cour des comptes, enfermée dans ses bureaux de la rue Cambon, ne voit-elle pas le maillage extraordinaire, et unique en Europe, que constitue la médecine spécialisée libérale ?" Le syndicat de Jean-Paul Ortiz conteste en effet certains constats dressés par les sages de la rue Cambon : " Si les dépenses liées aux actes des spécialistes libéraux ont augmenté (+ 2,5% par an entre 2009 et 2015), c’est à cause d’une hyperspécialisation accrue de la médecine ces dernières années (passant de 20 à presque 40 spécialités) et d’investissements coûteux nécessaires (équipements et matériels innovants notamment)". Et sur le dispositif CAS : "Le coût estimé du CAS, 10 € de dépense pour éviter 1 € de dépassement, est trompeur car il est calculé à partir de montants de dépenses qui incluent l’évolution de l’ensemble des tarifs opposables des actes techniques".
Des désaccords partagés par le SML de Philippe Vermesch, qui voit en ce rapport la menace de la disparition du secteur 2 : "La création du secteur 2 était une volonté politique qui a permis aux gouvernements successifs de repousser l’investissement sur certains actes. Si demain, les Pouvoirs publics entendent s'en passer, il faudra qu’ils mettent sur la table le budget nécessaire permettant le financement des actes à leur juste valeur, et ce n’est pas le tour de passe-passe d’une médecine au forfait ou rémunérée à l’épisode de soins qui permettra d’en faire l’économie".
Une baisse du déficit en trompe l'oeil ?
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes salue l'amélioration des dépenses de la sécurité sociale, en relativisant toutefois l'embellie constatée l'an dernier. Le déficit est passé de 10,8 milliards d'euros en 2015 à 7,8 milliards en 2016, atteignant ainsi pour la première fois le niveau d'avant crise de 2008. Des résultats nuancés toutefois par les sages, qui critiquent la façon dont le déficit 2016 a été calculé par le précédent gouvernement, qui a pris en compte une recette exceptionnelle de 740 millions d'euros de CSG. Si on met de côté cet apport, le déficit serait donc finalement de 8,5 milliards d'euros, soit une diminution similaire à 2015. La Cour précise également que "la persistance de déficits importants a conduit le gouvernement à repousser l'horizon d'un retour à l'équilibre de 2019 à 2020". Le rapport met ainsi en avant la composante structurelle du déficit et le fait que sa réduction, et c'est le cas depuis 2014, est liée à "des recettes exceptionnelles non reconductibles".
Le niveau de dépenses de la branche Assurance maladie demeure également préoccupante selon le rapport. La Cour des comptes révèle en effet qu’une "partie croissante des dépenses échappe à l'Ondam". Par exemple, les dépenses rattachées à l'année suivante comme les dépenses des établissements de santé relatives aux molécules sous ou post Autorisation temporaire d'utilisation (ATU) (180 millions d'euros) ou encore les dépenses de médicaments reportées sur le nouveau Fonds de l'innovation pharmaceutique (220 millions d'euros). Ainsi, si on prend en compte ces dépenses qui biaisent le calcul de l'Ondam, ce dernier n'était pas de +1,8 % pour 2016 mais de 2,2 %. Ce serait alors la même chose pour l'année à venir : "Pour 2017, son augmentation prévisionnelle n'est pas de +2,1 % comme affiché, mais de +2,4 %", précise la Cour.
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