Consulter pour une angine et repartir avec une bonne leçon sur la chirurgie bariatrique. L’expérience, vécue par Daria, cofondatrice du collectif Gras politique, peut laisser des traces. « À peine quelques secondes après mon arrivée, la médecin me dit que je vais mourir si je continue comme ça, qu'il n'y a pas de solution et que je dois mettre un by-pass. Je ne la connaissais ni d'Eve ni d'Adam ! », se souvient-elle pour un grand format consacré à la grossophobie médicale publié sur France Info. « Elle était tellement partie dans son délire sur mon poids que j'ai dû insister pour qu'elle me prescrive quelque chose pour mon angine. Je ne dis pas que le poids ne peut pas être une cause de maux, je dis juste que, parfois, on a aussi les douleurs de monsieur et madame Tout-le-Monde », raconte-t-elle.
L’an passé, un article du Généraliste relatait les conclusions d’une étude sur le « fat-shaming ». Sous l’article, ce commentaire avait été rédigé : « Arrêtons de considérer les gros comme des normaux qu'ils ne sont pas et, sans commisération excessive et inadaptée, incitons-les à se prendre en charge ».
« Ne pas généraliser »
Si les médecins n’échappent pas à la grossophobie, le Dr Anne Bottet, vice-présidente du bureau formation du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et enseignante à l’Université de Clermont Auvergne, rappelle qu’aucune étude n’a permis de qualifier l’ampleur du problème chez les soignants. « Il ne faut pas tomber dans le piège, parce que quelques personnes se sont plaintes, de généraliser et d’accuser tous les médecins de se comporter de la sorte », avertit-elle. « En revanche, on peut avoir des moments où on est fatigué, excédé et oublier les principes de communication exemplaires qu’on nous a appris, ça peut arriver à tout le monde », concède le Dr Anne Bottet.
« Au patient de nous donner la piste »
Pour aborder le surpoids d’un patient la praticienne recommande de « créer une relation d’empathie, être dans la recherche du motif principal de consultation, et s’attacher à n’émettre aucun jugement. Et ensuite aborder le problème de la façon la plus pertinente possible ». « Si une personne ne veut pas passer sur la balance, il faut lui demander pourquoi. Si elle accepte, il faut demander ce qu’elle en pense », ajoute-t-elle.
Et que faire quand le patient vient pour un autre motif ? Pour le Dr Anne Bottet, il n’y a pas de règle absolue. « Il ne faut pas être dans le déni, mais ça ne veut pas dire qu'il faut être stigmatisant. C’est au patient de nous de donner la piste. Est-ce que c’est un problème ? Pourquoi ? Et si ce n’en est pas un, il faut respecter son autonomie », explique-t-elle.
Le rôle de la formation
La solution à la grossophobie passe également par l'enseignement « d'habiletés communicationnelles » aux futurs médecins selon le Dr Bottet. « Nous faisons des travaux pour améliorer la communication en santé. Nous mettons également les étudiants en situation, dans des jeux de rôle, des ateliers de communications ou encore des exercices de simulation filmés. En stage, la communication fait partie de la grille d'évaluation des compétences des internes pour qu'ils soient sensibilisés à ces principes de communication et à leur application », détaille la responsable des stages ambulatoires de l'université de Clermont Auvergne.
Interrogé par What’s up doc ?, le Dr Baptiste Beaulieu recommande qu’on enseigne davantage « la communication bienveillante » lors de la formation médicale. « On m’a plus appris à être le papa de mes patients que leur allié », affirme-t-il.
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