LE QUOTIDIEN : Vous succédez au Dr Antoine Leveneur à la tête de la conférence nationale (CN) des URPS médecins libéraux. Comment s’est passée votre élection ?
Dr ÉRIC BLONDET : Après quatre mandats, le Dr Antoine Leveneur a souhaité, comme il l’avait annoncé dès 2021, quitter cette fonction. J’étais le seul candidat à ce poste et j’ai été élu par douze voix sur les quinze membres adhérents à l’association. Il y a eu trois abstentions et zéro voix contre.
En 2021, j’avais été élu aux élections professionnelles, en Bourgogne Franche-Comté, sur la liste de l’intersyndicale Avenir Spé Le Bloc. Mais aujourd’hui, je n’ai plus d’étiquette syndicale car je souhaite travailler sur les problématiques d’offre de soins dont la place de la médecine libérale sur le territoire. La pleine reconnaissance de la médecine libérale dans le système de santé reste ma priorité absolue ! La CN des URPS a toujours refusé les postures dogmatiques et caricaturales envers la médecine libérale.
Les enjeux d’accès aux soins méritent aujourd’hui une approche transversale qui dépasse le clivage entre un secteur hospitalier public en grande difficulté et le secteur libéral sous très forte tension. Nous devons travailler ensemble pour maintenir une offre de soins pérenne et efficace dans chaque territoire.
Pour alerter les patients sur le risque de « disparition » de la médecine libérale de proximité, l’association Médecins pour demain appelle les confrères à porter un brassard noir début décembre. Soutenez-vous ce mouvement ?
Nous devons manifester nos inquiétudes et informer les patients sur tout ce qui ne va pas. Aujourd’hui, la proposition de loi transpartisane portée par le député socialiste Guillaume Garot pour réguler l’installation, ou encore le décret obligeant les médecins à justifier a priori certaines prescriptions de médicaments ciblent particulièrement le secteur libéral.
À côté de cela, il n’y a pas énormément d’exigences formulées au secteur salarié, que ce soit l’hôpital public ou les centres de santé, alors qu’ils doivent eux aussi contribuer à l’accès aux soins. C’est ce sentiment du “deux poids deux mesures” que dénoncent souvent les médecins libéraux. Mais quant au mouvement que vous évoquez, porter un brassard noir ne va pas régler les problèmes d’installation des médecins. La profession doit être capable d’apporter des solutions concrètes aux préoccupations des Français comme des médecins.
“Des réflexions sont engagées avec les mairies et les collectivités territoriales sur les consultations avancées afin d’éviter les ruptures de parcours de soins
Mais justement, comment les URPS travaillent-elles sur la question sensible de la répartition des médecins, dans un contexte de pénurie médicale ?
Nous devons absolument trouver des leviers attractifs pour inciter les professionnels à s’installer. Toutes les Unions travaillent en réalité sur ce sujet en lien avec les agences régionales de santé. Par exemple, sur les prospectives démographiques, nous évaluons à la fois les effectifs et le temps médical attendu dans chaque territoire.
Nous sollicitons aussi les acteurs institutionnels locaux sur les conditions à prendre en considération pour une bonne installation, comme l’emploi du conjoint et l’aménagement du territoire, qui n’est pas seulement médical mais concerne aussi la scolarité ou les transports.
En lien avec les ARS et le ministère de l’Éducation nationale, nous accompagnons les campagnes de promotion des métiers de la santé dans les collèges et les lycées pour susciter des vocations et aider les jeunes désireux de faire des études de santé. La conférence des URPS fait office de lieu d’échanges entre les Unions sur tous les leviers possibles. Des réflexions sont aussi engagées avec les mairies et des collectivités territoriales sur les consultations avancées afin d’éviter les ruptures de parcours de soins.
Les libéraux craignent le développement « sauvage » des centres de soins non programmés qui aspirent les ressources médicales. Le PLFSS a mis en place un début d’encadrement de ces structures. Est-ce suffisant ?
La stratégie n’est pas bonne. D’un côté, sur les soins non programmés des libéraux, les pouvoirs publics vont vers une hyper-régulation, avec encore plus de contraintes pour les médecins installés. À côté de cela, on va accepter de flécher un financement pour les centres de soins non programmés dont l’objectif est de proposer des consultations uniquement « one shot », sans suivi.
On va effectivement avoir un appel d’air vers des structures qui attirent énormément d’urgentistes et aussi certains généralistes au détriment de l’offre de soins en médecine d’urgence ou en médecine générale. La conférence des URPS tire la sonnette d’alarme. Oui à des centres de soins non programmés, mais à condition qu’ils soient organisés, balisés, dans un cadre respectueux de ce qui existe déjà en médecine générale, et avec une réaffectation des fonds de façon à ne pas déstabiliser le premier recours.
Le Sénat a validé la « taxe lapins ». Soutenez-vous cette pénalité pour lutter contre les rendez-vous non honorés ?
Je soutiens ce qui est réalisable ! Comment le gouvernement compte-t-il récupérer cette taxe ? Faut-il généraliser une empreinte bancaire à chaque prise de rendez-vous avec un montant symbolique de deux euros par exemple ? Cette somme serait intégrée au prix de l’acte quand le patient se rend normalement à sa consultation ou au contraire facturée et non remboursée si le patient ne vient pas. Mais si on fait ça, il faut mettre en place un dispositif de recouvrement financier et le seul organisme qui peut le faire est l’Assurance-maladie. Sur ce plan, la ministre a déclaré que les agents de la Sécurité sociale n’étaient pas là pour faire tourner les cabinets médicaux ! C’est un argument un peu léger.
Quand on analyse le profil des patients qui font défaut à leur médecin au dernier moment, ce sont majoritairement des jeunes qui prennent plusieurs rendez-vous, ou encore un certain nombre de patients un peu protégés par la complémentaire santé solidaire. Vis-à-vis de ces patients, il faut d’abord faire de la pédagogie.
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