Dépassements d’honoraires : l'UFC-Que choisir épingle huit spécialités, les syndicats répliquent

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Publié le 22/02/2024
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Nouveau pavé dans la mare tarifaire de Que Choisir, cette fois en pleine négociation conventionnelle. En France, plus de la moitié des médecins spécialistes (52,2 %) appliquaient des dépassements d’honoraires en 2021 contre 45, 8 % en 2016, cinq ans plus tôt : c’est ce que révèle une enquête de l’UFC Que Choisir publiée ce jeudi 22 février, qui dénonce « l’envolée du prix des soins ». Si ce chiffre global était déjà connu, l’enquête documente, spécialité par spécialité, l’évolution de la situation tarifaire (en proportion de praticiens concernés et en montants de dépassements).

Sur la base de données de l’Assurance-maladie, l’association de consommateurs s’est intéressée aux pratiques tarifaires de huit spécialités médicales libérales (anesthésie, cardiologie, dermatologie, gastro-entérologie, gynécologie, ophtalmologie, pédiatrie et psychiatrie). L’association en déduit des conséquences sur le coût croissant de la santé sur les usagers en s’appuyant sur un échantillon représentatif de 1 004 personnes.

Près des trois quarts des gynécologues facturent des compléments d’honoraires

Sur les huit spécialités étudiées, les gynécologues, les ophtalmologues et les anesthésistes sont les disciplines qui, proportionnellement, facturent le plus de dépassements d’honoraires, au regard de leur installation dans le secteur à honoraires libres. Ainsi, 71, 4 % des gynécologues appliquent des prix supérieurs aux tarifs de convention de la Sécurité sociale, soit une progression de plus de 9 points depuis 2016, suivis par les ophtalmos (66,7 %) et les anesthésistes (58,8 %). Ces derniers enregistrent en 5 ans la plus forte hausse (+12,8 points), en passant le cap d’une majorité de praticiens ne respectant pas le tarif Sécu.

Part des praticiens avec dépassements

Très fortes inégalités territoriales

S’agissant cette fois du niveau (en valeur) des dépassements d’honoraires pratiqués, là encore, les gynécologues s’illustrent par les montants moyens les plus élevés. Leur tarif global de consultation s’élève à 50,60 € en moyenne (dont 20,60 euros de dépassement à l’échelle nationale sur un tarif opposable de 30 euros en 2021, NDLR), atteignant même 80,50 € à Paris (soit 50,50 euros de dépassement).

Selon les spécialités analysées, le dépassement moyen en France entière oscille entre cinq euros (cardiologues) et près de 14 euros (ophtalmos, psychiatres) ; mais ces montants grimpent fortement dans les départements les plus chers en Île-de-France (Paris, Hauts-de-Seine), sur le littoral sud (Alpes-Maritimes, Var) mais aussi dans le Rhône ou le Bas-Rhin où les compléments moyens constatés approchent ou dépassent les 30 euros (tableau ci-dessous). En psychiatrie, les patients s’acquittent d’un dépassement moyen de 13,70 € à l’échelle nationale (mais sur une consultation de base plus élevée), portant le tarif de la consultation à 63,90 euros.

Les moyennes France entière masquent donc de très fortes inégalités géographiques tarifaires puisque la même consultation peut être « jusqu’à 2,5 fois plus onéreuse d’un département à l’autre», insiste Que Choisir.

Tarifs de consultation

Anesthésistes, le grand écart

Les écarts les plus importants observés par l’UFC-Que Choisir en matière de dépassements sur la consultation concernent ceux appliqués par les anesthésistes, qui varient du simple au double selon le département. « Le contraste tarifaire est saisissant entre les départements les moins chers et les plus chers (cartographie) », note l’association qui souligne d’ailleurs que « ces tarifs s’imposent très souvent aux patients s’apprêtant à subir une opération ».

Anesthésistes

 

De manière générale, sur l’ensemble des spécialités étudiées, les départements ruraux sont ceux qui respectent le plus le tarif opposable.

Fermer l’accès au secteur II pour les nouveaux arrivants

Face à cette « envolée des prix », l’association enjoint à nouveau les autorités à prendre des mesures « courageuses » visant à améliorer l’accessibilité financière aux consultations de spécialistes. « Dans la mesure où la vague de départs en retraite des médecins issus de la génération du baby-boom ne fait que commencer, le risque que ce phénomène s’accélère et s’aggrave est particulièrement aigu au vu de la démographie médicale », alerte-t-elle.

Alors que la Cnam et les syndicats de médecins libéraux sont en pleine négociations conventionnelle, l’UFC-Que Choisir exige que l’éventuelle augmentation des tarifs de base soit conditionnée à une réduction effective des restes à charge pour les usagers. L’association souscrit à la fermeture de l’accès au secteur II (hors Optam à tarifs maîtrisés) pour les nouveaux arrivants et réclame le lancement d’un chantier visant à inclure tous les praticiens de secteur II à cette option de modération tarifaire. « Cela ne peut plus rester optionnel dans un contexte de grave crise d’accès aux soins », peut-on lire.

Si les gynécologues ont eu davantage recours aux dépassements depuis 2021, ce n’est pas pour vivre comme des pachas mais pour continuer à faire un travail de qualité

Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof

Interrogé ce jeudi par Le Quotidien, le Dr Vincent Dedes, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), recadre la situation. « Effectivement, un pourcentage non négligeable de spécialistes en secteur 2 ou adhérents à l’Optam pratiquent des dépassements d’honoraires. C’est tout à fait légal et c’est une manière de répondre au fait que nos tarifs sont bloqués depuis des dizaines d’années sans prendre en compte l’inflation. On ne fait que transférer la prise en compte de nos charges aux complémentaires ! »

Les gynécologues avancent les mêmes arguments et défendent l’équilibre économique des cabinets libéraux. « Ces dernières années, les revenus des spécialistes ont baissé, défend le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof et coprésident du Bloc. Malgré l’inflation et la hausse du coût de l’énergie, nous devons continuer à payer nos secrétaires, nos aides opératoires, nos loyers ainsi qu’assurer nos cabinets. Si les gynécologues ont eu davantage recours aux dépassements depuis 2021, ce n’est pas pour vivre comme des pachas mais pour continuer à faire un travail de qualité. À ce stade, nous ne pouvons pas baisser nos coûts. L’Optam est au cœur de la solution et il faudra aboutir à des tarifs acceptables dans le cadre des négociations conventionnelles ».


Source : lequotidiendumedecin.fr