En présentant mardi un partenariat entre la CSMF et Klesia, le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz avait insisté sur un point : non, cet accord ne crée pas de réseau de soins. Le néphrologue a bien assuré qu’il n’y aurait aucune sélection de médecins et que l’institution de prévoyance ne serait titulaire d’aucune donnée de santé de ses assurés. Ces arguments ne convainquent pas les patrons de la FMF, de MG France et de l'UFML-S interrogés par Le Généraliste. Le SML a quant à lui indiqué « ne pas avoir décortiqué et analysé l'accord ». Le syndicat du Dr Philippe Vermesch devrait donc se positionner la semaine prochaine sur le sujet.
« Qu’il n’y ait aucune liste de patients ou de médecins, je n’en crois pas un mot », assène le Dr Jean-Paul Hamon. Le président de la FMF estime que ce partenariat, prévoyant la création d’une consultation de prévention sans avance de frais pour les salariés de plus de 45 ans du secteur du transport constitue inévitablement un premier pas vers les réseaux de soins. « Ça me choque toujours quand on commence à rentrer dans des consultations directes. Nous avons tout fait pour éviter d’être dépendants des complémentaires et des réseaux. C’est un mauvais signal qu’on envoie aux médecins quand le premier syndicat français signe un tel contrat », confie-t-il. Un avis partagé par le Dr Jérôme Marty, leader de l’UFML-S : « Évidemment, ils se défendent de créer un réseau de soin. Mais quand on crée un outil, c’est pour s’en servir », souligne le généraliste de Fronton. Le Dr Marty en veut pour preuve la volonté de la CSMF de développer d’autres accords de ce type.
La prévention comme prétexte
L’accord-cadre conclu par la CSMF avec le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) prévoit de développer notamment des actions de prévention, de dépistage et de coordination. Mardi, le Dr Ortiz a indiqué qu'il permettrait d'investir dans des « champs délaissés par l’Assurance maladie ».
« On trouve toujours les plus belles raisons à ce type de forfaits, rétorque le Dr Marty. Je ne pense pas que Jean-Paul Ortiz ait les mêmes buts que Klesia. Et j’irais même plus loin : je ne pense pas qu’un médecin puisse s’entendre avec un assureur. Nous n’avons ni les mêmes objectifs, ni les mêmes valeurs, ni le même code de déontologie ! »
L'objet de l'accord est un « mauvais alibi que la CSMF se donne », estime le Dr Hamon.
Vers un système à l’américaine ?
Même s'il existe plusieurs consultations de prévention prises en charge par l'Assurance maladie (pour le dépistage néonatal, la contraception des mineures, le dépistage colorectal, du cancer du sein ou du cancer du col de l'utérus…), aucune n'atteint le montant de 125 euros (5G). « On peut discuter et réfléchir à une telle consultation, mais on ne peut pas la dissocier d’une réflexion transversale sur la prévention, ça n’a pas de sens, indique le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. La prévention est une démarche plus qu’un acte spécifique, qui se crée dans la durée, ce qui caractérise notre travail de tous les jours. »
Pour le Dr Marty, le coût de cet acte « est presque insultant ». « Cela prouve que quand ils veulent, ils peuvent mettre le prix », s'indigne le président de l'UFML-S. Il estime par ailleurs que le tarif juste pour pareille consultation serait d'une centaine d'euros, soit l'équivalent de deux G à 50 euros - la valeur rêvée par son syndicat.
Cet accord crée aussi selon lui une « rupture d'égalité ». « Les quatre patients qu’un médecin aurait pu voir pendant cette consultation, on les met où ? », grince le Dr Marty.
Et le Dr Battistoni de s’interroger quant à la cohérence d’un accord excluant l’Assurance maladie obligatoire et « s’adressant à une catégorie de la population, via une catégorie des assurances complémentaires », qui rappelle à certains le modèle américain.
Ce spectre de la privatisation du système de santé inquiète l'UFML-S. « Nous avons un système égalitaire, que tout le monde nous envie pour sa solidarité et on va le segmenter avec des accords entre des médecins et des assureurs. Et à la fin, celui qui aura la meilleure mutuelle aura les meilleurs services », redoute le Dr Marty.
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