Le gilet jaune s'enfile aussi par-dessus la blouse blanche. Le Dr Eric Camus (photo), généraliste à Brou (Eure-et-Loir) a décidé de rejoindre le mouvement social des « gilets jaunes » pour exprimer sa colère. Depuis son cabinet rural, il dénonce la politique menée « depuis les bureaux parisiens » d'Agnès Buzyn, qui ne correspond pas, selon lui, à la réalité du terrain. « L'Assemblée nationale vient de voter le PLFSS. Cette loi ne m'apporte rien car l'ensemble des mesures qu'elle contient, comme celle des assistants médicaux, ne concerne pas les médecins généralistes ruraux et isolés comme moi », déplore le Dr Camus.
Le médecin de famille critique en particulier les dispositions visant à encourager à tout prix l'exercice de groupe. « Moi je veux bien que les médecins se regroupent mais qu'allons nous faire pour les patients qui ne peuvent pas se déplacer ? Il n'y a plus de moyens de transport dans les territoires ». Le Dr Camus, proche du syndicat FMF, revendique une revalorisation significative de la rémunération pour les généralistes et spécialistes avec un « CS = G = 35 euros » et la suppression de tous les forfaits annexes « qui ont prouvé leurs limites ».
G à 35 €
Selon lui, il n'y a plus de raison de faire des distinctions de rémunération selon la spécialité. « Il y a 30 ans, il y avait un gouffre au niveau de la formation et du travail entre généralistes et spécialités. Aujourd'hui, je m'occupe de patients atteints de cancers, jamais de patients qui viennent seulement pour se faire vacciner contre la grippe. Quand j'entends que pour nous soulager, on fait vacciner les pharmaciens, je me dis ce sont des problématiques de médecins parisiens ». Il plaide également pour une recertification des médecins tous les cinq ans, récompensée par une hausse du G de cinq euros de la consultation tous les cinq ans également. « J'ai 57 ans, je fais de la formation continue et je reçois des internes en stage il faut mieux le prendre en compte », demande le généraliste.
Outre les revendications de sa profession, le Dr Camus soutient plus globalement le mouvement des gilets jaunes. « Il réunit toutes les classes sociales. Plus personne ne nous écoute et c'est cela qui nous rassemble. Au quotidien, j'entends mes patients, des retraités qui gagnent 800 euros par mois. Les conditions de travail dans les usines sont souvent extrêmement physiques, les gens sont fatigués. Les Ehpad accueillent des patients de plus en plus lourds, le personnel ne peut plus suivre », ajoute-t-il.
Moratoire mais pas d'apaisement
Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé mardi la suspension de plusieurs mesures fiscales pour « ramener l'apaisement ». Le plan de sortie de crise, acté lundi soir à l'Élysée lors d'une réunion interministérielle, comprend un moratoire de six mois sur la hausse de la taxe carbone, un gel des tarifs du gaz et de l'électricité cet hiver et aucun durcissement du contrôle technique automobile avant l'été. Pas sur cependant que ce report apaise les tensions des « gilets jaunes ». Le malaise semble en effet bien plus profond. « L'État d'esprit actuel des gilets jaunes, c'est un ras-le-bol de la société en général et quel que soit le secteur d'activité », conclut le Dr Camus.
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