« Jusqu'au 16 mars, il ne s'est pas passé grand-chose dans notre pays. » Ce jugement lapidaire a été porté mardi par le Pr William Dab, ex-directeur général de la Santé (DGS) de 2003 à 2005, devant les membres de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. L'ancien responsable juge que les autorités auraient dû réagir plus vite après l'alerte sur le coronavirus émise le 30 janvier par l'OMS.
Selon lui, les autorités sanitaires françaises n'en ont « pas fait assez », en arrêtant trop tôt le dépistage systématique et le traçage des chaînes de contamination, et dans le même temps, ils en ont « trop fait » en confinant tout le territoire alors qu'on aurait pu le faire seulement dans trois régions, a analysé William Dab, devant les membres de la commission d'enquête sur la gestion de la crise du Covid-19.
Le manque de préparation du pays à une pandémie de maladie infectieuse est selon lui lié à « la faiblesse du domaine de la santé publique », et notamment de la prévention, à qui « on s'intéresse en temps de crise » mais qu'on oublie « en temps de paix ».
Vision comptable de l'État
L'épidémiologiste, à la tête de la DGS sous le gouvernement Raffarin, a travaillé avec le ministre de la Santé Jean-François Mattei puis avec Philippe Douste-Blazy avant de démissionner en raison de désaccords avec ce dernier. En plein cœur de la crise en avril dernier, il avait affirmé au journal Le Monde qu'en matière de prévention, la France n'était « pas à la hauteur de l'épidémie ». Devant les parlementaires cette semaine, il a aussi déploré la « vision comptable des missions de l'État », avec trop peu de moyens attribués notamment aux capacités d'intervention sur le terrain.
Si certains estiment que la préparation aux risques sanitaires coûte cher, « ce qu'il nous fallait pour avoir un système de prévention solide est sans commune mesure avec ce que vont coûter à notre pays ces deux mois de confinement », a-t-il fait valoir.
William Dab a aussi estimé qu'il faudrait clarifier le rôle de chacun des intervenants en temps de crise, entre les différents ministères, les différentes agences nationales et, au niveau local, les agences régionales de santé (ARS) et les préfets.
« En cas d'urgence de sécurité sanitaire », le « porteur de la décision publique » doit être le préfet, les ARS jouant un rôle de « conseil », a-t-il recommandé. La semaine passée, l'ex patron de Santé publique France François Bourdillon a lui aussi critiqué devant les députés la politique de prévention de la DGS actuelle et notamment la gestion des stocks de masques.
Outre le Pr Didier Raoult, la commission devait auditionner ce mercredi un autre ancien DGS, Didier Houssin (2005-2011), puis jeudi le Pr Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris.
(Avec AFP)
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