Pour un président de la CSMF l’invitation était inédite. D’ordinaire, c’est plutôt du côté de MG France que la Mutualité va piocher pour donner la parole aux médecins libéraux. Au Congrès de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) qui se déroulait à Nantes jusqu’au samedi 13 juin, Jean-Paul Ortiz ne s’est pourtant pas dérobé. Il était bien vendredi après-midi l’un des orateurs d’une table ronde au titre presque neutre -"Un nouveau rôle pour les mutuelles dans le système de santé"-, mais au sous-titre on ne peut plus suggestif : "quelles nouvelles relations conventionnelles avec les professionnels de santé ?". Question en forme de piège pour le néphrologue de Perpignan, mais dans lequel il a pris garde de ne pas tomber. "Nous sommes résolument opposés à la mise en place de réseaux de soins avec les médecins, car les médecins sont attachés à la liberté," a d’entrée de jeu asséné le président de la CSMF, un peu seul face à près de 2000 mutualistes.
La veille, le patron de la Mutualité, Etienne Caniard, pédagogue, avait expliqué à la presse que si les mutuelles réclamaient des réseaux de soins avec les médecins, c’était aussi pour assurer une meilleure rémunération à ces derniers. Et justement, la table ronde de vendredi avait été agrémentée d’un reportage sur les médecins généralistes d’une MSP de Niort, ravis de leur partenariat avec les mutuelles. Commentaire à la tribune de Stéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle et vice-président de la Mutualité Française : "les jeunes souhaitent pouvoir pratiquer différemment la médecine et dans des organisations différentes; et ils viennent nous interpeller? Cela ne peut pas nous laisser indifférent."
Et c’est donc en terrain miné que Jean-Paul Ortiz s’est évertué à se démarquer soigneusement de ses interlocuteurs: "Nous ne laisserons pas les assureurs complémentaires américaniser notre système de santé," a-t-il dit, avant de rappeler que l’opposition de la CSMF au tiers payant généralisé tenait aussi à la crainte que les médecins libéraux n’y perdent leur âme, redoutant via le paiement direct par les mutuelles une possible "aliénation de leur activité vis-à-vis des assureurs complémentaires." Et d’épingler au passage les complémentaires sur leur attitude dans le fonctionnement du Contrat d’Accès aux Soins (CAS) : "un des trois partenaires n’a pas honoré sa signature (de l’avenant n°8), c’est l’UNOCAM (Union des complémentaires) ! "
On l’aura compris : pas question pour le patron de la Conf’ de donner l’impression d’aller à Canossa en étant l’hôte d’un jour à Nantes de la Mutualité. Pour être bien sûr de se faire comprendre, en fin d’après-midi vendredi, la CSMF s’est fendue d’un communiqué, justifiant la présence du président du principal syndicat de médecins libéraux à un congrès de la FNMF : « Ce sont deux grands acteurs de la santé qui se doivent de rester indépendants l’un de l’autre dans l’intérêt des patients mais qui ne peuvent s’ignorer, d’où la présence de la CSMF aujourd’hui à cette tribune ». Le communiqué en profitait pour enfoncer le clou sur les sujets qui fâchent. Sur les réseaux de soins par exemple: "La tentation pourrait être grande de proposer des parcours de santé via des réseaux de soins aux adhérents, fonction de leurs cotisations, ce qui constituerait une entrave majeure à la liberté pour eux de choisir leurs médecins et l’ensemble de leurs soignants." Et sur le contrat d’accès aux soins également : "L’Etat doit imposer aux mutuelles de s’impliquer réellement dans le remboursement du complément d’honoraires."
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