« Améliorer le parcours de santé des personnes fracturées par le renforcement du lien ville-hôpital. » C’est l’objectif recherché par le projet Rampardos, porté conjointement depuis 2019 par le département de rhumatologie du CHU de Lille et les infirmiers libéraux de l’URPS des Hauts-de-France. « L’idée est née d’une indignation liée à une prise en charge catastrophique de l’ostéoporose en France », témoigne avec gravité le Pr Julien Paccou, rhumatologue référent du projet. En effet, cette maladie chronique, fréquente et invalidante reste « sous diagnostiquée, sous traitée et mal suivie », affirme le spécialiste.
Pour preuve, les données de l’Assurance-maladie démontrent qu’à la suite d’une fracture et durant l’année qui a suivi le retour au domicile, seuls 10 % des patients ont effectué une ostéodensitométrie et seulement 15 % ont reçu un traitement spécifique de l’ostéoporose. Pis, près de 50 % d’entre eux ont arrêté leur traitement (bisphosphonates per os) avant la fin de la première année. « Nous devons dépasser les traitements initiés à l’hôpital pour impliquer les professionnels de ville dans le suivi et l’observance des traitements par le patient à son retour à domicile », martèle le Pr Paccou.
D’où le partenariat avec l’URPS-Idel et le soutien de l’URPS-médecins libéraux pour expérimenter un parcours coordonné des patients ostéoporotiques de 50 ans et plus en intégrant les libéraux de la Métropole européenne de Lille (intercommunalité), en complément de la filière fracture du CHU. L’objectif de cette continuité des soins entre la ville et l’hôpital est d'améliorer significativement l'accompagnement du patient à domicile pour éviter les sur-fractures et les réhospitalisations.
L’ergothérapeute chef d’orchestre
Au cœur de ce parcours innovant rendu possible par l’article 51 (cadre expérimental créé dans le budget de la Sécu pour 2018), on retrouve un ergothérapeute coordonnateur hospitalier, salarié à temps plein. Ses missions sont protocolisées et supervisées par un médecin rhumatologue pour mieux repérer les fractures ostéoporotiques, mettre en place un suivi coordonné des soins en ville spécifique à la prise en charge de l’ostéoporose à l’aide d’un plan personnalisé de santé (PPS).
Au début du parcours, le coordonnateur repère les patients à inclure dans l’expérimentation, organise le retour à domicile et programme les examens complémentaires à faire en ville. Ensuite, il prévoit la réunion hebdomadaire pluriprofessionnelle (médecin traitant, pharmacien, infirmiers, hôpital, éducateurs APA – activité physique adaptée) pour discuter la conduite, les choix thérapeutiques et valider le PPS, formalisant ainsi la coordination à mettre en place. Les échanges d’informations avec les comptes rendus se font via un système informatique créé pour Rampardos.
D’une durée de quatre ans, l’expérimentation, qui va démarrer à la mi-mars a pour objectif d’inclure 320 patients. L’enveloppe totale allouée de 500 000 euros permet de financer l’ergothérapeute, les forfaits dérogatoires, les séances d’APA et les crédits d’amorçage d’ingénierie. Dans ce projet, le médecin traitant du patient inclus doit assurer deux consultations longues par an, rémunérées 60 euros chacune, et le pharmacien, deux entretiens pharmaceutiques (50 euros chacun). Les infirmiers feront des visites régulières au domicile (19 euros la visite) des patients. Pour certains d’entre eux, des séances d’APA sont aussi programmées.
Sortir de sa zone de confort
La réussite du projet nécessite l’implication des professionnels de ville, et tout particulièrement des médecins traitants. « Je demande aux médecins traitants d’accepter de sortir de leur zone de confort et de s’impliquer a minima dans la coordination de ce parcours de soins sur l’ostéoporose », résume le Pr Paccou. Un vœu largement entendu par le président de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Grand Lille, le Dr Jean-Paul Kornobis. « Le Pr Paccou a eu raison de nous réveiller, indique le généraliste lillois. C’est une question de santé publique. En ville, les médecins font une ostéodensitométrie quand ils y pensent. » Grâce à ce parcours qui comprend « une reconnaissance financière du temps passé et le gros travail administratif effectué par l’ergothérapeute », « nous pouvons nous concentrer sur l’observance, le suivi des traitements et la sensibilisation des patients à cette maladie », se félicite le Dr Kornobis.
Je demande aux médecins traitants d’accepter de sortir de leur zone de confort
Pr Julien Paccou, rhumatologue référent du projet Rampardos
Pour l’heure, la CPTS Grand Lille, forte de ses 60 médecins généralistes, va organiser des webinaires pour sensibiliser les confrères libéraux de l’intercommunalité à cette action de santé publique. Aujourd’hui, la France compte un peu plus de 370 000 fractures de fragilité osseuse chaque année qui entraîne près de 156 000 hospitalisations. Le coût économique lié à ces fractures est estimé à 4,8 milliards d’euros, dont 2,5 milliards pour le seul col du fémur.
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