Complémentaire santé

J-75 pour assurer vos salariés…

Publié le 16/10/2015
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?Si vous employez ne serait-ce qu’un salarié à temps partiel à votre cabinet, la loi vous oblige en principe à mettre en place à partir de l’an prochain un contrat collectif responsable et solidaire pour celui-ci en vertu de la généralisation de la couverture complémentaire santé. Il vous reste jusqu’au 31 décembre pour remplir cette obligation. Mode d’emploi.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Pas un jour sans que votre boîte mail ne soit inondée de multiples propositions d’organismes d’assurance, de mutuelles ou de banques aux offres toujours plus intéressantes les unes que les autres ! Ces démarches marketing bien affûtées vous invitent en un clic à simplifier les démarches pour souscrire ce fameux contrat complémentaire santé pour vos salariés. Si vous aviez un courtier, il vous a probablement interpellé sur ce sujet dès la promulgation de la loi dite ANI (Accord National interprofessionnel du 11 janvier 2013), transposée dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, puis le temps a passé. ?En effet, cet accord prévoyait, dès 2013, l’obligation de souscrire une complémentaire santé à la date du 1er janvier 2016 pour tous vos salariés, du moins au cabinet puisque les particuliers employeurs échappent pour l’heure au dispositif.

Celle-ci sera financée à 50 % par vos soins, contrepartie exigée par la CFDT aux outils de flexibilisation du marché du travail prévus par cet accord dit ANI. Progrès social d’un côté certes, mais qui fait grincer les dents des employeurs, a fortiori des très petites entreprises (TPE). Avant la promulgation de cet accord, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) pointait en 2012 que 30 % des entreprises de moins de 10 salariés n’avaient pas mis en place de mutuelle pour les salariés. Chiffre à l’évidence beaucoup plus important chez les professionnels de santé exerçant en libéral. C’est justement ce marché des très petites entreprises (TPE) qui affolent le monde de l’assurance comme le souligne le

Syndicat Français des Courtiers en Assurances (SFAC).

Des offres pléthoriques

La complémentaire santé obligatoire suscite une concurrence accrue sur ce secteur de marché sur lequel les assureurs traditionnels se voient pris de cours par les offensives d’autres acteurs du marché comme la banque assurance et des mutuelles qui n’hésitent pas casser les prix ou à créer des rapprochements entre partenaires de branche pour assurer le passage de l’assurance individuelle au collectif. Les exemples sont légion car les transferts de contrats se révèlent importants.

Chez Ampli Mutuelle, la communication sur le marché de la complémentaire santé et de la prévoyance n’a pas lésiné sur les moyens pour « décliner une offre à nos adhérents, majoritairement professionnels de santé qui ont souvent un ou deux salariés » explique Philippe Landré, directeur général du groupe.

Même détermination chez So’Lyon Mutuelle (anciennement Mutuelle des hospices civils de Lyon) qui s’engage dans le « petit collectif » depuis l’année dernière. AG2R, La Mondiale, Malakoff Mederic, La Médicale de France, la Macsf ont également créé des offres spéciales pour les professions libérales et la liste est loin d’être exhaustive. La Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) et Groupe Pasteur Mutualité se sont associés à parité dans la création d'une société par actions simplifiées (SAS) baptisée Orsane, pour se développer en complémentaire santé et prévoyance collectives, en particulier dans l'hospitalisation privée.

Des contrats à moins de 10 € par mois

La guerre des prix est lancée. Certains organismes vont jusqu’à proposer des contrats à moins de 10 euros par mois par salarié (soit 20si l’on ajoute la part employeur)…Pratique que dénoncent les uns et les autres car le marché est juteux. Il concerne, en effet, 4 millions de salariés et le coût des contrats pour les employeurs et les salariés qui paieront chacun la moitié des cotisations est estimé à 4 milliards d’euros ! Cependant le président de la Mutualité française, Etienne Caniard, relativise : « Seuls 400 000 salariés n'ont en réalité aucune couverture. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une généralisation de la complémentaire santé, mais d'une transformation des contrats individuels en collectifs pour la majorité de la population concernée ».

Pour autant, d’après sondage et enquête, les campagnes de communication n’ont pas porté leurs fruits. Fin août, le sondage Odexa/Groupe Humanis alertait sur le défaut d’information du grand public pour cette réforme en affirmant qu’un tiers des entreprises n’avait pas anticipé les démarches pour entrer dans les clous de la réforme et qu’une sur deux n’en avait jamais entendu parler. En septembre, une enquête IFOP/Swiss Life assurait que 47 % des salariés des TPE n’ont toujours pas de complémentaire santé… Sondage ou opération marketing de nouveau puisque les chiffres ne cadrent pas du tout avec les statistiques du CREDOC de 2012 (voir supra) ?

Des conséquences mal évaluées

Le peu de précipitation des salariés comme des patrons s’explique peut-être par l’absence d’enthousiasme pour cette réforme aux conséquences assez mal évaluées. Au début de l’été les chercheurs de l’Irdes ont fait fonctionner leurs calculettes et ont montré que si à ce jour, 5 % de la population ne disposent d’aucune couverture complémentaire, ce taux passerait à 4 % seulement à la suite de la généralisation de la couverture complémentaire aux autres salariés... Dans ce contexte, comment vont réagir les professionnels de santé retardataires ? S’ils n’anticipent pas cette obligation, ils auront toujours la possibilité de recourir à la déclaration unilatérale de l’employeur (DUE) qui permet aux salariés de maintenir leur couverture individuelle… lorsqu’ils en ont une !

Dossier réalisé par Anne-Marie de Rubiana

Source : lequotidiendumedecin.fr