Le Quotidien a interrogé plusieurs médecins atteints ou ayant été atteints de maladies graves. Le regard que les patients porte sur eux a été déterminant sur leur choix d’aborder la question de leur propre maladie en cours de consultation. Si certains patients ont tenu à marquer de la distance par la suite – souvent par peur de devoir chercher un nouveau médecin en cas d’arrêt maladie prolongé – d’autres y ont vu un appui dans leur parcours de soins. Témoignages.
Comment cacher la cicatrice sur ma tête ?
«Généraliste dans une ville de 5 000 habitants dans l’ouest de la France, j’ai été opéré en urgence d’un méningiome qui s’est révélé bénin en octobre 2012. Mes associés ont expliqué que j’avais eu un problème de santé et la patientèle avait attendu mon retour sans vague. Mais comme je suis chauve, à mon retour les patients ont immédiatement repéré ma cicatrice de craniotomie, même si j’avais décidé de ne pas parler de mon intervention.
Très rapidement, j’ai compris que dans cette bonne petite ville de province, un docteur « opéré de la tête » c’est un docteur à qui on ne peut plus faire confiance : "on lui a enlevé un bout du cerveau, il ne peut plus réfléchir comme avant ". J’ai eu beau expliquer – tout comme mes associés – que j’avais été pris en charge pour une tumeur bénigne, j’ai perdu beaucoup de patients. J’ai donc choisi de quitter la région pour prendre un poste salarié dans une clinique de SSR dans le sud de la France pour retrouver des conditions d’exercice satisfaisantes, sans le regard suspicieux sur mes capacités intellectuelles de certains de mes anciens patients.»
Alors vous aussi, pas de bonbons, pas de gâteaux ?
«A 15 ans, alors que j’étais en seconde, un diabète de type 1 m’a été diagnostiqué. J’ai été hospitalisée 3 jours puis "laissée dans la nature" sans sentiment de véritable suivi. J’ai d’abord été très en colère, puis déprimée à l’idée d’être atteinte de maladie définitive. Puis j’ai décidé de faire médecine, où j’ai rencontré un bon nombre d’anciens "enfants malades".
Généraliste, j’ai dans ma patientelle des diabétiques, surtout de type 2. Je leur parle très rapidement de mon état, surtout si je sens chez eux des difficultés à la prise en charge au quotidien. Cette confidence crée une facilitation du dialogue, un peu comme avec les jeunes mères que je vois en consultation et à qui je parle de ma propre expérience avec mes enfants. Le diabète fait partie de ma vie comme la maternité.»
Alors c’était qu’une grippe ?
«J’ai choisi de continuer à travailler lorsque l’on m’a diagnostiqué un lymphome folliculaire. Le traitement par Rituximab ® était administré au cours d’une hospitalisation de jour le jeudi, jour où habituellement j’étais en formation ou de permanence au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins. Certains patients me disaient que j’avais l’air fatigué. Je n’ai jamais voulu leur parler de ma maladie.
En décembre 2019, j’ai été hospitalisé en raison d’une pneumopathie hypoxémiante faisant suite à une grippe (j’était pourtant vacciné). Et là, pour la première fois de ma carrière, j’ai demandé un arrêt maladie à mon hématologue. A mon retour début janvier 2019, j’ai senti les patients curieux de savoir ce qu’il m’était arrivé. J’ai choisi de leur répondre à tous : une grippe, ce qui était une « demi-vérité ». La plupart d’entre eux m’ont dit qu’ils avaient bien vu que j’étais plus fatigué depuis un certain temps et ils m’ont tous conseillé de lever le pied tout en m’assurant de leur fidélité même en cas d’activité réduite.»
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