Parade et riposte mais pas à fleurets mouchetés. Après le sévère rapport de l’Igas étrillant les dysfonctionnements du dispositif Asalée (Action de santé libérale en équipe), l’association éponyme a décidé de contre-attaquer sur plusieurs fronts. « Nous sommes indignés, a expliqué la Dr Margot Bayart, présidente de l’association, à l’occasion d’une conférence en ligne en présence de plusieurs dizaines de soignants engagés dans le réseau Asalée et des membres de son bureau, à laquelle le Quotidien a pu assister. Nous sommes face à des accusations mensongères, une calomnie et même un mensonge d’État ».
La situation est d’autant plus grave que, dans la foulée du réquisitoire de l’Igas, les ministres de tutelle Catherine Vautrin et Yannick Neuder ont sommé l’association de se conformer aux recommandations du rapport et de « remettre en ordre sa gestion et son organisation ». À titre exceptionnel, les deux ministres ont proposé une prolongation transitoire « de quatre mois » de la convention Asalée avec l’Assurance-maladie (jusqu’à fin octobre 2025) pour lui donner le temps d’assainir sa gestion et de mettre en place une gouvernance « plus lisible ». Un sursis et une menace, qui font bondir la présidente d’Asalée, n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat. « Ce que nous proposons depuis vingt ans va à rebours des logiques cloisonnées, normatives ou productivistes, on veut sortir de la marchandisation de la santé, c’est un choix de société qui dérange certains. Peut-être qu’on fait des économies sur le dos de quelqu’un… », avance la Dr Bayart, qui est aussi première vice-présidente du syndicat de généralistes de MG France.
Créé en 2004, le dispositif Asalée s’appuie sur une collaboration étroite entre généralistes et infirmiers pour accompagner les patients atteints de maladies chroniques (diabète par exemple), notamment via des séances d’éducation thérapeutique. Le réseau revendique davantage de prévention et d’ETP et moins de curatif. De quoi déranger ? Aujourd’hui, plus de 2 000 infirmiers Asalée travaillent avec 9 000 médecins sur tout le territoire, grâce à un financement de l’Assurance-maladie.
Ingérence du comité de surveillance
Mise en cause publiquement, l’association Asalée a en tout cas décidé de « changer de ton » et de répondre aux accusations jugées « mensongères » de l’Igas. Une contre-offensive médiatique couplée d’une lettre ouverte aux ministres pour développer sa défense, chapitre par chapitre.
L’absence de gouvernance financière et la non-publication des comptes depuis 2022 ? Asalée argue au contraire d’un pilotage « à l’euro près », avec des comptables assermentés et des audits réguliers. L’association déclare subir en revanche une forme « de harcèlement, d’acharnement » et même de mise sous tutelle : ainsi, le comité de surveillance « imposé » depuis 2021 par la Cnam et la Direction de la Sécurité sociale (DSS, ministère) a privé l’association de son autonomie et de ses fonds propres, mettant l’Assurance-maladie en situation d’ingérence et de gestion de fait. C’est pour échapper à cette emprise que le réseau Asalée, qui pèse 100 millions d’euros de budget, souhaite constituer une société coopérative d’intérêt collectif.
Des appels d’offres en bonne et due forme
Les conflits d’intérêts dans les marchés, autre accusation de l’Igas ? Là encore, les responsables d’Asalée assurent avoir procédé à un appel d’offres transparent sur plateforme publique, en bonne et due forme (le dernier fin 2022), pour acheter par exemple des spiromètres, ordinateurs, logiciels ou services support, avec un choix des prestataires « les plus ajustés à nos besoins » et une publication des résultats contradictoires. L’accusation de conflits d’intérêts est « une pure invention », tonne Margot Bayart.
Quant au grief d’une confusion entre prestataires et direction d’Asalée, il relèverait là encore d’une « accusation calomnieuse ». « Jamais un prestataire ne peut être dirigeant d’Asalée, les responsables sont des soignants, qui assument leurs responsabilités, et il ne peut en être autrement », clame la présidente.
Autre reproche jugé infondé : la problématique des loyers des bureaux occupés par les infirmières, l’association se voyant reprocher d’avoir assumé ces frais. Cette dernière fait valoir qu’en 2022, la Cnam avait pris « une décision unilatérale d’interdiction de prise en charge par Asalée des loyers », décision qui a jeté à la rue des dizaines d’infirmières et privé les patients des soins. C’est grâce aux collectivités locales que l’exercice a pu être poursuivi, se défend l’association.
Je ne veux pas être en guerre avec les ministres ou avec la Cnam
Dr Margot Bayart, présidente d’Asalée
Enfin, dans une lettre ouverte aux ministres de tutelle, l’association Asalée rappelle à Catherine Vautrin et Yannick Neuder ses revendications restées lettre morte depuis un an, en commençant par la transparence sur « l’évaluation médico-économique » réalisée sur le dispositif (les résultats n’ont jamais été rendus publics). Un point clé puisque le réseau Asalée revendique des économies de 20 à 30 % sur les dépenses des patients chroniques pris en charge. L’association appelle de ses vœux une contre-expertise indépendante et, surtout, la pérennisation d’un soutien public clair qui ne soit pas « sous tutelle comme aujourd’hui avec le comité de surveillance » ou par le biais d’un éventuel médiateur. Si la présidente d’Asalée assure qu’elle « ne veut pas être en guerre avec les ministres ou avec la Cnam », la généraliste ira jusqu’au bout pour porter ce « juste combat ».
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