Coup de théâtre au siège de l'Assurance maladie ! Réunis ce matin pour la deuxième séance de négociation sur le financement des assistants médicaux, les syndicats de médecins libéraux, furieux, ont demandé, dès son ouverture, une suspension de la séance, avant de quitter le siège de la Cnam.
« Une logique purement productiviste »
La raison de leur courroux ? Les propositions chiffrées par l'Assurance maladie des gains de productivité attendus pour les médecins qui bénéficieraient du financement d’un assistant médical. Dans ses propositions, la caisse imagine deux modèles types d’assistant : un profil administratif, et un autre plus aide-soignant. Pour ce deuxième profil, censé officier auprès de deux médecins, l'Assurance maladie estime qu'il peut permettre de passer de 3 à 6 consultations par heure par médecin.
Pour le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, les propositions de la Cnam sont « une véritable provocation ». « On est dans une logique purement productiviste de l’assistant médical. C’est un non-sens en termes d’organisation, on est clairement dans la non-qualité ! », s’indigne-t-il. « Ces chiffres, qui mettent en avant le temps gagné, sont très contre-productifs, estime le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. S’ils sont présentés tels quels : les médecins vont dire : "on n’en veut pas" ».
Pour le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, « seules de nouvelles installations permettront l’amélioration de l’accès aux soins. » « Imaginer que dans une zone déficitaire comme la mienne, où il a fallu éponger le départ de deux généralistes sans successeur, les médecins vont pouvoir augmenter leur nombre de patients médecin traitant, c’est démontrer une méconnaissance du métier ! », lance le généraliste clamartois. Le SML s'est, lui, déclaré « scandalisé par les intentions de la CNAM d’imposer des contreparties provocatrices aux médecins ».
Les jeunes médecins, qui participent dorénavant à toutes les négociations en tant qu'observateurs, comprennent le courroux de leurs aînés. « On nous demande d’améliorer la quantité et la qualité, cela va être compliqué de faire les deux, relève le Dr Yannick Schmitt, président de ReAGJIR. Il y a certainement des critères plus pertinents que de demander à un médecin seul de voir plus de monde. Le nombre de patients sans médecin traitant sur un territoire serait beaucoup plus pertinent. » « Nous sommes d'accord pour augmenter un peu la patientèle, mais nous accordons une importance particulière à l'amélioration des conditions d'exercice », explique quant à lui Pierre Guillet, premier vice-président de l'Isnar-IMG.
Pas de propositions mais « des éléments de repères », selon l'Assurance maladie
Contacté par Le Généraliste, Nicolas Revel, directeur général de l'Assurance maladie, s'est dit « surpris de la réaction » des syndicats. « Mais je pense que c’est plutôt bien qu’on clarifie certains points sans tarder », a-t-il relevé. Il « dément formellement l’idée selon laquelle la Cnam porterait une vision hyper-productiviste de la médecine ».
Sur les gains de productivité attendus, le DG précise : « Nous avons voulu introduire des éléments de repères. Ce ne sont pas des propositions qui viendraient normer ce que serait demain l’activité future des cabinets médicaux. Nous avons simplement voulu éclairer, à partir d’éléments factuels et objectifs ce que pourrait être potentiellement l’impact d’un assistant médical ».
Pour cela, l'Assurance maladie s'est basée sur une étude selon laquelle les médecins consacreraient 13 heures par semaine à des tâches non médicales. « Nous avons posé pour hypothèse que l’assistant pourrait au moins prendre en charge la moitié des tâches administratives assumées aujourd’hui à la charge des médecins. Cela représente environ six heures par semaine. Même s’il travaille pour trois médecins, il lui reste encore du temps disponible pour venir en soutien du médecin, au-delà de cette seule fonction administrative. Nous avons simplement voulu montrer que l’impact potentiel pouvait être rapidement significatif en termes d’accroissement de patientèle », insiste Nicolas Revel.
« J’ai également redit que l’assistant médical devait aussi avoir un impact sur la qualité de la pratique, sur du temps médical qui ne soit pas consacré qu’à des consultations supplémentaires mais aussi à des durées de consultation, à du suivi de patients au-delà de celles-ci », indique le DG. Toutefois, il y a selon lui « un équilibre à trouver, qui devra intégrer comme objectif le fait qu’à la fin des fins, le temps médical libéré par l’assistant doit contribuer, pour une large part, à améliorer l’accès aux soins des patients ». « C’est quand même depuis le début le cœur du dispositif », souligne le patron de la Cnam.
Réunion intersyndicale mercredi prochain
« Cette suspension, c'est pour marquer le coup, explique le Dr Battistoni. Ce qui a été proposé, basé sur l’augmentation de la productivité des médecins est un repoussoir pour les généralistes. Il était important pour nous de dire qu’on ne veut pas aller dans cette direction. »
Néanmoins, il ne s'agit pas d'une rupture de la négociation. Les syndicats ont rendez-vous mercredi prochain pour élaborer ensemble leurs contre-propositions, qu'ils présenteront à l'Assurance maladie lors de la prochaine séance de négociation, prévue le 20 février.
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