C’est une mesure du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025) qui irrite déjà les médecins libéraux, alors même que ce budget sera examiné par les députés en commission, la semaine prochaine.
Pour enrayer la dynamique de certaines dépenses maladie et « limiter les mésusages », l’article 16 conditionne la prise en charge par l’Assurance-maladie de certains actes ou prestations à « la présentation par le patient d’un document, établi par le prescripteur, indiquant (…) que sa prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement ou les recommandations de la Haute autorité de santé ».
Au-delà des prescriptions médicamenteuses, le PLFSS cite la biologie et l’imagerie médicale mais aussi les transports de patients. Il s’agit concrètement d’étendre un dispositif d’accompagnement à la prescription instauré dans la loi Sécu 2024 mais qui ne s’applique aujourd’hui que sur les seuls produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux).
Aux fins d’établir le fameux formulaire dédié, le prescripteur devrait renseigner « dans des conditions précisées par voie réglementaire », les éléments nécessaires permettant de « vérifier si la prescription s’inscrit ou non dans le cadre de ces indications ou recommandations », renseignements transmis au contrôle médical, peut-on lire. Le prescripteur sera « immédiatement informé » si une prescription n’est pas conforme, avance l’exécutif dans le dossier de presse du PLFSS.
Téléservice, papier ou PDF téléchargeable !
Pour le gouvernement, cette mesure est pleinement justifiée car certains actes ou prestations demeurent « souvent prescrits » en dehors des recommandations de la HAS ou des indications définies dans les nomenclatures. C’est notamment le cas pour les transports de patients où le mode et le type de véhicule mobilisé « ne sont pas toujours ceux justifiés par l’état de santé du patient », argumente le gouvernement. Le formulaire pourrait prendre la forme d’un téléservice ou en cas d’impossibilité « sous forme papier ou au format PDF téléchargeable », peut-on lire dans l’exposé des motifs.
« On a bien compris que le gouvernement cherche partout à réduire les dépenses de certains postes qui ont des volumes importants, avertit le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France. Mais à l’heure de la simplification administrative, cette disposition complique encore le travail du généraliste ». Même reproche du côté de la CSMF. « Nous réitérons notre attachement à la pertinence des soins. En revanche, on appelle le ministère à ne pas rendre plus complexe l’exercice quotidien des médecins avec ces formulaires à remplir », explique le Dr Franck Devulder. La centrale polycatégorielle a saisi plusieurs députés pour supprimer l’article 16.
« Cet article va inutilement monopoliser du temps médical »
Groupe LFI-NFP à l’Assemblée nationale
Ce travail de lobbying pourrait payer. Sur les quelque 1 500 amendements déjà déposés sur ce texte, dix-neuf concernent l’article 16 dont cinq visent son abrogation pure et simple, au motif qu’il serait non seulement inutile mais aussi inefficace. Pour le député PS Jérôme Guedj ainsi que huit autres élus du groupe socialiste et apparentés, cet article « ne permettra probablement de réaliser que des économies de bouts de chandelle ».
Le groupe LFI-NFP considère qu’une telle évolution « va inutilement monopoliser du temps médical ». Et ce, « à l’image du climat délétère de surenchères de mesures paternalistes pouvant nuire à la qualité des soins au nom des restrictions budgétaires », ajoute le groupe écologiste et social. Quant aux députés du groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), ils estiment que de telles évolutions « contribuent à renforcer la surcharge administrative des médecins, à l’heure où l’urgence est de dégager du temps médical disponible ».
Simple et basique comme une case à cocher
Du côté de la droite républicaine, il n’y a pas d’amendements de suppression à ce stade. Le député de Meurthe-et-Moselle Thibault Bazin préfère modifier ce texte en plaidant en faveur d’un « dispositif simple » où le prescripteur devrait uniquement « avoir à cocher sur la feuille de soins une case identifiant si la prescription respecte ou non les indications ouvrant droit au remboursement ou les recommandations de la HAS ». « Le remplissage de tout autre formulaire argumenté est à proscrire », peut-on lire.
Le bras de fer ne fait que commencer mais pour la profession cet article semble aller à l’encontre de la simplification de l’exercice médical libéral mis en avant par les autorités.
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